Document public
Titre : | Décision relative à l'irrecevabilité d'une requête portant sur les conditions de l'hébergement des demandeurs d'asile dans un campement de tentes : B.L. et autres c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 03/12/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 48104/14 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Moselle [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Conditions matérielles indignes [Mots-clés] Hébergement d'urgence [Mots-clés] Droit d'hébergement [Mots-clés] Bidonville [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Accès à la prise en charge [Mots-clés] Condition de prise en charge [Mots-clés] Recours [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice administrative |
Résumé : |
L'affaire concerne des familles formées de couples accompagnés d’enfants alors âgés de quatre à quatorze ans ou sans enfant, et sept adultes, se présentent tous comme des demandeurs d’asile. Ne bénéficiant d’aucune prise en charge de la part de l’État, certains des requérants s’installèrent dans un campement de fortune aux abords de la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (PADA) à Metz. Ce camp a été démantelé par décision du préfet. Ce dernier a ouvert, le 19 juin 2013, un campement situé avenue de Blida sur un ancien parking mis à disposition par la ville de Metz. Jusqu’à 450 personnes y logèrent dans des tentes. Deux blocs de type « Algeco » comportant chacun deux douches, deux lavabos, quatre urinoirs et deux toilettes fermées y ont été installés. Ce campement a été démantelé et fermé le 15 novembre 2013. Un campement spontané s'est reconstitué à proximité de la PADA au début du mois de février 2014. Le préfet a fait procéder à une nouvelle évacuation le 17 février suivant, en hébergeant 250 occupants dans un bâtiment public. Malgré cela, au début du mois de mars 2014, un camp spontané s'est reconstitué à proximité de la PADA sur les berges de la Moselle. En raison d’un risque d’accidents sur ce site, le préfet a ouvert à nouveau le 17 mars 2014 le campement situé avenue de Blida, avec des équipements analogues à ceux présents sur le site entre le 19 juin et le 15 novembre 2013. Ce campement a été évacué par le préfet le 18 novembre 2014.
Les requérants ont été pris en charge dans le cadre du dispositif d’urgence notamment, par le « 115 » (service téléphonique de coordination de l’hébergement de l’urgence). Ils précisent que 330 personnes, dont 40 enfants, vivaient dans des tentes. Seuls trente lits pliables ont été mis à disposition. Ils indiquent que seul un mobile-home comportant deux toilettes et deux douches y ont été installés. Cette installation était dans un état déplorable, contraignant les demandeurs d’asile à utiliser de l’eau froide pour leurs besoins les plus élémentaires. En outre, aucune séparation entre les femmes et les hommes n’avait été prévue. Ils ajoutent que les maladies proliféraient en raison de l’insuffisance de l’accompagnement médical, inexistant pour les personnes nécessitant les soins les plus lourds. Certains des requérants ont vécu successivement dans ces différents campements. La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) le 3 juillet 2014. Invoquant l'article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l'homme, les requérants se plaignent des mauvaises conditions de leur hébergement. La CEDH déclare, à l'unanimité, la requête irrecevable. Observant tout d’abord que vingt-deux des vingt-trois requérants n’ont pas maintenu le contact avec leur avocat, ont omis de le tenir informé de leur lieu de résidence ou de lui fournir un moyen de les joindre, la Cour considère que ceux-ci ont perdu leur intérêt pour la procédure et qu’ils n’entendent plus maintenir leur requête. En ce qui concerne la requérante E.G., le Gouvernement français a soulevé une exception d’irrecevabilité tenant au non-épuisement des voies de recours internes par la requérante. Il fait valoir qu’elle n’a pas interjeté appel devant le juge des référés du Conseil d’État de l’ordonnance rendue le 27 mars 2014 par le juge des référés du tribunal administratif alors qu’il s’agissait d’une voie de recours efficace et effective. La Cour rappelle que les dispositions de l’article 35 § 1 de la Convention ne prescrivent que l’épuisement des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie, mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues. Il incombe à l’État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies. La CEDH relève qu’en l’espèce le Gouvernement procède par simple affirmation et ne produit aucun exemple de décisions du juge des référés du Conseil d’État faisant droit à un appel dans des circonstances similaires à celles de la présente affaire (demandeur d’asile majeur isolé en bonne santé). La Cour constate donc que le Gouvernement ne démontre pas de façon convaincante que l’exercice de ce recours aurait pu porter remède au grief que la requérante tire de l’article 3 de la Convention. Elle rejette donc l'exception d'irrecevabilité soulevée par le gouvernement. En ce qui concerne la violation de l'article 3 de la Convention alléguée par la requérante E.G., la Cour note qu'elle a été hébergée, selon ses affirmations, dans le campement de l’avenue de Blida du 20 mars 2014, au 18 juillet 2014. Elle n’a cependant fourni aucun élément précis devant la Cour quant à ses conditions effectives de vie pendant cette période. Elle n’a pas non plus établi qu’elle n’aurait pas été en mesure de faire face à ses besoins élémentaires. Enfin, elle a bénéficié d’un hébergement à partir du 18 juillet 2014, et n’était pas dénuée de perspective de voir sa situation s’améliorer. Son grief de mauvais traitement est donc rejeté. Adoptée par la CEDH, le 3 décembre 2019, la présente décision a été communiquée le 9 janvier 2020. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:1203DEC004810414 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-200292 |