
Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'éloignement du territoire d'un ressortissant colombien en séjour irrégulier en l'absence des circonstances aggravantes : MO (Espagne) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/10/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-568/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Espagne [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Ressortissant pays tiers [Mots-clés] Mesure d'éloignement [Mots-clés] Reconduite à la frontière [Mots-clés] Amende [Mots-clés] Sécurité publique |
Résumé : |
L'affaire concerne la décision d'éloignement du territoire espagnol d'un ressortissant colombien en séjour irrégulier. L'administration s'est fondée sur une jurisprudence de la Cour suprême autorisant l’éloignement dans le cas où le séjour irrégulier s’accompagne d’un élément négatif dans le comportement de la personne concernée. En l'espèce, ces éléments se rapportaient au fait que cette dernière n’avait pas justifié être entrée en Espagne en passant par un poste-frontière, n’avait pas indiqué la durée de son séjour dans cet État membre et était dépourvue de tout papier d’identité. En outre, l'administration a constaté que l’éloignement n’entraînerait pas, en ce qui concerne l'intéressé, de déracinement familial, celui-ci n’ayant pas démontré l’existence de liens avec des ascendants ou des descendants directs résidant légalement en Espagne.
Saisi du recours contre la décision d'éloignement, la juridiction de renvoi précise que l’interprétation de la réglementation nationale retenue par la Cour suprême a été reprise par le législateur espagnol dans le cadre de la modification de cette réglementation par une loi organique en 2009. La juridiction de renvoi considère que c’est à tort que l'administration a constaté la présence d’un élément négatif dans le comportement l'intéressé. En effet, ce dernier aurait présenté, au cours de la procédure, un passeport valide, un visa d’entrée sur le territoire espagnol ainsi que des titres de séjour jusqu’à l’année 2013. En outre, il serait enraciné en Espagne tant sur le plan social que familial. S’agissant du comportement de l'intéressé, cette juridiction relève que le dossier soumis à son examen ne contient aucun élément négatif venant s’ajouter au simple séjour irrégulier de l’intéressé en Espagne. Dans cette situation, la juridiction de renvoi s’interroge sur les conséquences qu’il convient de tirer de l’arrêt du 23 avril 2015, Zaizoune (C‑38/14), pour apprécier la situation de l'intéressé. En effet, dans cet arrêt, la Cour aurait jugé que la directive 2008/115 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation d’un État membre qui prévoit, en cas de séjour irrégulier de ressortissants de pays tiers sur le territoire de cet État, d’imposer, selon les circonstances, soit une amende, soit l’éloignement, les deux mesures étant exclusives l’une de l’autre. Dans la présente affaire, la situation de l'intéressé serait régie par la même réglementation nationale que celle qui était applicable dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt de la Cour. Par ailleurs, selon une interprétation retenue par la Cour suprême avant le prononcé dudit arrêt, l’éloignement du territoire national d’un ressortissant de pays tiers séjournant illégalement en Espagne pourrait être ordonné seulement en présence de facteurs additionnels aggravants. Après le prononcé de l’arrêt du 23 avril 2015, Zaizoune, la Cour suprême aurait jugé, notamment dans un arrêt du 30 mai 2019, que les autorités administratives et judiciaires espagnoles sont habilitées à refuser d’appliquer les dispositions de la loi sur les étrangers qui prévoient la primauté de l’infliction d’une amende et qui exigent qu’une mesure d’éloignement soit expressément motivée par la présence de facteurs aggravants. Ce faisant, la Cour suprême aurait appliqué directement les dispositions de la directive 2008/115, au détriment de la personne concernée, aggravant ainsi la responsabilité pénale de celle–ci. En effet, à la suite de l’arrêt Zaizoune, les juridictions espagnoles auraient été tenues de procéder à une telle application directe de cette directive, même si cette application devait se faire au détriment des personnes concernées. La juridiction de renvoi doute de la possibilité de se fonder directement, en l'espèce, sur les dispositions de la directive 2008/115, afin d’ordonner un éloignement de l'intéressé, même en l’absence de facteurs aggravants s’ajoutant au séjour irrégulier sur le territoire espagnol. La Cour de justice de l'Union européenne juge que la directive 2008/115 doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’une réglementation nationale prévoit, en cas de séjour irrégulier d’un ressortissant de pays tiers sur le territoire d’un État membre, d’imposer soit une amende, soit l’éloignement, cette dernière mesure pouvant être adoptée seulement en présence de circonstances aggravantes concernant ce ressortissant, qui s’ajoutent au séjour irrégulier de celui-ci, l’autorité nationale compétente ne peut se fonder directement sur les dispositions de cette directive pour adopter une décision de retour et exécuter cette décision, même en l’absence de telles circonstances aggravantes. |
ECLI : | EU:C:2020:807 |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=232157&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1 |