Document public
Titre : | Arrêt relatif au refus justifié de transcrire en France l'acte de naissance d'un enfant, né dans le cadre d'une gestation pour autrui en Ukraine, désignant la mère d'intention en qualité de mère alors qu'elle n'a pas accouché : D c. France |
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est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 16/07/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 11288/18 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Ukraine [Mots-clés] Bioéthique [Mots-clés] Gestation pour autrui (GPA) [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Maternité [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Adoption |
Résumé : |
L'affaire concerne le refus des autorités françaises de transcrire sur les registres de l'état civil français l'acte de naissance d'un enfant né d'une mère porteuse à l'étranger désignant la mère d'intention comme étant la mère légale alors qu'elle n'a pas accouchée.
Un couple hétérosexuel de nationalité française a eu recours à une mère porteuse en Ukraine. L’acte de naissance ukrainien de l’enfant né en octobre 2012 désigne les époux en qualité de parents. En 2014, le couple a demandé la transcription de l’acte de naissance de l’enfant sur les registres français de l’état civil. Suite aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme de juin 2014 sur ce sujet, le procureur de la République a refusé, en novembre 2015, de transcrire l’acte de naissance en ce qu’il désigne la mère d’intention en qualité de mère puisque cette mention ne correspond pas à la réalité, l’intéressée n’ayant pas accouchée de l’enfant. En janvier 2017, le tribunal de grande instance a fait droit à la demande du couple. Il a considéré que le fait que l’acte de naissance indiquait que l’épouse était la mère alors qu’elle n’avait pas accouché ne saurait, au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, justifier le refus de reconnaissance de cette filiation maternelle, qui était la seule juridiquement reconnue comme régulièrement établie dans le pays de naissance et qui correspondait donc à la réalité juridique. Le juge a constaté qu’il n’était ni établi ni soutenu que l’acte de naissance avait été dressé en fraude de la loi ukrainienne, qu’il n’était pas justifié que l’enfant disposerait d’une filiation régulièrement établie dont les énonciations contrediraient celles figurant dans l’acte de naissance apostillé, et que le ministère public ne rapportait donc pas la preuve que cet acte n’était pas conforme à la réalité au sens de l’article 47 du code civil. Par un arrêt du 18 décembre 2017, la cour d’appel a confirmé le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande de transcription de l’acte de naissance au titre de la filiation paternelle. En revanche, elle a infirmé le jugement concernant la filiation maternelle en considérant que l’acte de naissance n’était pas conforme à la réalité au sens de l’article 47 du code civil en ce qu’il désigne une femme n’ayant pas accouchée de l’enfant. Selon la jurisprudence récente de la Cour de cassation le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention, lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique prohibée en France. La Cour de cassation considère toutefois que l’enfant né à l’étranger à la suite d’une gestation pour autrui pouvait être adopté par la conjointe ou le conjoint du père biologique. Invoquant l’article 8 de la Convention, les époux dénoncent une violation du droit au respect de la vie privée de leur enfant, résultant du refus des autorités françaises de transcrire l’intégralité de son acte de naissance sur les registres de l’état civil français. Invoquant l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 8 de la Convention, ils dénoncent une atteinte discriminatoire au droit au respect de la vie privée de l’enfant, fondée sur « la naissance ». La Cour européenne des droits de l'homme conclu, à l'unanimité, à la non-violation de l'article 8 seul et combiné avec l'article 14 de la Convention. La Cour rappelle qu’elle s’est déjà prononcée sur la question du lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention, père biologique, dans les arrêts Mennesson c. France et Labassee c. France. Il ressort de sa jurisprudence que l’existence d’un lien génétique n’a pas pour conséquence que le droit au respect de la vie privée de l’enfant requière que la reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention puisse se faire spécifiquement par la voie de la transcription de son acte de naissance étranger. La Cour ne voit pas de raison dans les circonstances de l’espèce d’en décider autrement s’agissant de la reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention, mère génétique. La Cour rappelle également qu’elle a relevé dans son avis consultatif n° P16-2018-001, que l’adoption produit des effets de même nature que la transcription de l’acte de naissance étranger s’agissant de la reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention. Enfin, la Cour considère que la différence de traitement entre les enfants français nés à l'étranger d'une GPA et les autres enfants français nés à l'étranger est justifiée de manière objective et raisonnable. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:0716JUD001128818 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Bioéthique |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-203565 |