Résumé :
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Plusieurs associations et syndicats requérants ont demandé au Conseil d’État d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2019-57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes.
Ce décret autorise, en premier lieu, les départements à solliciter, s’ils le souhaitent, les préfectures afin que celles-ci reçoivent l’étranger se déclarant mineur et qu’elles regardent s’il figure déjà sur l’une des bases de données gérées par le ministère de l’intérieur. Une telle vérification peut permettre d’obtenir des informations sur l’identité et le parcours migratoire de l’intéressé. En second lieu, ce décret autorise la création d’un fichier national répertoriant les étrangers se déclarant mineurs et dont la minorité est en cours d’évaluation (fichier dit « AEM »), pour repérer plus facilement ceux d’entre eux qui présentent des demandes dans plusieurs départements.
Le décret a été pris en application de l'article L. 611-6-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par l'article 51 de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. Le Conseil constitutionnel avait déclaré ces dispositions législatives conformes à la Constitution.
Le Défenseur des droits a présenté ses observations devant le Conseil d’État.
Par la présente décision, le Conseil d’État rejette, pour l’essentiel, les recours pour excès de pouvoir en estimant notamment que le décret attaqué ne méconnaît l'exigence de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 et de l'article 3 de la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi que l'article 20 de cette Convention.
Il annule uniquement l’article 6 du décret, adopté en méconnaissances des règles qui gouvernent l’examen par le Conseil d’état des projets de décret, ce dont il résulte que ce décret n’a été légalement applicable qu’à compter du 1er mars 2019, date de l’entrée en vigueur de l’article 51 de la loi du 10 septembre 2018 en l’absence d’autre date fixée par décret en Conseil d’État.
Toutefois, le Conseil d’État clarifie la portée exacte du décret.
L’étranger se déclarant mineur doit faire l’objet d’un accueil provisoire d’urgence dans l’attente de son évaluation. Cette protection provisoire ne peut être subordonnée à la condition qu’il aille d’abord en préfecture dans le cadre de cette nouvelle procédure.
L’évaluation de la minorité relève toujours d’une approche pluridisciplinaire conduite par le département. Ainsi, il ne suffit pas qu’un jeune apparaisse comme majeur dans l’une des bases consultées en préfecture pour qu’il soit évalué comme majeur. De même, si un étranger refuse d’aller en préfecture, le département ne peut pas déduire de ce seul refus que l’intéressé est majeur.
Une mesure d’éloignement ne peut pas être prise contre l’étranger à la suite de son passage en préfecture, tant que l’évaluation de sa minorité n’est pas achevée.
Le fichier « AEM » vise uniquement à faciliter et rendre plus cohérente l’évaluation des étrangers se déclarant mineurs. Il ne comporte pas de finalité pénale.
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