
Document public
Titre : | Conclusions relatives à l'obligation d'accepter des espèces en euros pour le règlement des créances de sommes d'argent : Dietrich (Allemagne) |
Titre suivant : | |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 29/09/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-422/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Allemagne [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Vulnérabilité économique [Mots-clés] Établissement bancaire [Mots-clés] Biens et services [Mots-clés] Commerce [Mots-clés] Taxe d'habitation et redevance audiovisuelle [Mots-clés] Paiement [Mots-clés] Difficulté de paiement [Mots-clés] Dématérialisation des services publics |
Mots-clés: | Paiement en espèces |
Résumé : |
Deux citoyens allemandes, redevables du paiement de la redevance audiovisuelle dans un Land,ont proposé de payer cette redevance en espèces à l'organisme concerné. Invoquant son règlement sur les procédures de paiement des redevances audiovisuelles, qui exclut toute possibilité de payer ladite redevance en espèces, l’organisme a rejeté l’offre de paiement des deux intéressés et leur a envoyé des avis de recouvrement.
Les deux particuliers ont contesté en justice les avis de recouvrement et le litige est parvenu devant la Cour administrative fédérale allemande. Devant cette juridiction, les intéressés font valoir que tant le droit national que le droit de l’Union prévoient une obligation inconditionnelle et illimitée d’acceptation des billets de banque libellés en euros en tant que moyen de règlement des créances de sommes d’argent. Cette obligation ne pourrait être limitée qu’au moyen d’un accord contractuel entre les parties ou en vertu d’une habilitation prévue par la loi fédérale ou par le droit de l’Union. Des raisons pratiques liées à des paiements effectués par un nombre très important de contribuables(procédure de masse) ne sauraient justifier l’exclusion du paiement en espèce. Dans ses conclusions, l'avocat général considère qu'une disposition de droit national adoptée par un État membre dont la monnaie est l'euro qui, par son objectif et son contenu, réglemente le cours légal des billets de banque en euros empiète sur les compétences exclusives de l'Union n'est pas conforme au droit de l'Union. Il relève, cependant, que la compétence exclusive attribuée à l’Union en ce qui concerne la monnaie unique ne va pas jusqu’à inclure une compétence générale pour réglementer les modalités d’exécution des obligations de paiement, de droit public comme de droit privé, cette dernière étant restée dans le chef des États membres. Il en découle qu’un État membre peut adopter une disposition de droit national qui, par son objectif et son contenu, ne constitue pas une réglementation du cours légal des billets de banque en euros, mais une réglementation concernant l’organisation et le fonctionnement de l’administration publique qui prévoit une obligation pour ladite administration d’accepter des paiements en espèces de la part de ses administrés. Ensuite, l'avocat général relève qu'en l'absence d'une définition précise de la notion de «cours légal des billets de banque en euros», il incombe à la Cour de procéder, par voie d’interprétation, à la détermination de la portée de cette notion de droit de l’Union. À la lumière d’une analyse des éléments d’interprétation pertinents fournis par le droit de l’Union, l’avocat général arrive à la conclusion que, en l’état actuel du droit de l’Union, la notion de « cours légal des billets de banque » doit être comprise dans le sens qu’elle comporte une obligation de principe d’acceptation des billets de banque en euros par le créancier d’une obligation de paiement, sous réserve de deux exceptions : d’une part, le cas dans lequel les parties au contrat, dans l’exercice de leur autonomie privée, sont convenues d’autres moyens de paiement, différents du paiement en espèce et , d’autre part, le cas dans lequel l’Union ou un État membre dont la monnaie est l’euro, dans l’exercice de leurs compétences respectives, autres que celles relevant de la politique monétaire, ont adopté une réglementation qui, par son objectif et son contenu, ne constitue pas un encadrement du cours légal mais prévoit, pour des motifs d’intérêt public, des limitations à l’utilisation des billets de banque en euros comme moyens de paiement. De telles limitations ne sont toutefois compatibles avec la notion de « cours légal des billets de banque en euros » que si elles ne conduisent pas, de jure ou de facto, à une abolition complète des billets de banque en euros, si elles sont fondées sur des motifs d’intérêt public et s’il existe d’autres moyens légaux de règlement des créances de sommes d’argent. Elles doivent, en outre, être proportionnées et donc être propres à atteindre l’objectif d’intérêt public poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. L’avocat général relève également que l’Union ne prévoit pas un droit absolu au paiement en espèces dans tous les cas mais que la valeur de cours légal attribuée aux espèces peut avoir un lien direct avec l’exercice de droits fondamentaux dans les cas où l’utilisation des espèces fait fonction d’élément d’inclusion sociale. En effet, l’utilisation d’une monnaie différente de celle sous la forme physique des espèces suppose, actuellement, l’utilisation de services financiers de base auxquels un nombre non négligeable de personnes n’a pas encore accès. Pour ces personnes vulnérables, les espèces constituent la seule forme de monnaie accessible et donc le seul moyen d’exercer leurs droits fondamentaux qui présentent un lien avec l’utilisation de la monnaie. Les mesures de limitation de l’utilisation des espèces comme moyen de paiement doivent partant tenir compte de la fonction d’inclusion sociale que celles-ci remplissent pour ces personnes vulnérables et doivent garantir l’existence effective d’autres moyens légaux de règlement des créances de sommes d’argent. L’avocat général estime qu’il existe une obligation d’adopter des mesures propres à permettre que des personnes vulnérables qui n’ont pas accès à des services financiers de base puissent exécuter leurs obligations, notamment de nature publique, sans supporter de coûts supplémentaires. L’avocat général souligne, enfin, qu’il ne découle en aucune façon ni de la disposition du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui confère au cours légal la portée de notion de « droit primaire » ni d’aucune autre disposition du droit de l’Union que le législateur de l’Union a entendu exclure la possibilité, pour l’Union, de donner cours légal, parallèlement aux billets de banque et aux pièces en euros à d’autres formes de monnaie, pas nécessairement physiques, comme une monnaie digitale. |
ECLI : | EU:C:2020:756 |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=231781&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=4747551 |