
Document public
Titre : | Arrêt relatif au fait que la surpopulation de la prison de Porto constitue un traitement dégradant pour les détenus : Badulescu c. Portugal |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 20/10/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 33729/18 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Portugal [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Administration pénitentiaire [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Mots-clés] Conditions matérielles indignes [Mots-clés] Surpopulation carcérale [Mots-clés] Manque d'hygiène [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Recours |
Résumé : |
Le requérant, M. B. est un ressortissant roumain né en 1981. Il est actuellement détenu à Tulcea, en Roumanie.
À une date non précisée, M. B. fut condamné à neuf ans et six mois d’emprisonnement pour vol au Portugal. Le 19 octobre 2012, il fut arrêté et placé en détention à la prison de Porto, d’où il fut libéré le 6 mars 2019. Durant cette période, M. B. se plaint d’avoir été détenu dans des cellules surpeuplées et d’avoir bénéficié d’un espace personnel réduit. Il soutient également que les cellules étaient insalubres, froides en hiver et chaudes en été, et que les toilettes n’étaient pas cloisonnées. Il se plaint aussi de la tardiveté des soins dentaires dont il a bénéficié et de leur déficience, ainsi que des appels téléphoniques avec sa famille qui ne pouvaient pas excéder cinq minutes par jour. Invoquant l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), M. B. alléguait que ses conditions de détention à la prison de Porto avaient été inhumaines et dégradantes. Il se plaignait également d’avoir bénéficié d’un accès tardif et déficient aux soins dentaires. M. B. estimait en outre que la durée des appels téléphoniques avec sa famille était insuffisante. La Cour a examiné ce grief sous l’angle de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale). La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 7 juillet 2018. En ce qui concerne les conditions de détention, la Cour rappelle avoir conclu à la violation de l’article 3 au sujet de questions similaires à celles de l’espèce dans l’affaire Petrescu c. Portugal. Après examen de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, elle ne décèle aucun fait ou argument propre à la convaincre de parvenir à une conclusion différente en l’espèce. En effet, la prison de Porto a été surpeuplée d’un bout à l’autre de la période pendant laquelle M. B. a purgé sa peine. Ainsi, quoique prévue pour accueillir 686 personnes, la prison de Porto était occupée par 1 070 détenus au 31 décembre 2012, 1 159 détenus au 31 décembre 2013, 1 207 détenus au 31 décembre 2014, 1 197 détenus au 31 décembre 2015, 1 183 détenus au 31 décembre 2016, 1 128 détenus au 31 décembre 2017 et 1 070 détenus au 31 décembre 2018. D’ailleurs, la surpopulation de cette prison et ses conséquences constituent la principale inquiétude qui ait été évoquée par le Médiateur dans son rapport du 20 avril 2017. Pendant toute la durée de son incarcération à la prison de Porto, M. B. a donc disposé de moins de 3 m2 d’espace personnel, plus précisément de 2,8 m2 dans les cellules prévues pour deux personnes et de 2,1 m2 dans les cellules collectives, où cohabitaient jusqu’à six personnes. Eu égard à la longue durée de la période d’incarcération (six ans et demi), la Cour estime que M. B. a traversé une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention, ce qui constitue un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention. La Cour estime aussi que l’absence de chauffage a constitué un facteur aggravant, vu l’inconfort voire la détresse qu’il a pu causer à M. B. tout au long de sa détention à la prison de Porto. Il y a donc eu violation de l’article 3 de la Convention. En ce qui concerne le grief portant sur l’accès tardif et déficient à des soins dentaires, la Cour relève que M. B. n’indique pas les dates auxquelles il aurait demandé à être vu par un dentiste ou aurait reçu des soins dentaires, et il n’explique pas en quoi les soins qui lui auraient été prodigués auraient été déficients. Par conséquent, ce grief n’est pas suffisamment étayé et est rejeté pour défaut manifeste de fondement. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:1020JUD003372918 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-205169 |
Cite : |