Document public
Titre : | Décision 2020-144 du 10 juillet 2020 relative à une tierce-intervention portant sur l’exécution de l’arrêt Khan c. France dans lequel la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, en raison de la défaillance des autorités françaises dans la prise en charge d’un mineur non accompagné migrant vivant depuis plusieurs mois dans la lande de Calais |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 10/07/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2020-144 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Rapport annuel 2020 [Documents internes] Tierce intervention [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Visa de la CIDE [Géographie] France [Géographie] Calais [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Migrant [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Accueil [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Evaluation [Mots-clés] Isolement [Mots-clés] Éducation [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Accès aux soins |
Résumé : |
En vertu de l’article 2 de la Règle n°9 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le Défenseur des droits a adressé une tierce-intervention au Service de l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (SERVEX, CEDH) concernant l’exécution de l’arrêt Khan c. France, devenu définitif le 28 mai 2019.
Aux termes de cet arrêt, la Cour a conclu à une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, en raison de la défaillance des autorités françaises dans la prise en charge d’un mineur non accompagné (MNA) migrant vivant depuis plusieurs mois dans la lande de Calais. Dans ses observations, le Défenseur des droits relève que l’obligation de protection de l’Etat a été réaffirmée par la Cour dans l’arrêt Khan, mais aussi dans l’arrêt Moustahi c. France du 25 juin 2020. Il souligne que cette affaire illustre les difficultés de nombreux mineurs en transit et les insuffisances du dispositif national d’accueil et de prise en charge des MNA, qui persistent aujourd’hui sur l’ensemble du territoire, tant en Hauts-de-France que dans les autres régions, malgré les mesures qui ont pu être prises pour améliorer le dispositif. Ce constat est dressé par de nombreux acteurs et ressort des travaux du Défenseur des droits, en particulier de son rapport de décembre 2018 « Exilés et droits fondamentaux, trois ans après le rapport Calais ». Il y fait de nombreuses recommandations qui sont toujours d’actualité. En premier lieu, le Défenseur des droits fait état de difficultés s’agissant du premier accueil, de l’évaluation et de la mise à l’abri. Si un recueil provisoire d’urgence est garanti par les textes, il n’est pas rare que des jeunes personnes se déclarant MNA se voient opposer un refus de prise en charge et d’évaluation sans justification, qu’elles disposent ou non d’un document d’identité. Il constate des disparités de traitement des MNA selon les départements. Des jeunes gens obtiennent un rendez-vous pour une évaluation de leur situation, mais ne bénéficient pas, durant cette période d’attente, de mise à l’abri, avec parfois des délais d’attente de plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Ces enfants se retrouvent alors à la rue jusqu’à l’évaluation et sans solution d’hébergement. Le Défenseur des droits relève également que certains accueils provisoires d’urgence se font dans des conditions particulièrement précaires et inadaptées, entrainant de lourdes répercussions sur les mineurs accueillis. Le Défenseur des droits fait également état de ses réserves sur le recours au fichier « AEM » (aide à l’évaluation de la minorité) et le respect des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant. Enfin, le Défenseur des droits constate des difficultés relatives à l’évaluation de la minorité et de l’isolement et rappelle les exigences quant aux conditions dans lesquelles doit se dérouler celle-ci. En second lieu, le Défenseur des droits rapporte des difficultés relatives à l’accès au juge, l’exécution des décisions judiciaires et l’effectivité des recours. Certains mineurs ne sont pas entendus par le juge qui rend des décisions sans les avoir écoutés ou rencontrés, alors que le droit d’être entendu est inscrit dans les textes. Les décisions judiciaires ordonnant le placement du mineur à l’issue de l’évaluation peuvent rester inexécutées, privant le mineur d’une protection. Par ailleurs, lorsque le département décide de mettre fin à l’accueil provisoire d’urgence d’un MNA et que ce dernier conteste cette décision et exerce un recours devant le juge des enfants, il ne bénéficie plus de mise à l’abri. Celui-ci est en effet mis à la rue, livré à lui-même, dans le dénuement matériel et psychologique le plus total. Les MNA ne bénéficient d’aucune solution de prise en charge dans l’attente de la décision du juge des enfants qu’ils ont saisi et qui peut intervenir plusieurs mois après. Cette situation a été portée devant la Cour à travers l’affaire SMK c. France. Le Défenseur des droits est intervenu dans la procédure. Il a notamment fait valoir que le recours devant le juge des enfants, qui conditionne l’effectivité de la protection des MNA en France et constitue la seule voie de recours interne accessible, n’est pas effectif au regard des standards conventionnels. Quant à la prise en charge des MNA recueillis au titre de la protection de l’enfance, le Défenseur des droits constate la création de nombreux dispositifs de prise en charge « à bas coût » qui ne garantissent pas une prise en charge de qualité socio-éducative individualisée, répondant aux besoins fondamentaux des MNA. Enfin, le Défenseur des droits fait valoir que, d’une part, la protection juridique de l’enfant n’est assurée qu’imparfaitement, d’autre part, les MNA continuent de rencontrer des difficultés dans l’accès aux soins et à un bilan de santé que ce soit durant l’évaluation ou lors de la prise en charge pérenne. Aussi, la scolarisation des MNA n’est pas toujours assurée. En conclusion, le Défenseur des droits invite le SERVEX à tenir compte de ses observations et des recommandations qu’il a formulées à travers ses décisions, avis et rapports sur la situation des MNA et le dispositif d’accueil et de prise en charge dans le cadre du suivi de l’exécution de l’arrêt Khan c. France et dans l’identification des mesures générales appropriées qui devront permettre de pallier les insuffisances du dispositif et de prévenir de nouvelles violations de l’article 3 de la Convention. |
NOR : | DFDI2000144S |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
Cite : |
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