Document public
Titre : | Jugement relatif à la faute commise par un employeur public qui n’avait pas aménagé le poste de travail d’un agent non-voyant |
Auteurs : | Tribunal administratif de Lille, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 02/06/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 1702967 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Agent public [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Handicap sensoriel [Mots-clés] Travailleur handicapé [Mots-clés] Aménagement raisonnable [Mots-clés] Responsabilité [Mots-clés] Conditions de travail [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Technologies du numérique [Mots-clés] Fracture numérique |
Résumé : |
A compter du 1er janvier 2006, le requérant, un contrôleur du travail atteint de cécité, a été mis à disposition, par l’État, d’un groupement d’intérêt public présent dans chaque département.
Le requérant soutient que ses conditions de travail étaient inadaptées à son handicap, en particulier le logiciel métier utilisé et la base des données informatiques, et que l’inertie de son employeur a eu pour effet de porter atteinte à son état de santé. Il a introduit un recours indemnitaire devant le juge administratif afin d’obtenir l’indemnisation du préjudice financier et du préjudice moral subi. L’employeur soutient notamment que la créance est prescrite et qu’il n’a commis aucune faute à l’égard de l’intéressé. Il fait valoir que l’utilisation du logiciel lui a été imposé par le département. Saisi par le requérant, le Défenseur des droits a présenté ses observations devant le tribunal administratif. Le tribunal administratif reconnaît que l’employeur a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et condamne l’employeur à payer au requérant une somme au titre de réparation du préjudice moral subi. Tout d’abord, le juge retient que la prescription n’est pas acquise. Il considère que le préjudice résultant des actes de discrimination dont le requérant demande réparation ne peut être regardé comme étant entièrement connu dans son exercice et son étendue qu’à la date à laquelle il a saisi le Défenseur des droits en juin 2014 et que la demande indemnitaire préalable adressée à l’employeur en mars 2017 a eu pour effet d’interrompre la prescription quinquennale. L’intéressé avait introduit le recours indemnitaire devant le juge quinze jours après la demande indemnitaire préalable. Ensuite, le juge considère que dès lors que le requérant a été mis à disposition de l’employeur, la responsabilité de l’adaptation du poste incombait à ce dernier et rien ne faisait obstacle à ce qu’il prenne initiative d’une étude de faisabilité pour l’adoption du logiciel métier, dont l’utilisation a été imposée par le département. Concernant la responsabilité de l’employeur, le juge considère, d’une part, que dès sa prise de poste, le requérant a rencontré des difficultés pour exercer ses fonctions sur un poste qui n’était pas aménagé pour un agent non voyant et que l’employeur ne pouvait ignorer ces difficultés, l’agent ayant saisi plusieurs élus pour les informer de cette situation dès l’année 2006. Ce n’est que trois ans plus tard, que le requérant a été doté du matériel nécessaire le rendant autonome sur toutes ses tâches de travail. Le juge considère qu’alors que le coût de l’aménagement de poste a été évalué à plus de 14 000 €, le délai de trois ans à compter de la prise de poste pour acquérir ce matériel présente un caractère excessif et est constitutif d’une faute. D’autre part, le juge souligne que la base de données utilisée par l’employeur n’était pas adaptée au handicap du requérant. Pour y remédier, une étude de faisabilité par le prestataire ayant développé l’application a été préconisé. Toutefois, si l’employeur fait valoir que le congé maladie de l’intéressé ne lui avait pas permis de réaliser les tests de validation de l’adaptation du logiciel avec l’intéressé, il n’est pas justifié des motifs pour lesquels cette étude n’a pu être réalisée avant l’arrêt maladie de l’agent en janvier 2011. Par ailleurs, alors que l’employeur a sollicité les prestataires en 2014, il ressort du compte rendu établi par ces derniers, qu’un audit aurait pu être effectué avant. En outre, et ainsi que le souligne le Défenseur des droits, si le prestataire a reconnu que l’accessibilité complète au logiciel n’était pas envisageable, un audit pouvait néanmoins être envisagé sur le périmètre des problématiques d’accessibilité et le chiffrage de la réalisation. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que les obstacles techniques ou le coût d’adaptation du logiciel, au demeurant jamais chiffré, auraient constitué une charge disproportionnée pour le service. Enfin, le juge considère qu’à l’expiration de son congé maladie en décembre 2013, le requérant n’a pas été en mesure de reprendre son activité professionnelle en raison de l’inadaptation du poste. L’employeur ne peut raisonnablement justifier cette situation en se bornant à faire état de la numérisation des dossiers et de leur dématérialisation. Par ailleurs, l’absence de l’intéressé ne constitue pas une contrainte sérieuse justifiant l’absence d’étude de faisabilité pour envisager une assistance par le recrutement d’une auxiliaire de vie. Le tribunal conclut que l’employeur ne peut être regardé comme ayant pris les mesures appropriées à l’exercice par le requérant de ses fonctions et propres à garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées énoncé par l’article 6 sexies de la loi du 13 juillet 1983, et à lui assurer des conditions de travail compatibles avec son handicap dans un cadre respectueux de sa santé et de sa sécurité. L’employeur a ainsi manqué à ses obligations au regard des dispositions de la loi de 1983 et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. L’employeur doit verser à l’intéressé la somme de 15 000 € en réparation du préjudice moral subi. Quant au préjudice financier invoqué par le requérant résultant de la perte de salaire au titre de la période pendant laquelle il étant en congé maladie puis en mi-temps thérapeutique, de 2012 à 2014, le juge considère que les attestations médicales versées au dossier, peu circonstanciées ou se bornant à reprendre les déclarations de l’intéressé, ne sont pas de nature à établir que son placement en arrêt maladie puis à mi-temps thérapeutique était imputable à l’inadaptation de ses conditions de travail. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Handicap - Autonomie |
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