Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'usage de la force physique à l'égard d'un jeune d'origine Rom, giflé par un policier lors de son arrestation et à l'absence de discrimination : A.P. c. Slovaquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 28/01/2020 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 10465/17 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Slovaquie [Mots-clés] Roms [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Police municipale [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Interpellation [Mots-clés] Enquête [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Race, Ethnie |
Résumé : |
L’affaire concerne un jeune d’origine rom, âgé de 16 ans à l'époque des faits, qui se plaignait de brutalités policières lors de son arrestation à la suite de l’agression d’un autre jeune d’origine rom. Il allègue que l’un des policiers qui sont intervenus l’avait battu. Sa plainte a été classée sans suite, l’enquêteur avait souscrit à la version des faits qu’avaient donnée les policiers qui avaient indiqué que le jeune s’était montré agressif et que l’un d’eux l’avait bloqué par une clé de coude et giflé. Les investigations qui ont suivi ont toutes abouti pour l’essentiel à la conclusion que les policiers avaient agi conformément à la loi.
Le jeune soutient avoir été victime d’un traitement prohibé par l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), que l’enquête sur ses allégations n’était pas conforme à l’article 13 (droit à un recours effectif) et que ses origines roms ont joué dans les mauvais traitements qu’il aurait subis un rôle déterminant qui n’aurait jamais dûment été pris en compte pendant l’enquête, ce en quoi il voit une violation de l’article 14 (interdiction de discrimination). À l'appui de son argumentation, le requérant se réfère à des rapports internationaux selon lesquels les relations entre la minorité rom et la police étaient problématiques, et qu’il existe des cas documentés de mauvais traitements policiers, d'abus verbaux et psychologiques et de menaces. Il ajoute que les autorités avaient été dans l'obligation de démasquer le motif racial de ses mauvais traitements et qu'elles ne l'avaient pas fait. La Cour européenne des droits de l’homme considère qu’il y a eu violation de l’article 3 dans son volet matériel (traitement) mais également procédural (enquête). Le gouvernement n’ayant pas démontré que l’usage de la force physique était strictement nécessaire pour faire coopérer le jeune homme, la Cour considère que ce dernier a subi un traitement dégradant contraire à l’article 3 de la Convention. Par ailleurs, les autorités n'ont pas agi d'office et n'ont pas mené d'enquête approfondie sur tous les aspects pertinents de l’affaire, notamment sur la question de savoir si le recours à la force contre le requérant lors de son arrestation avait été strictement nécessaire et proportionné. En revanche, concernant la violation de l’article 14 de la Convention, la Cour déclare le grief manifestement mal fondé. Elle énonce d’être consciente de la gravité des allégations du requérant et du caractère sensible de la situation des Roms en Slovaquie au moment des faits. Toutefois, lorsqu'elle exerce sa compétence en vertu de l'article 34 de la Convention, elle doit se limiter, dans la mesure du possible, à l'examen de l'affaire concrète dont elle est saisie. Sa tâche n'est pas d'examiner le droit et la pratique internes in abstracto, mais de déterminer si la manière dont ils ont été appliqués au requérant ou l'ont affecté a donné lieu à une violation de la Convention. Sa seule préoccupation est donc de déterminer si, en l'espèce, les mauvais traitements infligés au requérant et le fait que les autorités n'ont pas assuré une enquête efficace à ce sujet étaient le résultat du racisme. En l'absence d'autres informations ou explications, elle doit conclure qu'il n'a pas été établi que des attitudes racistes ont joué un rôle dans la violation des droits du requérant au titre de l'article 3 telle que constatée ci-dessus. La Cour relève que, bien que le requérant se soit plaint tout au long de la procédure de l'absence d'enquête des autorités internes sur le potentiel mobile racial de la police, ses allégations étaient de nature générale et ne comportaient aucun élément individuel imputable aux agents impliqués en l’espèce. Aucune connotation raciste ne peut non plus être déduite de l'incident ayant conduit à l'intervention de la police contre le requérant ou des circonstances de son arrestation. Cet incident s'est produit entre particuliers et la victime était un autre garçon rom. L'intervention de la police était une réponse officielle à la plainte déposée par le père de la victime. La Cour note que les agents de police ont déclaré que, lors de l'arrestation du requérant, le père de la victime l'avait qualifié, ainsi qu’un autre garçon impliqué dans l’agression, de Roms et de Tziganes, et qu’il s'agissait d'un compte rendu de ce que le père de la victime avait dit. Elle souligne que ni le requérant ni toute autre personne au niveau national ou devant la Cour n'a jamais fait valoir que cette déclaration comportait un quelconque élément raciste. La Cour estime donc que la présente affaire doit être distinguée des affaires dans lesquelles la charge de la preuve concernant la présence ou l'absence d'un mobile raciste de la part des autorités dans un contexte relevant de l'article 3 doit incomber à l’État défendeur. En l’espèce, les autorités n’avaient pas d’informations suffisantes pour faire jouer leur obligation d'enquêter de leur propre initiative sur d'éventuels motifs racistes de la part des agents impliqués. En conséquence, la Cour constate que le requérant n'a pas démontré que le traitement qu'il a subi de la part des agents de police et l'enquête qui a suivi sur l'incident étaient discriminatoires. |
ECLI : | CE:ECHR:2020:0128JUD001046517 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Roms - Gens du voyage |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-200556 |