Document public
Titre : | Requête relative au refus de l'Etat français de rapatrier des ressortissants français, dont des enfants mineurs, retenus dans un camp en Syrie : H.F. et M.F. c. France |
est cité par : | |
Auteurs : | Grande Chambre, Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), Auteur ; Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 06/05/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 24384/19 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Syrie [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Questions internationales [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice administrative [Mots-clés] Droit à un recours effectif |
Résumé : |
Les requérants sont les parents d'une jeune femme ayant quitté la France avec son compagnon en juillet 2014 pour rejoindre le territoire contrôlé par l’organisation « État islamique » (EI) en Syrie. A la suite de son départ, leur fille a fait l'objet d'une information judiciaire a été ouverte du chef d’association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme au tribunal de grande instance et un mandat d’arrêt a été délivré à son encontre.
Leur fille a donné naissance en Syrie à deux enfants en 2014 et 2016 et son compagnon de est décédé en 2018. Les requérants indiquent que leur fille leur a fait part, dès 2016, de son souhait de rentrer en France avec ses deux enfants. En février 2019, elle aurait été arrêtée avec les enfants et tous les trois sont actuellement retenus dans le camp d'Al-Hol dans le Kurdistan syrien, camp de réfugiés administrés par les Forces démocratiques syriennes (FDS). Les requérants indiquent que l'état de santé de leur fille et leurs petits-enfants est déplorable. Les requérants ont demandé, en vain, aux autorités françaises de rapatrier leur fille et les enfants. Les juridictions administratives françaises se sont déclarées incompétentes pour se prononcer sur les mesures demandées en vue d'un rapatriement nécessiteraient l’engagement de négociation avec des autorités étrangères ou une intervention sur un territoire étrangère, ces mesures n'étant pas détachables de la conduite des relations internationales de la France. Saisi par les grands-parents, le Défenseur des droits a recommandé à l’État français diverses mesures, notamment celles permettant de faire cesser les atteintes aux droits et à l'intérêt supérieur des enfants retenus en Syrie. Introduite devant la Cour européenne des droits de l'homme le 6 mai 2019, la requête a été communiquée le 23 janvier 2020 et publiée le 10 février 2020. Les requérants invoquent notamment l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et allèguent que la décision de ne pas rapatrier leur fille et ses enfants les expose à des traitements inhumains et dégradants, eu égard à leur vulnérabilité et leurs conditions de détention très problématiques dans le camp d’Al-Hol. Par ailleurs, ce refus est contraire à l’article 3 § 2 du protocole n° 4 à la Convention. Ils affirment que cette disposition consacre un droit absolu et que la décision de ne pas les rapatrier est arbitraire et sans but légitime. Ils réitèrent que les autorités du nord-est syrien ne peuvent pas les juger car le « droit » kurde ne le prévoit pas et que le motif sécuritaire, s’il est légitime, ne peut être évoqué utilement dès lors que leur fille est sous le coup d’une procédure pénale en France et souhaite rentrer dans le but d’être jugée. Enfin, invoquant l’article 3 § 2 du Protocole n° 4 combiné à l’article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de l’absence de recours effectif permettant de contester la décision des autorités françaises de ne pas rapatrier leurs proches. Ni l’administration, ni les juridictions administratives n’offrent de recours interne permettant d’obtenir une décision sur la violation de l’article 3 § 2 du Protocole n° 4 dans le cas où des ressortissants français se trouvent hors du territoire national. Questions aux parties : 1. Les faits dont les requérants se plaignent en l’espèce relèvent-ils de la « juridiction » de la France au sens de l’article 1er de la Convention et sont-ils imputables à la France, au regard en particulier : - du critère du contrôle effectif sur le territoire et sur les individus concernés; - de l’engagement par les requérants d’une procédure en référé devant les juridictions internes visant à enjoindre au ministre de l’Europe et des affaires étrangères d’organiser le rapatriement de leur fille et de leurs petits-enfants; - de l’ouverture d’une information judiciaire à l’encontre de la fille des requérants. Le Gouvernement est invité à donner des précisions sur la procédure judiciaire ouverte en France la concernant du chef d’association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme ; - des éventuelles répercussions sur les droits garantis par l’article 3 de la Convention du fait de l’absence de mesures prises par les autorités françaises pour rapatrier les proches des requérants. La responsabilité de l’État français à cet égard peut-elle être engagée sur le terrain de l’article 3 compte tenu des traitements administrés dans le camp d’Al-Hol, en particulier à l’égard des petits-enfants des requérants ? - du droit d’entrer sur le territoire de l’État dont on est le ressortissant garanti par l’article 3 § 2 du Protocole n° 4 ; - des rapatriements d’autres mineurs français opérés en mars et juin 2019 ? Le Gouvernement est invité à préciser les circonstances et les bases de ces rapatriements : les mineurs concernés relevaient-ils de la juridiction de la France lorsqu’ils ont été remis à ses agents alors même qu’elle exerçait son autorité en dehors de son territoire. 2. Les griefs des requérants sont-ils compatibles ratione personae avec les dispositions de la Convention ? Les requérants ont-ils qualité pour soulever au nom et pour le compte de leur fille et de leurs petits-enfants, et en leur nom, les griefs tirés des articles 3 de la Convention, 3 § 2 du Protocole n° 4 à la Convention et 13 de la Convention ? 3. En cas de réponse affirmative aux deux premières questions, eu égard aux griefs des requérants et aux documents qui ont été soumis, doit-on considérer que : a) La fille de requérants et ses enfants sont confrontés à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention et que les autorités françaises sont débitrices d’une obligation de rapatriement à leur égard ? Les parties sont invitées à distinguer dans leurs réponses la situation de la mère de celle de ses enfants. b) La fille de requérants et ses enfants, ressortissants de l’État défendeur, sont privés du droit d’entrer sur le territoire de celui-ci, au sens de l’article 3 § 2 du Protocole n° 4 ? En particulier, quel poids doit-il être donné au rapatriement de plusieurs enfants en France en mars et juin 2019 et au fait que la fille de requérants fait l’objet d’un mandat d’arrêt en France ? 4. Les requérants avaient-il à leur disposition, comme l’exige l’article 13 de la Convention, un recours interne effectif au travers duquel ils auraient pu formuler leur grief de méconnaissance de l’article 3 § 2 du Protocole n° 4 ? |
Note de contenu : | Une requête similaire J.D et A.D. c. France n° 44234/20 a été communiquée au gouvernement le 16 février 2021, sans que les parties ne soient à ce stade invitées à présenter des observations. Le 22 mars 2021, la chambre de la CEDH à laquelle les affaires avaient été attribuées s'est dessaisie en faveur de la Grande Chambre de la Cour. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Enfants en difficulté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-201295 |
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