Document public
Titre : | Jugement relatif à la discrimination raciale et systémique dont ont été victimes des travailleurs sans papiers maliens dans le secteur du BTP |
est cité par : |
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Auteurs : | Conseil de prud'hommes de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 17/12/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 17/10051 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Mali [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Cessation d'activité [Mots-clés] Prise d'acte [Mots-clés] Bâtiment [Mots-clés] Conditions de travail [Mots-clés] Obligation de sécurité de résultat [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Migrant [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination systémique [Mots-clés] Origine [Mots-clés] Race, Ethnie |
Mots-clés: | Travail dissimulé |
Résumé : |
L’affaire concerne 25 ressortissants maliens en situation irrégulière, travaillant pendant quatre mois, dans des conditions dangereuses pour une entreprise du secteur du bâtiment (BTP), sous-traitant dans le cadre du rénovation d’un site.
Suite aux deux accidents du travail d’une particulière gravité, les salariés de l’entreprise ont exercé, dès le lendemain, leur droit de grève avec le soutien d’une organisation syndicale et occupaient le chantier. À la demande du maître d’ouvrage, le juge des référés a ordonné leur expulsion et l’entreprise, donneur d’ordre, a résilié immédiatement le contrat avec le sous-traitant, l’employeur des travailleurs étrangers. C’est dans ce contexte que les travailleurs ont sollicité notamment la régularisation de leur situation administrative, le paiement des arriérés de salaire, leur déclaration aux organismes sociaux, l’établissement de bulletins de paie et la déclaration des deux accidents de travail. Une transaction avait alors été conclue entre les travailleurs et le maître d’ouvrage et l’entreprise, donneur d’ordre, en contreparties de leurs concessions, les salariés ont déclaré renoncer à toute action contre ces deux sociétés. Les salariés ont pris acte de la rupture de leur contrat de travail. L’entreprise employant les salariés a été placée en liquidation judiciaire. Les intéressés ont saisi le conseil de prud’hommes aux fins de dire et juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est aux torts exclusifs de la société et doit s’analyser en une rupture nulle et de condamner l’employeur au paiement de diverses sommes y compris pour discrimination. Saisi de la situation de ces salariés qui s’estiment victimes de traitements discriminatoires en raison de leur origine et de leur nationalité, le Défenseur des droits au terme de son enquête, et à la lumière des études sociologiques sur la place de ce groupe de travail de travailleurs sans papiers maliens dans le secteur du BTP, a mis en évidence l’existence d’une discrimination systémique. L’enquête du Défenseur des droits met en évidence un système de hiérarchisation des tâches de chacun sur le chantier, non en fonction de ses compétences, mais en fonction de ses origines réelles ou supposées. Ainsi, le groupe de travailleurs sans papiers maliens est affecté et maintenu aux tâches les plus pénibles et dangereuses, à savoir les tâches de manœuvre dans les opérations de démolition, et ce, sans équipement de protection. Le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations devant la juridiction prud’homale. Le conseil de prud’hommes reconnaît l’existence d’une discrimination raciale et systémique. Il s’appuie notamment sur les observations du Défenseur des droits faisant ressortir une discrimination à la fois en raison de l’origine et de la nationalité du salarié et sur la confirmation par un sociologue ayant témoigné devant le juge, expliquant et démontrant une discrimination raciale et systémique au sein de l’entreprise. Le conseil considère également que l’employeur a allégrement bafoué les textes internationaux, européens et nationaux en la matière et souligne que le rapport de l’inspection du travail, qui avait débouché sur une condamnation en correctionnel de l’employeur pour manquement à la sécurité et la santé du salarié, confirme le travail dissimulé. Le conseil de prud’hommes juge également qu’en l’espèce, les griefs invoqués par le requérant, à savoir le non-respect par l’employeur de la réglementation en matière de sécurité, l’absence de déclaration aux organismes sociaux, l’absence de remise des bulletins de paie, sont suffisamment graves pour entraîner la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur. Le conseil considère que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail est justifiée et relève d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ensuite, le juge considère que le requérant était en situation irrégulière au moment de faits et que l’entreprise a profité de cet état pour l’utiliser comme bon lui semblait. Le conseil de prud’hommes reconnaît que l’employeur est coupable de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié et emploi de salariés sans titre. À ce titre, il octroie au salarié une indemnité forfaitaire à hauteur de six mois de salaire. Par ailleurs, l’employeur ayant manqué à son obligation de préserver la sécurité et la santé de ses salariés, il doit verser au requérant des dommages et intérêts à ce titre. Au total, l’employeur doit verser au salarié la somme de près de 37 000 € dont 17 760 € pour discrimination (soit douze mois de salaire). Il doit également verser une somme de 2 000 € au syndicat intervenant pour atteinte aux intérêts collectifs de la profession. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
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