
Document public
Titre : | Arrêt relatif au rejet d’une demande d’agrément en vue d’une adoption présentée par un homme célibataire homosexuel en raison de ses « conditions de vie » : Fretté c. France |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 26/02/2002 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 36515/97 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Famille homoparentale [Mots-clés] Orientation sexuelle [Mots-clés] Adoption [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Justice |
Résumé : |
Le requérant déposa une demande d’agrément préalable en vue d’adopter un enfant. Le recours gracieux qu’il forma contre la décision de rejet, fut rejeté au motif que son « choix de vie » (célibataire homosexuel), ne semblait pas de nature à présenter les garanties suffisantes pour accueillir un enfant. Le tribunal administratif annula les décisions en estimant que les dispositions législatives applicables avaient été inexactement appréciées. L’administration interjeta appel contre ce jugement devant le Conseil d’État. Le commissaire du Gouvernement conclut que l’administration était fondée à demander l’annulation du jugement, mais indiqua que le seul élément qui avait conduit l’administration à refuser l’agrément était le fait que le requérant soit homosexuel et que de ce fait, il ne présentait pas de garanties suffisantes pour accueillir un enfant; que ce genre de décision revenait à introduire une discrimination non voulue par le législateur entre les candidats à l’adoption en fonction de leurs choix de vie privée. Le Conseil d’État annula le jugement et, statuant sur le fond, rejeta la demande d’agrément. Il décida notamment que malgré les qualités humaines et éducatives du requérant, celui-ci ne présentait pas de garanties suffisantes pour accueillir un enfant adopté. Le requérant, qui n’avait pas constitué avocat comme l’y autorisait le droit interne, n’était pas présent à l’audience du Conseil d’État, faute d’y avoir été convoqué.
Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le rejet de la demande d’agrément en vue d’une adoption par le requérant ne porte pas atteinte en soi à son droit au libre développement et épanouissement de sa personnalité ou à la manière dont il mène sa vie sexuelle. Toutefois, le droit national autorise une personne célibataire à déposer une demande d’adoption. En motivant le rejet d’une telle demande par le « choix de vie » du requérant, les autorités nationales ont implicitement mais certainement appliqué un critère renvoyant de manière déterminante à l’homosexualité du requérant. Il y a donc eu une différence de traitement dans le droit garanti au requérant, qui tombe dans le champ d’application de l’article 8, reposant sur son orientation sexuelle, notion couverte par l’article 14, de sorte que ces deux articles combinés s’appliquent. Les décisions de rejet poursuivaient un but légitime: protéger la santé et les droits des enfants susceptibles d’être concernés par une procédure d’adoption. Quant à l’existence de la justification d’un traitement différencié, il faut relever l’absence de dénominateur commun aux systèmes juridiques des États contractants dans ce domaine, de sorte que ces États ont une large marge d’appréciation pour se prononcer. En l’espèce, les autorités nationales ont pu légitimement et raisonnablement considérer que le droit de pouvoir adopter dont le requérant se prévalait trouvait sa limite dans l’intérêt supérieur des enfants susceptibles d’être adoptés. La justification avancée paraît donc objective et raisonnable et il n’y a pas eu discrimination au sens de la Convention. Le requérant n’ayant pas constitué avocat comme le droit interne l’y autorisait, ne fut pas convoqué à l’audience du Conseil d’État, à laquelle il ne fut donc pas présent. Exiger du requérant qu’il se rende régulièrement au greffe du Conseil d’État afin de vérifier si son affaire figurait sur les panneaux sur lesquels l’affichage de la séance est prescrit, s’avère contraire à l’obligation des États d’assurer la jouissance effective des droits garantis par l’article 6. En l’espèce, le requérant n’a pas pu prendre connaissance des conclusions du commissaire du Gouvernement, du fait de l’absence de convocation. N’étant pas représenté, il n’a pas non plus pu obtenir, avant l’audience, le sens général de ces conclusions et n’a donc pu déposer une note en délibéré pour y répliquer, en violation du principe du contradictoire. La Cour alloue au requérant 3500 € au titre des frais et dépens. |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-64727 |