Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation du droit à la vie en raison de l'usage par un policier d'une arme à feu ayant causé de graves blessures à une mineure dans le cadre d'une opération de maintien de l'ordre : Dumitru c. Roumanie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 31/03/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 9637/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Roumanie [Mots-clés] Roms [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Enquête [Mots-clés] Délais anormaux [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Arme [Mots-clés] Arme à feu [Mots-clés] Maintien de l'ordre public [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Procédure [Mots-clés] Procédure pénale [Mots-clés] Durée de la procédure |
Résumé : |
En 2005, la requérante, alors âgée de 15 ans a été gravement blessée par un tir d'arme à feu, alors qu'elle traversait une garde de trains de marchandises, accompagnée de sa mère, pour rentrer chez elle.
D'après le gouvernement roumain, des fonctionnaires de police avaient été alertés pour disperser un groupe d'environ 90 personnes d'origine rom qui s'apprêtaient à voler la ferraille entreposée dans un train de fret. Selon le gouvernement, la requérante et sa mère faisaient partie de ce groupe. Les juridictions internes ont considéré que le fonctionnaire avait agi en état de légitime défense dans le cadre d'une mission de rétablissement de l'ordre public. Invoquant l'article 2 (droit à la vie), la requérante se plaint devant la Cour européenne des droits de l'homme d'avoir été blessée par un fonctionnaire de police. Elle se plaint également que l'enquête ouverte à cet égard n'ait pas été conforme aux obligations procédurales de l’État défendeur. Enfin, invoquant l'article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention, elle se plaint de la durée, selon elle excessive, de l'enquête. La Cour européenne des droits de l'homme juge, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 2 de la Convention, sous son aspect matériel et procédural. Concernant le volet matériel de l'article 2 de la Convention, la Cour considère qu'il n'est pas contesté que le policier en cause a fait usage d'une arme à feu, provoquant des blessures qui ont mis en danger la vie de la requérante, et elle admet que ce policier et son collègue, appelés à intervenir conter une tentative de vol à la gare, se sont trouvés confrontés à un groupe d'individus dont le comportement était imprévisible. La Cour estime qu'il n'est pas nécessaire de trancher la question de raisons de la présence de la requérante sur les lieux. Il suffit de constater qu'elle a subi des blessures potentiellement mortelles. La Cour rappelle avoir déjà jugé que le cadre législatif roumain réglementant l'usage des armes à feu et des munitions n'était pas suffisant pour offrir le niveau de protection du droit à la vie requis dans les sociétés démocratiques contemporaines en Europe. Elle observe que ces dispositions internes étaient toujours en vigueur à l'époque des faits. La Cour considère que, à l'époque de faits, la législation nationale ne contenait aucune disposition réglementant l’usage des armes à feu dans le cadre des opérations de police, sauf l’obligation de sommation, et qu’elle ne comportait aucune recommandation concernant le contrôle et la préparation des opérations en question. Ainsi, s’agissant de la préparation de l’opération de police, la Cour constate que la situation à la gare de marchandises était connue au plus haut niveau de la police. Les vols y étaient quotidiens, commis parfois par des enfants. La Cour estime que le bureau de police avait eu suffisamment de temps pour prendre les mesures nécessaires pour combattre ces vols. La Cour estime par conséquent que les autorités roumaines n’ont pas fait tout ce que l’on pouvait attendre d’elles pour réduire au minimum le recours à la force meurtrière et les éventuelles pertes humaines. De surcroit, à l’exception des poursuites dirigées contre la requérante, aucune autre investigation relative à l’affaire n’a été ouverte. Aucune précaution n’a été prise pour garantir la collecte et la conservation de certaines preuves. Les expertises techniques et médicolégales n’ont eu lieu que plusieurs années après les faits ce qui n’a pas permis aux autorités d’enquête de conclure avec certitude. La Cour considère par conséquent que les autorités ne sauraient passer pour avoir vraiment cherché à établir ce qui s’est exactement passé lors de l’intervention de police. Les omissions imputables aux autorités conduisent la Cour à rejeter la thèse du Gouvernement selon laquelle les blessures de la requérante auraient été provoquées accidentellement par une action de légitime défense du policier en cause. Compte tenu de ces éléments, la Cour estime que le policier n’a pas pris les précautions suffisantes pour préserver la vie des personnes, dans un contexte d’absence de règlementation précise sur l’usage des armes à feu par les forces du maintien de l’ordre ainsi que de défaillances dans la préparation de l’opération de police. Par ailleurs, la Cour observe que plus de neuf ans et trois mois se sont écoulés entre les faits survenus en novembre 2005 et le jugement définitif en février 2015. L'enquête menée dans le cadre de la procédure engagée portant sur l'opération de police ne être considérée comme étant rapide et efficace. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:0331JUD000963716 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-202124 |