Document public
Titre : | Décision 2020-030 du 10 février 2020 relative au refus d’enregistrer une demande de titre de séjour opposé au motif de l’incompétence territoriale du préfet à un ressortissant sans domicile stable bénéficiant d’une domiciliation postale établie par un organisme agréé |
est cité par : |
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Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Droits fondamentaux des étrangers, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 10/02/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2020-030 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Position suivie d’effet [Géographie] Guinée [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Titre de séjour [Mots-clés] Préfecture [Mots-clés] Domicile [Mots-clés] Sans domicile fixe (SDF) [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination directe [Mots-clés] Vulnérabilité économique [Mots-clés] Refus |
Résumé : |
Le Défenseur des droits est saisi d’une réclamation relative au refus d’enregistrer la demande de titre de séjour d’un ressortissant guinéen se trouvant sans domicile stable depuis la séparation d’avec la mère de ses enfants et produisant, au titre de justificatif de domicile, une domiciliation postale établie par un organisme agréé.
Au vu des pièces présentées par le réclamant – notamment des attestations des directeurs d’école indiquant que ce dernier prend pleinement part à la vie scolaire de ses enfants –, le préfet considère en effet que le domicile réel de l’intéressé doit être regardé comme établi dans le département limitrophe où résident et sont scolarisés ses enfants et non dans celui où il justifie d’une domiciliation postale. Il relève que cette domiciliation postale n’a « aucune valeur légale en matière de délivrance de titres de séjour ». Considérant qu’il n’a pas la compétence territoriale pour examiner la demande de titre de séjour présentée par le réclamant, il refuse de procéder à son enregistrement. En droit, le préfet a effectivement l’obligation de vérifier sa compétence territoriale avant de procéder à l’examen au fond d’une demande de titre de séjour. Toutefois, cette obligation n’implique pas que l’étranger qui sollicite son admission au séjour justifie d’une résidence stable ou d’un domicile propre. Ainsi le préfet ne peut, dans le cadre de l’examen de sa compétence territoriale, formuler à l’égard d’une personne sans domicile stable des exigences telles qu’elles auraient pour effet de priver cette dernière de l’accès au service public, a fortiori lorsque celle-ci présente une attestation de domiciliation établie par un CCAS ou un organisme agréé. Cette analyse a été récemment confirmée par le ministère de l’Intérieur dans un courrier du 11 décembre 2019 adressé en réponse aux recommandations du Défenseur des droits formulées dans sa décision n° 2017-305 du 28 novembre 2017 : « si un justificatif de domicile doit toujours être sollicité en première intention, au regard des garanties qu’il présente notamment dans la lutte contre la fraude, une attestation de domiciliation établie par un centre communal d’action sociale ou une association agréée doit permettre l’enregistrement de la demande dès lors qu’il ressort du dossier que la production d’un justificatif de domicile relève pour le demandeur d’une formalité impossible et qu’il apparaît qu’il n’y a ni tentative de fraude ni dissimulation de la domiciliation réelle. » En l’espèce, le réclamant précise que si ses enfants sont effectivement scolarisés dans une commune limitrophe, c'est qu’ils résident chez leur mère. Il produit à l’appui un jugement du juge aux affaires familiales constatant son impécuniosité et fixant la résidence des enfants au domicile maternel. L’intéressé produit également de nombreux courriers et documents administratifs à son nom et sur lesquels figurent l’adresse mentionnée sur sa domiciliation postale. L’ensemble des pièces versées renvoient donc bien vers une résidence du réclamant dans la commune où est établie sa domiciliation postale et rien ne permet de considérer qu’il se prévaudrait d’une telle résidence dans le but d’en tirer un avantage spécifique, de frauder ou de dissimuler sa domiciliation réelle. Le préfet ne fait d’ailleurs état d’aucun élément en ce sens. En particulier, il n’apparaît que le réclamant aurait eu recours à une domiciliation associative dans le cadre de demandes de titres de séjour multiples. Dans ces circonstances, le refus du préfet d’instruire la demande du réclamant alors même que rien dans son dossier ne laisse penser qu’il serait effectivement en mesure de justifier d’une résidence dans un autre département revient in fine à le priver de toute possibilité de voir sa situation examinée sur le fond. Pour cela, l’appréciation faite par le préfet de sa compétence territoriale apparaît contraire à la loi. Elle apparaît par ailleurs de nature à caractériser une discrimination fondée sur la vulnérabilité économique, prohibée par le droit interne et international. Enfin, même si le préfet avait à bon droit relevé son incompétence territoriale, il aurait dû, conformément aux dispositions du code des relations entre le public et l’administration, transmettre la demande à l’administration territorialement compétente et non se borner à refuser de l’enregistrer. Pour ces raisons, le Défenseur des droits a décidé de porter des observations devant le tribunal administratif, considérant que l’appréciation faite en l’espèce par le préfet de sa compétence territoriale était contraire à la loi et de nature à caractériser une discrimination fondée sur la vulnérabilité économique, prohibée par le droit interne et international. |
NOR : | DFDT2000030S |
Suivi de la décision : |
A la suite du dépôt des observations du Défenseur des droits, le préfet a décidé d’adresser au réclamant une convocation en vue de l’enregistrement de sa demande de titre de séjour et informé le tribunal de sa décision en sollicitant un non-lieu à statuer. Le Défenseur des droits constate ainsi de ce que son analyse, confortée par la réponse apportée par le ministère de l’Intérieur à ses recommandations, a permis d’aboutir à la résolution amiable du litige. Pour cela, il prend acte avec satisfaction de la position ministérielle et réitère ses recommandations tendant à ce que celle-ci soit rendue publique par voie de circulaire. Afin de garantir le développement de pratiques uniformes sur l’ensemble du territoire, il réitère également sa demande tendant à ce que la position ministérielle relative à la recevabilité des attestations de domicile dans le cadre de l’examen des demandes de titres de séjour apparaisse de façon explicite dans le guide de l’agent en préfecture, les formulaires de demandes de titres de séjour ainsi que les informations à destination des usagers publiées sur les sites internet officiels. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
Cite : |
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