Document public
Titre : | Décision relative à la portée géographique du droit au déréférencement et à la sanction infligée à une société exploitant un moteur de recherche pour ne pas avoir déréférencé des liens sur l’ensemble des versions de son moteur de recherche |
Voir aussi : | |
Titre précédent : |
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Auteurs : | Conseil d'État, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/03/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 399922 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) [Mots-clés] Internet [Mots-clés] Informatique et libertés [Mots-clés] Données personnelles [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Technologies du numérique [Mots-clés] Sanction |
Mots-clés: | Droit au déréférencement |
Résumé : |
Une société exploitant un moteur de recherche a saisi le Conseil d’État d’un recours dirigé contre la délibération par laquelle la formation restreinte de la CNIL a prononcé à son encontre une sanction rendue publique de 100 000 euros pour ne s’être pas conformée à la mise en demeure qui lui avait été adressée de faire droit aux demandes de déréférencement de personnes physiques en supprimant de la liste des résultats affichés l’ensemble des liens menant vers les pages web litigieuses sur toutes les extensions de nom de domaine de son moteur de recherche.
Le Défenseur des droits a présenté ses observations devant le Conseil d’État. Estimant que la portée du droit au déréférencement pose plusieurs difficultés sérieuses d’interprétation du droit de l’Union européenne, le Conseil d’État a posé plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, devant laquelle le Défenseur des droits a présenté ses observations. La CJUE s'est prononcée sur les questions préjudicielle par un arrêt du 24 septembre 2019. Le Conseil d’État considère qu'il résulte de l'arrêt de la CJUE que la directive 95/46/CE ainsi que le règlement (UE) 2016/679 doivent être interprétés en ce sens que, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche fait droit à une demande de déréférencement en application de ces dispositions, il est tenu d’opérer ce déréférencement non pas sur l’ensemble des versions de son moteur, mais sur les versions de celui-ci correspondant à l’ensemble des États membres et ce, si nécessaire, en combinaison avec des mesures qui, tout en satisfaisant aux exigences légales, permettent effectivement d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes effectuant une recherche sur la base du nom de la personne concernée à partir de l’un des États membres d’avoir, par la liste des résultats affichée à la suite de cette recherche, accès au liens qui font l’objet de cette demande. En l’espèce, le Conseil d’État considère qu’en sanctionnant la société requérante au motif que seule une mesure s’appliquant à l’intégralité du traitement liée au moteur de recherche, sans considération des extensions interrogées et de l’origine géographique de l’internaute effectuant une recherche est à même de répondre à l’exigence de protection telle qu’elle a été consacrée par la CJUE, la formation restreinte de la CNIL a entaché la délibération attaquée d’erreur de droit. Ensuite, le Conseil d’État considère qu’il est vrai, ainsi que le fait valoir la CNIL en défense, que la CJUE que si le droit de l’Union n’impose pas, en l’état actuel, que le déréférencement auquel il serait fait droit porte sur l’ensemble des versions du moteur de recherche en cause, il ne l’interdit pas non plus. Partant, une autorité de contrôle ou une autorité judiciaire d’un Etat membre demeure compétente pour effectuer, à l’aune des standards nationaux de protection des droits fondamentaux, une mise en balance entre, d’une part, le droit de la personne concernée au respect de sa vie privée et à la protection des données à caractère personnel la concernant et, d’autre part, le droit à la liberté d’information, et, au terme de cette mise en balance, pour enjoindre, le cas échéant, à l’exploitant de ce moteur de recherche de procéder à un déréférencement portant sur l’ensemble des versions dudit moteur. Or, si la CNIL soutient que la sanction contestée trouve son fondement dans la faculté que la CJUE a reconnu aux autorités de contrôle d’ordonner de procéder à un déréférencement portant sur l’ensemble des versions d’un moteur de recherche, il ne résulte, en l’état du droit applicable, d’aucune disposition législative qu’un tel déréférencement pourrait excéder le champ couvert par le droit de l’Union européenne pour s’appliquer hors du territoire des États membres de l’Union européenne. Le Conseil d’État ajoute qu’une telle faculté ne peut être ouverte qu’au terme d’une mise en balance susmentionnée entre les droits des personnes. Le Conseil d’État constate qu’en l’espèce, la CNIL n’a pas effectué une telle mise en balance. Il s’en suit qu’il n’y pas lieu de faire droit à la substitution de base légale demandée en défense par la CNIL. La société requérante est fondée à demander l’annulation de la délibération litigieuse. |
ECLI : | FR:CECHR:2020:399922.20200327 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Technologies du numérique |
En ligne : | http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2020-03-27/399922 |
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