Titre : | Décision 2020-125 du 10 juillet 2020 relative à une tierce-intervention devant la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire HF et MF c. France portant sur la situation des enfants, ressortissants français, retenus dans les camps situés au nord de la Syrie et sous le contrôle des forces démocratiques syriennes |
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Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 10/07/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2020-125 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Tierce intervention [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Visa de la CIDE [Géographie] France [Géographie] Syrie [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Droit à la survie et au développement [Mots-clés] Droit à la protection contre toute forme d'exploitation et de danger [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Droit à la préservation de son identité [Mots-clés] Droit à l'éducation [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Délais anormaux [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles [Mots-clés] État d'urgence [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Questions internationales [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice administrative [Mots-clés] Droit à un recours effectif |
Résumé : |
Le Défenseur des droits est intervenu en qualité de tiers-intervenant devant la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire HF et MF c. France portant sur la situation des enfants et de leurs mères, ressortissants français, retenus dans les camps situés au nord de la Syrie et sous le contrôle des forces démocratiques syriennes (FDS).
En réponse aux questions de la Cour, le Défenseur des droits a soumis des arguments visant à établir la juridiction de la France au sens de l’article 1er de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi qu’il l’avait soutenu dans une précédente décision (n° 2019-129), il constate tout d’abord qu’au regard de la jurisprudence constante de la Cour relative à l’application extraterritoriale de la Convention, la juridiction de la France peut être établie en raison de son « influence décisive » militaire et politique dans la zone concernée par le litige, concernant le contrôle de la situation des enfants français et de leurs mères retenus par les FDS. Le Défenseur des droits fait valoir ensuite que d’autres éléments pourraient établir la juridiction de la France à l’égard de la situation des enfants français retenus dans les camps au nord de la Syrie. Un lien juridictionnel peut en effet être établi au regard de l’article 3 § 2 du Protocole n°4 à la Convention qui garantit aux ressortissants d’un Etat le droit d’entrer sur le territoire de celui-ci. Eu égard à la nature même de ce droit lié à la nationalité, lorsqu’un individu demande à entrer sur le territoire de l’Etat dont il est ressortissant, il relève nécessairement de la juridiction de de dernier, et ce quel que soit l’endroit où il se trouve. Cette analyse est confortée par plusieurs éléments, notamment l’interprétation faite par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies des dispositions similaires à celles de l’article précité. L’existence de ce lien juridictionnel ne saurait par ailleurs être contestée, la France ayant déjà exercé sa juridiction à cet égard, en organisant le retour d’enfants français qui se trouvent dans la même situation. Cette autorité ne semble pas être non plus contredite par les FDS. En outre, ainsi que la Cour l’a déjà rappelé dans Ilaşcu et autres c. Moldova et Russie, la responsabilité de l’Etat peut aussi se voir engager en raison d’actes nationaux qui ont des répercussions suffisamment proches sur les droits garantis par la Convention, même si ces répercussions se manifestent en dehors de sa juridiction. Cela a été le cas dans l’affaire Soering c. Royaume-Uni, qui concernait l’extradition d’un individu vers un Etat non contractant. En l’espèce, un lien juridictionnel peut être établi en raison de l’effet extraterritorial du refus de la France de permettre le rapatriement de ses ressortissants français, sur leur situation et leurs droits. En effet, en leur opposant ce refus, la France leur nie le droit d’entrer dans leur pays, pourtant garanti par 3 § 2 du Protocole n°4, et fait perdurer une situation de traitements inhumains et dégradants contraire à l’article 3 de la Convention, qui met leur vie en danger. Enfin, un lien juridictionnel peut aussi être établi au regard de l’article 6 de la Convention (droit à un procès équitable) et des procédures judiciaires ouvertes à l’encontre des mères des enfants français. En présence de telles procédures, la France est en effet tenue de garantir le respect des droits protégés par cet article, notamment le droit pour tout accusé d’être informé de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui et de participer de manière effective à sa défense, en étant présent sur le territoire et en participant à son procès. Dans un second temps, le Défenseur des droits a rappelé les obligations de l’Etat français à l’égard des enfants, ressortissants français, retenus dans les camps au nord de la Syrie, au titre de l’article 3 de la Convention, de l’article 3 § 2 du Protocole n°4 à la Convention et de l’article 13 (droit à un recours effectif). Le Défenseur des droits constate que les conditions dans lesquelles les enfants sont retenus dans les camps sont constitutives de traitements inhumains et dégradants. Ainsi, au regard des obligations positives de la France au titre de l’article 3 de la Convention et des dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant, la France se doit de prendre toutes les mesures propres à mettre fin à de tels traitements dans les meilleurs délais et de protéger les enfants. L’une d’entre elles est à l’évidence l’organisation de leur retour sur le sol français et leur prise en charge par les services compétents, mesure réalisable au vu des rapatriements d’enfants précédemment opérés par la France. Plusieurs instances européennes et internationales ont rappelé cette obligation de protection et les engagements conventionnels des Etats. En outre, le Défenseur des droits estime que la décision de ne pas rapatrier les enfants français constitue une violation de l’article 3 §2 du Protocole n°4 à la Convention qui dispose que « nul put être privé du droit d’entrer sur le territoire de l’Etat dont il est le ressortissant ». Il souligne que si ce droit n’est pas considéré comme absolu par la Cour, sa limitation doit être exceptionnelle et faire l’objet d’un contrôle strict par la Cour. Il propose à cet égard que la Cour prenne en compte un certain nombre d’éléments dans le cadre de son contrôle et qu’elle vérifie que, d’une part, la mesure n’est pas arbitraire, d’autre part, elle ne porte pas atteinte à la substance même du droit et ne le prive pas de son effectivité. Enfin, le Défenseur des droits constate que, par plusieurs décisions, le Conseil d’Etat a déclaré l’incompétence des juges pour statuer sur une demande de rapatriement sur le territoire national d’enfants français accompagnant leurs mères, retenus dans les camps au nord de la Syrie. Il en résulte que les enfants ne bénéficient d’aucun recours juridictionnel pour accéder à un juge et obtenir une décision sur le bien-fondé de leurs demandes tel que garanti par l’article 6 de la Convention. De même, l’absence de recours effectif permettant aux requérants d’obtenir l’examen du contenu des griefs défendables fondés sur la Convention constitue une violation de l’article 13. Le Défenseur des droits souligne que les exigences de cet article sont d’autant plus importantes en présence de griefs tirés de l’article 3 de la Convention. |
NOR : | DFDI2000125S |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
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