Document public
Titre : | Arrêt relatif au refus justifié de la validation des trimestres de retraite au titre l’assurance vieillesse du parent au foyer en l’absence de la justification de la régularité du séjour et à l’incertitude quant à l’identité de la bénéficiaire |
Auteurs : | Cour d'appel de Versailles, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 09/04/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 18/04359 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Discrimination positive [Mots-clés] Discrimination indirecte [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Discrimination systémique [Mots-clés] Protection et sécurité sociale [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Titre de séjour [Mots-clés] Assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) [Mots-clés] Homonymie [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Organisation des services publics [Mots-clés] Perte de dossier ou de pièce [Mots-clés] Naturalisation [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Nationalité |
Résumé : |
Arrivée en France en 1977 à l’âge de 22 ans, la requérante, mère de famille au foyer, a été naturalisée française en 2006. Après avoir reçu une estimation indicative de ses droits à la retraite au titre de l’assurance vieillesse du parent au foyer (AVFP) prenant en compte seules les années 2002 à 2006, la requérante a effectué des démarches pour voir régulariser ses droits. Elle a reçu un nouveau relevé régularisé au titre de duquel la période de 1995 à 1999 n’était pas prise en compte dans le calcul de l’AVFP, la prise en compte de cette période étant subordonnée, par la Caisse des allocations familiales, à la transmission des titres de séjour correspondants de l’intéressée qui n’a pas pu fournir ces documents.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale a débouté la requérante de sa demande d’injonction à la CAF de régularisation de ses droits à la retraite. Saisi par l’intéressée, le Défenseur des droits a émis des observations auprès de la cour d’appel. Considérant qu’il ressort de son instruction que, d’une part, cette exigence de production des titres de séjour est matériellement impossible à satisfaire en raison des délais de conservation des documents applicables aux CAF et aux préfectures, alors même que les périodes antérieures et postérieures à celle-ci paraissent avoir été validées à ce titre, le Défenseur des droits estime que l’absence de reconnaissance du droit à l’AVFP pour la période concernée est contraire aux dispositions du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, il estime que la situation dans laquelle se trouve placée la requérante du fait de l’absence de validation de ces périodes est constitutive d’une discrimination intersectionelle fondée dans le même temps sur l’origine nationale et le sexe. La cour d’appel confirme le jugement de première instance. Tout d’abord, la cour estime que c’est à tort que le Défenseur des droits ou la requérante croient pouvoir invoquer que la décision de la CAF présenterait un aspect de, ou aurait pour conséquence, une discrimination directe ou indirecte. Il est en effet constant que rien n’interdit de traiter différemment de personnes se situant dans une situation différente, pour autant que cette différence ne résulte pas de considérations comme la race, le sexe, la religion ou l’affiliation politique. Selon la cour, il n’est pas ailleurs par pertinent de vouloir procéder selon un raisonnement par analogie entre un salarié et le bénéficiaire des prestations sociales. Le salaire est la rémunération du travail individuel ou collectif quand le bénéfice des prestations sociales relève de la solidarité nationale, et c’est plus particulièrement le cas s’agissant de l’AVPF. La cour ajoute que surtout, comme le relève la CAF, il a été jugé, d’une part, que la subordination de l’affiliation au régime obligatoire de sécurité sociale des étrangers à la régularité de leur séjour n’est pas contraire à la Constitution et, d’autre part, que le législateur, en subordonnant à une condition régulière le bénéfice, pour les étrangers, de cette affiliation et de prestations en cause, a entendu tenir compte de la différence de situation entre les étrangers selon qu’ils satisferont ou non aux conditions de régularité de la résidence posées par la loi et les engagements internationaux souscrits par la France et s’est ainsi fondé sur un critère objectif et rationnel en rapport avec les buts de la loi. La cour ajoute que les limites ainsi posées au bénéfice de l’AVPF permettent de maintenir un équilibre entre les personnes, selon qu’elle sont ou non respectueuses de la réglementation relative au séjour des étrangers en France et en mesure de l’établir et contribuent raisonnablement à l’objectif légitime de préserver les finances publiques. Enfin, selon la cour, il est important de souligner, qu’il est acquis que la requérante est aujourd’hui et depuis de nombreuses années, de nationalité française. Le refus de lui allouer la prestation sollicitée peut ainsi sembler discriminer sa situation de celle d’une personne née française. Or, la cour estime qu’il n’en est rien, puisqu’une telle personne, qui aurait résidé à l’étranger pendant de nombreuses années, pourrait se trouver dans la situation de ne pas avoir cotisé en sens de la réglementation et se trouverait ainsi privée, de la même manière, du droit à la prestation sollicitée. La cour considère que l’argument selon lequel la décision de la CAF constituerait une discrimination indirecte, en l’occurrence visant les femmes, au motif que ce sont très majoritairement elles qui bénéficient de l’AVPF, cela revient à reprocher à la caisse que les femmes vivent majoritairement plus longtemps que les hommes, outre que les éléments du dossier personnel de la requérante tendent à démontrer que ce n’est pas sa volonté personnelle qui l’a conduite à se trouver dans la situation familiale qu’elle a connue. En tout état de cause, un homme se trouvant, toutes choses égales par ailleurs, dans les mêmes conditions au regard des textes en vigueur, se les verrait appliquer de la même façon. La cour estime que la discrimination évoquée constitue en réalité une discrimination positive en ce que, précisément, le système mis en place est destiné à compenser, dans une certaine mesure, le temps consacré par les femmes à l’éducation de leurs enfants. La cour considère qu’il est donc essentiel de pouvoir distinguer les personnes remplissant les conditions pour pouvoir bénéficier de l’allocation en cause de celles qui, pour une raison ou pour une autre et sans que la question de leur bonne foi ne soit posée, ne les satisferont pas. Enfin, concernant le bénéfice des trimestres litigieux, la cour considère qu’elle appartient à la requérante de prouver qu’elle disposait de l’un des titres de séjour exigés et que dans cette perspective, elle n’est pas fondée à reprocher à la CAF d’avoir perdu la copie de son titre de séjour car elle ne saurait, en effet, se montrer plus exigeante à l’égard de la caisse qu’à son propre égard. La cour note qu’il apparaît, en effet, que ni la requérante, ni la CAF, ni les services préfectoraux ne sont en mesure de fournir un document précisant la situation de l’intéressée au cours de la période concernée. Elle considère qu’il n’est même pas possible, au vu des pièces du dossier, de déterminer si l’intéressée se trouvait sur le territoire français à l’époque. Compte tenu des particularités des faits, le juge recours à la technique du « faisceau d’indices ». Or, les copies d’attestations d’affiliation à l’assurance vieillesse pour différentes périodes portent des matricules différentes. Par ailleurs, la cour observe que pour l’année 1981 deux attestations au patronyme de la requérante ont été établies avec des dates de naissances différentes. La cour considère qu’il existe ainsi un doute sérieux sur la personne devant être créditée du bénéfice des cotisations versées par le conjoint de la requérante. La cour ajoute qu’il ne lui appartient pas de statuer sur les motifs, éventuellement humanitaire, qui ont conduit la CAF à régulariser la situation de la requérante, pour d’autres périodes que celles en cause dans la présente instance. |
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