Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'action en réparation contre un laboratoire en raison d'une sclérose en plaques apparue après l'injection d'un vaccin contre l'hépatite B : Sanofi c. France |
Voir aussi : | |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 13/02/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 25137/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Vaccin [Mots-clés] Indemnisation [Mots-clés] Indemnisation des victimes [Mots-clés] Responsabilité [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Prescription [Mots-clés] Droit à un procès équitable [Mots-clés] Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) [Mots-clés] Maladie [Mots-clés] Absence de motivation d'une décision [Mots-clés] Décision de justice |
Résumé : |
Entre 1992 et 1995, une élève infirmière a reçu plusieurs injections d’un vaccin contre l’hépatite B fabriqué par la société requérante. En 1993, une sclérose en plaque lui a été diagnostiqué, puis en 1999, la maladie de Crohn et, en 2004, une polymyosite.
Imputant ces affections au vaccin contre l’hépatite B qui lui avait été administré, l’intéressée a saisi le juge administratif d’une action en responsabilité de l’État. Elle a a obtenu gain de cause et l’Etat a été condamné en 2007 à lui payer plus de 656 000 € en réparation de ses préjudices et à lui servir une rente annuelle de près de 11 000 €. En 2005, elle a assigné la société requérante devant le juge civil afin d’obtenir réparation à raison de l’aggravation des préjudices dont elle avait obtenu l’indemnisation devant le juge administratif. Elle arguait d’un manquement de la société requérante à l’obligation de sécurité résultant des articles 1135 et 1147 du code civil, interprétés à la lumière de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. En septembre 2013, le tribunal de grande instance a déclaré l’action recevable, faisant courir la prescription décennale à partir de la consolidation du dommage. Ce jugement a été confirmé en appel. Constatant que le juge administratif avait condamné l’État à indemniser ce préjudice, le juge civil a ordonné « avant dire droit sur l’indemnisation d’une aggravation du préjudice », une expertise visant notamment à dire si l’état actuel de la victime caractérisait une aggravation du préjudice déjà réparé. Au vu du rapport d’expertise, le tribunal a condamné la société requérante à payer à l’intéressée diverses sommes au titre du déficit fonctionnel permanent, des souffrances endurées et du préjudice esthétique, ainsi qu’une rente annuelle pour l’assistance d’une tierce personne. Le pourvoi en cassation de la société requérante a été rejeté en novembre 2015. Invoquant notamment principe de sécurité juridique et l’article 1 du Protocole n° 1, la société requérante reprochait à la cour d’appel d’avoir fixé le point de départ de la prescription à la date de consolidation du dommage, alors que la pathologie de la victime était par nature insusceptible d’une telle consolidation, ce qui avait eu pour effet de rendre son action imprescriptible. Elle reprochait par ailleurs à la cour d’appel d’avoir indument inversé la charge de la preuve et retenu des systèmes de présomptions tant à l’égard du lien de causalité entre la vaccination et le dommage, qu’à l’égard de la défectuosité du vaccin, présomptions qui n’auraient pu être combattues que par la preuve scientifique de ce que le vaccin n’était pas à l’origine de l’affection de l’intéressée. A l’appui de cette dernière critique, la société requérante demandait à la Cour de cassation, à titre subsidiaire, de transmettre à la Cour de Justice de l’Union européenne quatre questions préjudicielles portant sur l’interprétation de la directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Invoquant les articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l'homme et 1 du Protocole n° 1, la requérante se plaint de ce que la fixation du point de départ de la prescription de l’action de l’intéressée à la date de la consolidation du dommage a, de fait, rendu cette action imprescriptible dès lors que la maladie à la base du dommage était insusceptible de consolidation ; elle en déduit une violation du principe de sécurité juridique et une atteinte disproportionnée à son droit au respect de ses biens. Invoquant ces mêmes dispositions, la requérante se plaint d’avoir été « condamnée » sur le fondement d’une double présomption de causalité entre la vaccination et les pathologies de l’intéressée, d’une part, et la défectuosité du vaccin, d’autre part ; dès lors qu’il s’agirait d’une présomption de facto irréfragable, il y aurait là non seulement une atteinte à son droit à un procès équitable, mais aussi une atteinte disproportionnée au droit au respect de ses biens. Invoquant l’article 6 § 1, la requérante se plaint du fait que la Cour de cassation a rejeté sans indiquer de motifs sa demande de questions préjudicielles à la Cour de Justice de l’Union européenne. La Cour européenne des droits de l'homme dit, à l'unanimité, qu'il y a eu non-violation de l'article 6 § 1 à raison des modalités de fixation du point de départ de la prescription de l'action en réparation dirigée contre la requérante. La Cour observe que le droit positif prévoyait à l’époque des faits un délai de dix ans, et, en matière de préjudice corporel, fixait le point de départ à partir de la date de consolidation : ce délai se trouvait donc décalé tant que la consolidation n’était pas constatée. La Cour estime qu’elle ne saurait mettre en cause le choix opéré par le système français de donner plus de poids au droit des victimes de dommages corporels à un tribunal, qu’au droit des personnes responsables de ces dommages à la sécurité juridique. En revanche, la Cour juge qu'il y a eu violation de cet article à raison du défaut de motivation de la décision de rejet de la demande de la requérante tendant à ce que des questions préjudicielles soient posées à la Cour de justice de l'Union européenne. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:0213JUD002513716 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Justice |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-200818 |