Document public
Titre : | Décision 2020-094 du 14 avril 2020 relative à des observations devant le Conseil d’Etat à la suite de la saisine par deux ordres des avocats qui sollicitaient que l’Etat soit enjoint de fournir des masques de protection et du gel hydro-alcoolique aux avocats dans l’exercice de leurs missions |
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est cité par : | |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Justice et libertés, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 14/04/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2020-094 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Rapport annuel 2020 [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position partiellement suivie d’effet [Documents internes] Visa CEDH [Mots-clés] Covid-19 [Mots-clés] Crise sanitaire [Mots-clés] Epidémie [Mots-clés] État d'urgence [Mots-clés] Etat d'urgence sanitaire [Mots-clés] Procédure d'urgence [Mots-clés] Politique de santé [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Avocat [Mots-clés] Auxiliaire de justice [Mots-clés] Libertés publiques et individuelles |
Mots-clés: | Masque |
Résumé : |
Deux ordres des avocats ont saisi le Conseil d’État d’une requête tendant à ce qu’il soit fait injonction au gouvernement de fournir notamment des masques de protection et du gel hydro-alcoolique aux avocats dans l’exercice de leurs missions.
Ils ont sollicité l’intervention du Défenseur des droits au soutien de leur requête. Par décision du 2020-094 du 14 avril 2020, le Défenseur des droits a rappelé les éléments de contexte relatif à l’épidémie de COVID-19 depuis le 30 janvier 2020, date à laquelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié l’épidémie d’urgence de santé publique de portée internationale. Il a rappelé les mesures gouvernementales prises pour limiter et prévenir la propagation du virus et exposé s’agissant de l’activité judiciaire le plan de continuation d’activité mis en place par la Chancellerie par la circulaire (JUSD2007740C) du 14 mars 2020. Après avoir rappelé l’office du juge des référés auquel il appartient, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets d’une atteinte à une liberté fondamentale résultant de l’action ou de la carence d’une personne morale de droit public, dès lors qu’existe une situation d’urgence, le Défenseur des droits a estimé qu’il existait une situation d’urgence non contestable, eu égard au contexte de crise sanitaire actuelle, à la propagation continue du virus et au nombre de décès associés. Il a estimé que les conditions d’exercice des droits de la défense dans le cadre des mesures de garde à vue ou pour la préparation des audiences de comparutions immédiates, dans des locaux exigus et non dotés de sanitaires adaptés, n’étaient pas compatibles avec les « gestes barrières » et les mesures de distanciation sociale ordonnées par les autorités publiques et reconnues indispensables par les autorités de santé pour se prémunir du virus et en éviter la propagation. Aussi, le Défenseur des droits a considéré qu’il incombait à l’État de mettre à disposition des personnels de justice, des avocats et des justiciables les moyens matériels nécessaires notamment en masques et gel hydro alcooliques, sauf à porter atteinte au respect de leur droit à la vie et de leur droit à la santé. Il a souligné qu’à défaut de mesures de protection, la présence même des avocats dans le cadre de ces procédures pourrait être compromise, remettant ainsi en cause les droits de la défense et les garanties du procès équitable protégés par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Il a rappelé qu’après avoir pris des mesures visant à renforcer la production nationale et à procéder à l’importation de masques à partir des principaux pays fournisseurs, l’État a, par décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19, dont les dispositions ont été reprises par le décret du 23 mars 2020, procédé à la réquisition de l’ensemble des masques notamment de type FFP2 détenus par toute personne morale de droit public ou de droit privé et des masques anti-projections sur le territoire national. Ainsi, le Défenseur des droits a estimé que l’État apparaissait être le seul détenteur de ces masques et le seul à même d’en assurer la distribution. Il a relevé qu’à l’exception des dispositions relatives aux gestes barrières imposées par la Direction des services judiciaires et de la distribution de masques à destination du personnel de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse et de la Direction de l’administration pénitentiaire, aucune disposition adaptée et suffisante ne semblait avoir été prise dans l’intérêt des personnels de justice, des avocats ou des justiciables à l’occasion des procédures mises en œuvre conformément à la circulaire du ministère de la Justice du 14 mars 2020. Dans ce contexte, et faute de mesures prises par l’État, il a estimé que l’autorité publique créait un danger caractérisé et imminent pour la vie et la santé des requérants et portait une atteinte grave et manifestement illégale à leurs libertés fondamentales. |
NOR : | DFDL2000094S |
Date collège : | 17/02/2021 |
Suivi de la décision : |
Le juge des référés a rappelé que les juridictions judiciaires ont été fermées le 15 mars dernier, le service ayant été uniquement maintenu pour les contentieux prioritaires en matière civile et pénale. Les règles de fonctionnement ont été adaptées pour être compatibles avec les impératifs de distanciation sociale et de limitation de la contamination : recours à des moyens de communication électronique pendant les gardes à vue, tenue possible d’audiences à distance ou à huis clos, procédures contradictoires intégralement écrites ou dispenses d’audience. Des instructions ont également été données pour que les audiences soient réalisées dans des salles suffisamment grandes et avec un renforcement des prestations de nettoyage. Le juge des référés a également relevé que le Gouvernement, face à l’insuffisance des stocks, a décidé d’assurer en priorité la distribution des masques disponibles aux professionnels de santé ou à ceux intervenant en contact avec des personnes âgées, tout en procédant à une importation massive et une incitation de la production nationale. Le juge des référés affirme toutefois qu’il appartient à l’État d’assurer le bon fonctionnement des services publics, et qu’il doit, lorsque les lieux ou la nature des missions conduisent inévitablement à des contacts étroits et prolongés, mettre à disposition des équipements de protection. Face à un contexte de pénurie persistante de masques, le Gouvernement doit aider les avocats, qui concourent au service public de la justice en tant qu’auxiliaires de justice, à s’en procurer en facilitant l’accès des barreaux et institutions représentatives de la profession aux circuits d’approvisionnement. Concernant le gel hydro-alcoolique, même si les avocats peuvent s’en procurer, l’État doit malgré tout en mettre à disposition lorsque l’organisation des lieux ou la nature même des missions ne permettent pas de respecter les règles de distanciation sociale. Néanmoins, compte tenu des différentes mesures déjà prises par le Gouvernement, des moyens dont dispose l'administration et des pouvoirs du juge des référés, qui ne peut ordonner que des mesures susceptibles d’être prises à très brefs délais, le juge des référés du Conseil d'Etat a estimé que l’absence de distribution de matériels de protection aux avocats ne révélait pas une carence de l'Etat portant, de manière caractérisée, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales invoquées. Faisant suite à cette ordonnance du Conseil d’Etat et reprenant la même motivation, le tribunal administratif de Nice a quant à lui décidé par une ordonnance du 22 avril 2020, d’enjoindre à la ministre de la Justice, dans un délai de quinze jours, « de faciliter l’accès de l’Ordre des avocats du barreau de Nice au circuit d’approvisionnement en masques ou de lui communiquer les coordonnées exactes dudit circuit d’approvisionnement ». En conséquence de ces décisions, lors d’une conférence de presse du 23 avril, la Garde des Sceaux a proposé aux représentants des institutions représentatives de la profession d’avocats (présidente de la conférence nationale des barreaux, présidente de la conférence des bâtonniers et bâtonnier de Paris) de faciliter l’accès des barreaux aux circuits d’approvisionnement des masques en leur donnant accès aux fournisseurs de masques grand public lavables et réutilisables qui sont notamment fabriqués au sein des établissements pénitentiaires. Des informations portées à la connaissance du Défenseur des droits, ce dispositif a permis à tous les barreaux, notamment les plus modestes, d’accéder aux matériels nécessaires à l’exercice de leurs missions grâce aux circuits de distribution de l’Etat. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Justice |
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