Document public
Titre : | Arrêt relatif au maintien en centre fermé pour étrangers de cinq enfants mineurs, accompagnés de leur mère, après le rejet de leur demande d'asile : Bilalova c. Pologne |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 26/03/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 23685/14 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Pologne [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Rétention administrative [Mots-clés] Droit à la liberté et à la sûreté [Mots-clés] Durée de la procédure |
Résumé : |
L'affaire concerne le placement et le maintien d'une mère et ses cinq enfants, alors âgés de trois à neuf ans, dans un centre fermé pour étrangers pendant plusieurs mois, en attendant l'issue de leur demande d'attribution du statut de réfugié.
Le lendemain de leur remise aux autorités polonaises par leurs homologues allemands dans le cadre du règlement Dublin II, la requérant a comparu, assistée par un interprète, devant le tribunal polonais qui avait ordonné la détention de la famille dans un centre fermé pour étrangers, pour une durée initiale de 60 jours qui a été prolongée par la suite. La requérante a contesté la décision de maintien dans le centre fermé, sans succès. À la suite du rejet de leur demande d'asile, la famille a fait l'objet d'une décision d'expulsion. Les requérants se plaignent que leur placement et maintien en détention dans le centre fermé pour étrangers aient violé l’article 8 de la Convention, dès lors que les autorités nationales n’auraient pas envisagé d’alternatives à ces mesures. Les requérants se plaignent que leur placement et maintien en détention dans le centre fermé pour étrangers aient été contraires à l’article 3 de la Convention, eu égard à la mauvaise condition psychologique de la requérante, laquelle était selon eux imputable aux incidents de violence conjugale dont l’intéressée avait été victime. Enfin, invoquant le droit à la liberté et à la sûreté, la requérante se plaignait que leur placement et le maintien de ses enfants en centre fermé aient été irréguliers. La Cour européenne des droits de l’homme décide de radier la requête du rôle la partie de la requête concernant le grief tiré de l’article 8 de la Convention en raison du règlement amiable entre les parties, le gouvernement polonais ayant reconnu la violation des droits de requérants découlant de cet article et la requérante a accepté la somme proposée en réparation des préjudices subis, par le gouvernement. Ensuite, la Cour rejette la partie du grief tiré de l’article 3 de la Convention pour défaut manifeste de fondement, en considérant que les requérants n’ont pas démontré que la situation dénoncée par eux était imputable aux autorités nationales ou qu’elle leur a occasionné des souffrances d’une intensité ayant dépassé le seuil de gravité requis par l’article 3. Enfin, la Cour juge qu'il y a eu violation de l'article 5§ 1f) dans le chef des enfants requérants concernant la prolongation de leur détention après le rejet de la demande de statut de réfugié. La Cour observe que la détention des enfants requérants avait une base légale en droit interne et qu’il ressort des décisions judiciaires que le maintien des requérants dans un centre fermé pour étrangers était nécessaire à la préservation du bon déroulement de la procédure relative à leur éloignement, compte tenu notamment de leur antécédent de déplacement en Allemagne. Au vu des éléments du dossier, la Cour estime ne pas disposer d’éléments de nature à remettre en cause l’appréciation portée par les juridictions nationales sur ce point. Elle note en même temps que l’époux et père des requérants, qui se trouvait dans une situation similaire à celle de ses proches, a été placé dans une structure pour étrangers ouverte et n’a pas été privé de sa liberté. La Cour constate qu’à l’époque où les autorités ont décidé de prolonger leur détention de trois mois consécutifs les enfants requérants étaient déjà détenus dans le même centre depuis presque deux mois. Si les conditions matérielles d’accueil des intéressés semblent avoir été correctes (les enfants ont suivi des cours d’un niveau équivalent à celui dispensé à l’école, ils ont participé aux activités de loisirs par le centre, des jouets et livres adaptés à leur âge étaient mis à leur disposition, ils ont été examinés par un pédiatre et avaient la possibilité de rester la journée dehors dans l’enceinte du centre), cette structure constituait, à n’en pas douter, un lieu d’enfermement semblable, à de nombreux égards, aux établissements pénitentiaires. La Cour rappelle dans ce contexte que, dans le cadre d’affaires analogues à la présente dont elle a eu à connaître, elle a jugé contraires à la Convention des cas de rétention dans des structures similaires à celle dans laquelle les enfants requérants ont été détenus – de mineurs en bas âge accompagnés de leurs parents pendant des périodes d’une durée bien inférieure à celle critiquée en l’espèce. En l’occurrence, tout en ayant égard aux motifs invoqués par les autorités nationales à l’appui de la mesure litigieuse, la Cour estime ne pas disposer des éléments suffisants pour se convaincre que celles-ci ont effectivement recherché si, dans les circonstances particulières de l’espèce, la détention des enfants requérants était une solution de dernier ressort à laquelle aucune mesure alternative ne pouvait se substituer. La Cour note que, au moment de l’adoption de la décision portant prolongation de la détention des requérants, la procédure afférente à la demande d’attribution du statut de réfugié était pendante depuis plus de six mois, puis qu’elle a été prolongée de deux mois consécutifs. Compte tenu de la durée de ces délais, la Cour n’est pas convaincue que les autorités nationales ayant instruit cette procédure ont mis en œuvre les diligences nécessaires pour limiter au strict minimum la durée de l’enfermement des enfants requérants. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:0326JUD002368514 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-201895 |