Document public
Titre : | Décision relative au refus d’annuler l’instruction interministérielle relative à la coopération entre les services intégrés d'accueil et d'orientation et l'Office français de l'immigration et de l'intégration pour la prise en charge des demandeurs d'asile et des bénéficiaires d'une protection internationale |
est cité par : | |
Auteurs : | Conseil d'État, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 06/11/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 434376 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Migrant [Mots-clés] QPC [Mots-clés] Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) [Mots-clés] Hébergement d'urgence [Mots-clés] Fichier [Mots-clés] Informatique et libertés [Mots-clés] Données personnelles [Mots-clés] Réglementation [Mots-clés] Non-respect de la confidentialité [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Domicile |
Résumé : |
Plusieurs associations demandent au Conseil d’État d’annuler l’instruction interministérielle du 4 juillet 2019 relative à la coopération entre les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) et l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) pour la prise en charge des demandeurs d'asile et des bénéficiaires d'une protection internationale. Cette instruction vise à préciser les dispositions de l’article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), issues de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et du droit d’asile et qui prévoient un échange d’informations entre ces deux services. L’instruction demande aux préfets, afin de permettre aux demandeurs d'asile et aux bénéficiaires d'une protection internationale, hébergés dans le dispositif d'hébergement " généraliste ", d'être orientés dans les meilleurs délais vers des dispositifs d'hébergement qui leur sont dédiés et d'être pris en charge en bénéficiant des prestations adaptées à leur situation administrative et sociale, d'organiser au plan départemental la coopération entre les services de l'OFII et les SIAO. A cet effet, l'instruction prévoit notamment que chaque SIAO transmette à la direction territoriale de l'OFII correspondante, le 10 de chaque mois, via une extraction de son système d'information dénommé SI-SIAO, traitement créé par la Direction Générale de la Cohésion Sociale et autorisé par une délibération de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), l'identité des demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection internationale en précisant leur statut administratif, l'adresse de leur hébergement et la date de leur entrée dans celui-ci. Les modalités de cette extraction sont précisées dans deux notices techniques établies en juillet 2019. L'instruction contestée précise que les informations transmises à l'OFII doivent ensuite être évoquées à l'occasion de réunions mensuelles associant les deux services.
A l’occasion de leur recours, les associations ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Elles soutiennent que le législateur a entaché le sixième alinéa de l'article L. 744-6 du CESEDA d'une incompétence négative affectant le droit au respect de la vie privée, le droit constitutionnel d'asile et le principe de confidentialité des demandes d'asile. Saisi par les associations requérantes, le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations devant le Conseil d’État. Le Conseil d’État rejette la requête des associations. Tout d’abord, il considère que la QPC ne présente pas un caractère sérieux. Il considère que si les dispositions de l’article 744-6 du CESEDA sont susceptibles de porter atteinte au principe du droit au respect de la vie privée, leur mise en œuvre conduisant à la création d'un traitement de données à caractère personnel des informations ainsi recueillies, ce traitement est soumis aux dispositions du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et de la loi de 1978 relative à l'informatique et aux libertés, et ainsi aux garanties qu'elles prévoient. Il appartient en conséquence aux autorités compétentes, dans le respect de ces garanties et sous le contrôle du juge, de s'assurer que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation, la communication, la contestation et la rectification des données de ce fichier soient mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à l'objectif poursuivi. Par ailleurs, alors que les dispositions en cause n'ont pas trait au contenu des demandes d'asile, le grief tiré de ce que l'incompétence négative alléguée porterait atteinte par elle-même au droit d'asile et au principe de confidentialité des demandes d'asile ne peut qu'être écarté. Ensuite, le Conseil d’État écarte l’argument de l’incompétence des auteurs de l’instruction. Il conclut également que les moyens tirés de la méconnaissance du droit à la protection des données personnelles et du droit au respect de la vie privée ne sont pas fondés. Il considère notamment que l'instruction prévoit de façon claire et suffisamment détaillée les finalités de la transmission par le SIAO à l'OFII de la liste des demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection internationale, liste dont il est précisé qu'elle ne peut être communiquée à d'autres fins. Par conséquent, ces informations ne pourront être transmises par le SIAO à l'OFII et évoquées uniquement entre ces deux services seuls habilités à en connaître à l'occasion des réunions mensuelles prévues par l'instruction que pour répondre aux finalités limitativement énumérées par celle-ci. En outre, le traitement étant nécessaire à la mission d'intérêt public tenant notamment à ce que les demandeurs d'asile et bénéficiaires de la protection internationale puissent bénéficier des dispositifs qui leur sont dédiés, relève ainsi des dispositions du e) de l'article 6 du règlement précité, le consentement des intéressés pour la transmission des données collectées par le SIAO à l'OFII n'étant pas requis par les dispositions de cet article. Toutefois, les intéressés doivent, conformément aux termes de l'instruction, être informés de l'existence de cette transmission et de ses finalités au moment de la collecte des données. En outre, en l'absence de modification par la loi ou par l'instruction des modalités de recueil des données par les SIAO, les personnes interrogées peuvent librement refuser de répondre aux questions posées et doivent être informées de l'absence de conséquences d'un défaut de réponse. Par ailleurs, si les associations requérantes soutiennent que certaines des données collectées ne sont pas pertinentes au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées, il apparaît, d'une part, que l'information relative à l'adresse du centre d'hébergement est nécessaire à l'OFII non seulement pour mettre en œuvre de façon effective l'orientation des personnes concernées vers les hébergements dédiés mais également pour déterminer le caractère temporaire ou non de l'hébergement et en tirer les conséquences sur l'attribution du montant additionnel de l'allocation pour demandeur d'asile qui n'est pas versé au demandeur qui n'a pas manifesté de besoin d'hébergement ou qui a accès gratuitement à un hébergement ou un logement à quelque titre que ce soit. D'autre part, il résulte de l'instruction que la transmission du n° AGDREF, numéro d'identification attribué à chaque ressortissant étranger qui a entrepris des démarches administratives de droit au séjour, et des données relatives à la nationalité des personnes concernées, qui ne sera effective que lorsque seront achevées les procédures requises par le règlement précité, permettra pour la première de ces données d'assurer, compte tenu des risques élevés d'homonymie, une identification fiable des personnes mentionnées par le sixième alinéa de l'article L. 744-6 précité et, pour la seconde, de procéder à leur orientation dans le dispositif dédié dans les meilleures conditions que ce soit tant en matière d'interprétariat que de prévention des conflits intercommunautaires. Par conséquent, les informations dont il est prévu la communication à l'OFII, et qui intéressent exclusivement les demandeurs d'asiles et les bénéficiaires de la protection internationale, sont suffisamment précises mais également nécessaires pour répondre aux finalités pour lesquelles elles sont traitées. Le Conseil d’Etat considère que, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, l'instruction attaquée ne met pas en œuvre l'interconnexion envisagée entre les systèmes SI-SIAO et DNA-NG, traitement de données de l'OFII, qui nécessitera selon les termes même de l'instruction, une modification du décret n° 2017-665 du 27 avril 2017. Par ailleurs, elle ne prévoit aucune interconnexion entre les traitements SI-SIAO et AGDREF 2. Par suite, le moyen tiré de ce que l'instruction, en prévoyant de telles interconnexions, n'assurerait pas suffisamment la sécurité et la confidentialité des données manque en fait et ne peut qu'être écarté. En outre, l'instruction et ses notices techniques prévoient une procédure sécurisée de transmission des données qui ne seront accessibles pour chaque département qu'aux agents de la direction territoriale de l'OFII correspondante ainsi qu'aux agents exerçant au siège de l'OFII et ce, nécessairement dans la limite de leurs attributions et du besoin d'en connaître au regard des finalités pour lesquelles les données sont collectées. Par conséquent l'instruction ne méconnaît pas, par elle-même et en tout état de cause, les règles de sécurité et de confidentialité. Le Conseil d’État indique qu’il ressort de la notice technique relative aux modalités d'extraction des données, que les SIAO ne pourront conserver les fichiers téléchargés mensuellement au-delà d'une période de trois mois à compter de leur transmission à l'OFII. Par conséquent, dès lors que l'instruction précise les finalités de la collecte de données par les SIAO, les informations qui doivent être transmises pour y répondre et leurs destinataires, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'instruction litigieuse serait illégale faute d'avoir encadré la gestion du fichier par l'OFII, auquel il appartient de s'assurer que la durée de conservation des fichiers transmis n'excède pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles ils sont traités. Enfin, le Conseil d’État écarte l’argument selon lequel l’instruction porte atteinte aux dispositions du code de l'action sociale et des familles relatives à l'hébergement d'urgence, puisqu’elle ne peut ni n'entend interdire l'accès au dispositif d'hébergement d'urgence aux demandeurs d'asile ou bénéficiaires de la protection internationale ou les en exclure. De même, l’argument tenant à l’atteinte portée au respect du domicile est écarté. Le Conseil d’État considère que les agents de préfecture et de l’OFII qui interviennent au sein des hébergements d’urgence sont exclusivement chargés de recueillir, auprès des personnes hébergées qui acceptent de s'entretenir avec elles, les informations que ces personnes souhaitent leur communiquer et qu'il n'est conféré aucun pouvoir de contrainte aux agents appelés à se rendre dans les lieux d'hébergement, que ce soit à l'égard des personnes hébergées ou des gestionnaires des lieux d'hébergement. L'instruction ne saurait, en particulier, constituer un titre pour pénétrer dans des locaux privés hors le consentement des personnes intéressées. |
ECLI : | FR:CECHR:2019:434376.20191106 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Etrangers - Migrants |
En ligne : | http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2019-11-06/434376 |
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