
Document public
Titre : | Décision relative à l'irrecevabilité d'une requête portant sur l'irrégularité des actes de procédure : Bessame c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 19/05/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 11/17 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Droit à un procès équitable [Mots-clés] Droit à un recours effectif [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice pénale [Mots-clés] Procédure pénale [Mots-clés] Surveillance [Mots-clés] Téléphonie [Mots-clés] Preuve [Mots-clés] Fraude [Mots-clés] Sécurité publique [Mots-clés] Stupéfiant |
Résumé : |
Tandis qu’ils surveillaient une cabine téléphonique dans le contexte de l’exécution d’une commission rogatoire délivrée par un juge d’instruction pour des faits d’infraction à la législation sur les stupéfiants, des agents de police judiciaire reconnurent le requérant alors qu’il utilisait celle-ci à plusieurs reprises. Connu des services de police, le requérant était en libération conditionnelle, dans le cadre de l’exécution de deux peines de neuf ans et six ans d’emprisonnement prononcées pour trafic de stupéfiants. Une enquête préliminaire fut ouverte et diverses mesures de surveillance et d’investigation furent prises.
Le requérant et d'autres individus ont été mis en examen des chefs d’acquisition, détention, transport, importation illicite de stupéfiants et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un délit, ceci en état de récidive légale. Au cours de l’instruction, le requérant affirma que les policiers avaient travaillé avec un « infiltré », qui l’aurait mis en contact avec des trafiquants de drogue et l’aurait poussé à commettre les faits pour lesquels il était mis en examen. Il ajouta que les policiers avaient falsifié des documents pour faire disparaitre « infiltré » des actes de la procédure. Il déposa une plainte avec constitution de partie civile à l’encontre des officiers de police judiciaire qui avaient participé à l’enquête, pour la commission de faux lors de la rédaction des actes de procédure. Devant les juridictions françaises, il demandait notamment l’annulation de la procédure au motif qu’en l’absence d’indice grave, aucune infraction pénale ne justifiait l’ouverture d’une enquête préliminaire. Il soutenait de plus que les policiers avaient intercepté et enregistré ses conversations téléphoniques sans qu’un procureur en ait été préalablement informé, faisant valoir la nullité de ces interceptions. Il ajoutait que toute la procédure était viciée en raison de l’intervention d’un « infiltré », dont les policiers avaient fait disparaitre la trace, qui était à l’origine d’une provocation policière destinée à l’impliquer dans le trafic de stupéfiants, et que de nombreuses pièces de la procédure avaient été falsifiées par apposition de fausses signatures. Devant la Cour européenne des droits de l'homme, le requérant, qui invoquait l'article 8 de la Convention, se plaint du rejet de sa demande tendant à l’annulation de la procédure pénale, alors que cette demande était fondée sur le fait que l’enquête préliminaire le visant avait été ouverte sans raison infractionnelle et objective, et dénonce l’autorisation, dans ce contexte, délivrée par un magistrat du parquet, d’exploiter la liste de ses contacts téléphoniques. En outre, invoquant les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, le requérant se plaint du refus des juridictions pénales de sursoir à statuer dans l’attente des deux plaintes avec constitution de partie civile qu’il avait déposées pour faux en écriture publique, et du rejet de sa demande de supplément d’information sur ces faux alors qu’ils affectaient les preuves produites au soutien de l’accusation. Enfin, invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 b) de la Convention, le requérant soutient avoir été privé des facilités nécessaires et suffisantes à la préparation de sa défense, en raisons du refus des juridictions de jugement de sursoir à statuer et d’ordonner un supplément d’information à la suite de la production, tronquée, puis tardive et incomplète, d’un élément de preuve au soutien de l’accusation. La Cour européenne des droits de l'homme déclare, à l'unanimité, la requête irrecevable. Elle renvoie à l'arrêt Ben Faiza dans lequel elle a notamment examiné la conformité avec l’article 8 de la Convention d’une réquisition adressée à un opérateur téléphonique afin d’obtenir la liste des appels effectués depuis et vers des lignes téléphoniques, prise, comme en l’espèce, en application de l’article 77-1-1 du code de procédure pénale. Dans cet arrêt, la Cour a jugé qu’il y avait eu ingérence d’une autorité publique dans le droit de l’intéressé au respect de sa vie privée. Elle a toutefois relevé que les exigences du second paragraphe de l’article 8 de la Convention étaient remplies et a en conséquence conclu à la non-violation de cette disposition. La Cour ne voit aucune raison de revenir sur ce constat. Enfin quant aux griefs tirés des articles 6 et 13 de la Convention, la Cour considère que vu la manière dont la procédure pénale dont le requérant a été l’objet s’est déroulée, notamment l’attention avec laquelle les juridictions internes ont examiné et répondu à ses arguments et demandes, on ne saurait retenir que, considérée dans son ensemble, cette procédure n’a pas revêtu un caractère équitable. Adoptée le 19 mai 2020, la présente décision a été communiquée le 11 juin 2020. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:0519DEC000001117 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-203222 |