Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'usage excessif de la force lors de l'opération insuffisamment planifié du GIPN au domicile d'un suspect en présence de sa famille : Castellani c. France |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 30/04/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 43207/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Garde à vue [Mots-clés] Domicile [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Torture |
Résumé : |
L'affaire concerne les violences subies par le requérant lors de son interpellation à son domicile, en présence de sa femme et de sa fille, par le groupement d'intervention de la police nationale (GIPN), une unité d'élite de la police.
La Cour européenne des droits de l'homme, juge à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour relève d'emblée que l'ensemble des certificats médicaux établis ont constaté que le requérant souffrait de blessures importantes. Outre des souffrances physiques, le requérant a dû supporter des souffrances psychiques. L'arrestation du requérant, très tôt le matin à son domicile, après une ouverture forcée du portail et de la porte d'entrée, par de nombreux agents cagoulés et armés, devant sa compagne et sa fille, a nécessairement provoqué de forts sentiments de peur et d'angoisse chez lui, susceptible de l'humilier et de l'avilir à ses propres yeux et aux yeux de ses proches. La Cour estime que l'opération policière au domicile du requérant n'a pas été planifiée ni exécutée de telle sorte que les moyens employés soient strictement nécessaires pour atteindre ses buts légitimes, à savoir l'interpellation d'une personne suspectée d'avoir commis une infraction pénale. Il ressort du dossier qu'aucune investigation préalable afin de déterminer si le requérant serait seul au moment de son interpellation n'est alléguée. Or, la Cour estime que la présence éventuelle de membres de la famille du suspect sur les lieux de l'arrestation est une circonstance qui doit être prise en compte dans la planification et l'exécution de ce type d'opérations policières. Cela n'a pas été fait dans le cas d'espèce et les forces de l'ordre n'ont pas envisagé d'autres modalités de leur opération au domicile de la famille du requérant. Après avoir pris en compte toutes les circonstances particulières de l’espèce, la Cour considère que l’opération policière au domicile du requérant n’a pas été planifiée ni exécutée de manière à s’assurer que les moyens employés soient strictement nécessaires pour atteindre ses buts ultimes, à savoir l’interpellation d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction pénale. S’agissant de l’usage de la force par les fonctionnaires de police, il n’est pas contesté, d’une part, que les lésions constatées sur le requérant ont été causées par les policiers qui ont procédé à son interpellation et, d’autre part, que le requérant a frappé l’un d’entre eux avec une barre de fer. Le requérant et le Gouvernement n’ont cependant pas la même version du déroulement des faits. La Cour note que le tribunal correctionnel a jugé, par une décision devenue définitive, que le requérant avait pu légitimement se croire agressé à son domicile et qu’il avait agi en état de légitime défense. En conséquence, la Cour ne peut retenir la thèse du Gouvernement selon laquelle le requérant aurait sciemment agressé les forces de l’ordre ce qui ne ressort que des affirmations des policiers impliqués dans les faits litigieux et mis en cause, à l’exclusion de tout autre élément de la procédure. La Cour constate néanmoins, d’une part, que le requérant n’a pas été poursuivi pour des faits de rébellion et, d’autre part, que les gestes accomplis par plusieurs policiers casqués et protégés par des boucliers ont été particulièrement violents. La Cour conclut que les moyens employés n’étaient pas strictement nécessaires pour permettre l’interpellation du requérant et que la force physique dont il a été fait usage à son encontre n’a pas été non plus rendue nécessaire par son comportement. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:0430JUD004320716 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-202412 |