Titre : | Arrêt relatif au refus justifié de prise en charge par l’assurance maladie des frais d’accouchement d’une conjointe algérienne d’un Français qui ne justifiait pas de trois mois de résidence préalable sur le territoire français |
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est cité par : | |
Auteurs : | Cour d'appel de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 15/11/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 18/05655 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Algérie [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Effets pervers de la réglementation [Mots-clés] Législation [Mots-clés] Application dans le temps des réglementations [Mots-clés] Protection et sécurité sociale [Mots-clés] Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Mots-clés] Assurance maladie [Mots-clés] Refus [Mots-clés] Protection universelle maladie (Puma) [Mots-clés] Couverture maladie universelle (CMU) [Mots-clés] Frais de santé [Mots-clés] Affiliation [Mots-clés] Lieu de résidence [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Ressortissant pays tiers [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Nationalité |
Mots-clés: | Ayant-droit |
Résumé : |
En mai 2015, la requérante, ressortissante algérienne, s’est mariée en Algérie avec un ressortissant français. Alors enceinte, elle est arrivée en France le 10 mars 2016 munie d’un visa valable jusqu’au 29 août 2016 et portant mention « famille de Français » et « carte de séjour à solliciter dans les deux mois suivant l’arrivée ».
Le 30 mars 2016, la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) a notifié à la requérante un refus d’affiliation, au motif qu’elle ne résidait pas sur le territoire français depuis plus de trois mois ininterrompus. La requérante a accouché au mois de mai 2016. Sa demande d’aide médicale de l’État a été rejetée le 9 juin 2016 au motif qu’elle ne remplissait pas la condition de résidence. La CPAM a enregistré l’affiliation de l’intéressée à compter du 19 juillet 2016. La requérante a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) afin d’obtenir son affiliation à la date du 23 mars 2016 et la prise en charge des soins médicaux liés à son accouchement. Le tribunal a rejeté l’ensemble de ses demandes. Saisi par l’intéressée qui avait relevé appel du jugement du TASS, le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations devant la cour d’appel. La cour d’appel confirme le jugement. Elle considère, s’agissant de la question d’affiliation de l’intéressée à titre personnel, qu’à la date du 23 mars 2016, la requérante ne justifiait pas d’une résidence en France ininterrompue de plus de trois mois. C’est donc à bon droit qu’en application des textes applicables à l’époque des faits, la CPAM a refusé de demander d’affiliation à titre personnel. En ce qui concerne l’affiliation de l’intéressé en qualité d’ayant droit de son mari, la cour considère qu’en application de l’article 59 de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, qui a substitué à la couverture maladie universelle (CMU) la protection universelle maladie (PUMA), un régime transitoire était institué. Selon ce régime, sauf demande contraire, la prise en charge des frais de santé des personnes majeurs ayant la qualité d’ayant droit au 31 décembre 2015 reste effectuée, tant que ces personnes ne sont pas affiliées à un régime de sécurité sociale au titre d’une activité professionnelle, y compris antérieure, par rattachement à l’assuré social dont elles dépendent, et par les organismes dont elles relèvent à cette date, jusqu’au 31 décembre 2019 au plus tard. La cour considère qu’il résulte de ces dispositions que pour bénéficier de l’affiliation au régime général en qualité d’ayant droit de son mari français, la requérante devait justifier de l’acquisition de cette qualité au 31 décembre 2015, sachant que la législation de sécurité sociale est d’application territoriale et que l’ouverture des droits est subordonnée à la résidence sur le territoire national de la personne qui en revendique le bénéfice. La cour souligne que le mariage a été célébré en Algérie au mois de mai 2015 et que la requérante ne justifie d’aucune demande de rattachement en qualité d’ayant droit de son époux, formée au cours de l’année 2015. La cour considère que l’intéressée ne pouvait prétendre au bénéfice de cette qualité d’ayant droit au cours de l’année 2015 du fait qu’elle résidait en Algérie et non pas sur le territoire français en situation régulière. La cour note que l’intéressée ne produit d’ailleurs aucun élément sur sa situation à l’époque au regard de l’organisme de sécurité social algérien. C’est donc à bon droit que la caisse lui refuse son affiliation à compter du 23 mars 2016 en qualité d’ayant droit de son époux. Enfin, concernant la violation des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme, la cour note que ni la requérante ni le Défenseur des droits ne critiquent l’interprétation faite par la caisse des dispositions du code de la sécurité sociale applicables à sa situation. La cour note que la requérante soutient cependant que l’article D. 160-2 du code de la sécurité sociale permet aux personnes résidant en France au titre de la procédure de regroupement familial d’être dispensées de justifier d’une résidence ininterrompue en France depuis plus de trois mois et qu’il y a donc, par rapport à sa situation, une discrimination indirecte fondée seulement sur la nationalité, défavorable au conjoint d’un assuré français qui souhaite le rejoindre et s’installer définitivement en France. Or, la cour considère que c’est à tort que la requérante soutient que la seule différence entre les deux situations serait la nationalité. Le regroupement familial est une procédure spécifique, et rien n’interdit au législateur de traiter de façon distincte des situations qui ne sont pas les mêmes. Selon la cour, la preuve de l’existence d’une discrimination fondée sur la nationalité, telle que prohibé par l’article 14 de la Convention et l’article 12 de son protocole additionnel, n’est donc pas rapportée. Elle ajoute qu’il n’est pas davantage établi que l’application par la caisse des dispositions du code de la sécurité sociale aurait porté atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l’article 8 de la Convention. La cour note que le Défenseur des droits expose dans ses observations que l’article D. 160-2 du code précité a été modifié à compter du 24 février 2017 dans le sens de l’extension de la dispense de la condition préalable de résidence de plus de trois mois. La cour considère toutefois que cette modification du texte ne peut être rétroactive et que l’argument est juridiquement inopérant. Elle estime qu’il appartient au juge de contrôler la bonne application des textes applicables à une situation litigieuse, et non de les écarter en se fondant sur une intention du législateur qu’ils n’expriment pas. Elle ajoute que si le conciliateur de la caisse a le pouvoir de statuer en équité, le juge n’a pas cette latitude. |
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