Document public
Titre : | Jugement relatif à la discrimination à raison de handicap, subie par une magistrate dont le taux de prime modulable individuelle a soudainement diminué depuis la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé |
Voir aussi : |
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Auteurs : | Tribunal administratif de Paris, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 17/10/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 1718685 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Fonction publique d'État [Mots-clés] Magistrat [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Travailleur handicapé [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat [Mots-clés] Indemnisation [Mots-clés] Dommages-intérêts |
Résumé : |
L’affaire concerne le taux individuel de prime modulable d’une magistrate, reconnue travailleur handicapé en 2009, qui exerçait les fonctions de vice-procureure de la République près d’un tribunal de grande instance. Depuis le 1er septembre 2016, l’intéressée est affectée à une cour d’appel en qualité de substitut général.
Depuis la reconnaissance de son statut de travailleur handicapé, le taux de prime modulable de l’intéressée a brusquement diminué. La requérante s’est vu attribuer le taux le plus bas de tout le ressort de la cour d’appel et ne parvient plus à obtenir un taux qui soit proche de celui du taux moyen fixé par les arrêtés ministériels alors qu’avant ses aménagements de fonctions, le taux qui lui était attribué était égal ou supérieur à ce taux moyen. En effet, pour les années 2004 à 2008, le taux de prime modulable attribué à l’intéressée a toujours été égal ou légèrement supérieur à 8% alors qu’il a été fixé à 2%, l’année qui a suivi la reconnaissance de son handicap en 2009, puis à 0% en 2010. Ensuite, il a été fixé à 3,40% en 2011, puis à 4% à compter de 2012. Pour les années 2014 et 2015, son taux a été fixé à 4% alors que le taux moyen et le taux maximal d'attribution individuelle de cette prime étaient fixés, par un arrêté, respectivement à 12% et à 18%. Saisi par la requérante, le Défenseur des droits a estimé que l’appréciation portée sur la contribution de l’intéressée au bon fonctionnement de la justice n’était pas fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il a présenté ses observations devant le juge administratif qui a annulé les décisions fixant le taux de prime modulable pour les années 2014 et 2015. Par ailleurs, le Défenseur des droits a adressé des recommandations au ministre de la justice pour solliciter la réparation des préjudices subies par l’intéressée. Le ministre n’a toutefois pas suivi les recommandations et il a rejeté la demande indemnitaire préalable présentée par l’intéressée. La requérante demande au tribunal administratif de condamner l’État à lui verser la fraction de la prime modulable qu’elle n’a pas reçue à compter de 2009 ainsi que des sommes au titre de son préjudice financier et moral. Le Défenseur des droits décide de rappeler son analyse du dossier en présentant des observations devant le tribunal administratif. Le tribunal administratif considère que toute illégalité est fautive et, comme telle, susceptible d’engager la responsabilité de l’État dès lors qu’elle est à l’origine des préjudices subis. En l’espèce, les décisions fixant le taux de prime modulable de la requérante au titre des années 2014, 2015 et 2016, ont été annulées par le juge administratif par des décisions devenues définitives. Par la suite, l’illégalité fautive ainsi constatée est de nature à engager la responsabilité de l’État, à raison des préjudices directs et certains causés à l’intéressée. Ensuite, le tribunal considère que si les dispositions du décret relatif au régime indemnitaire de certains magistrats ont nécessairement pour effet, par suite du caractère limité du montant des crédits disponibles au titre de la prime modulable, que la contribution d’un magistrat au bon fonctionnement du service public de la justice doit être appréciée, à l’occasion de la fixation de son taux individuel de prime, relativement à celle des autres magistrats du même ressort, il appartient à l’administration, pour fixer la taux individuel de prime d’un magistrat qui a la qualité de travailleur handicapé, de tenir compte de son handicap, tant pour déterminer le volume et la nature des tâches qui lui sont assignées, que pour apprécier, au vu des objectifs ainsi définis par rapport à ses capacités, la contribution de l’intéressé au bon fonctionnement de l’institution judiciaire. En l’espèce, le juge souligne que depuis 2009, le taux attribué à la requérante est bien en-deçà du taux moyen fixé par l’arrêté. Le juge considère que l’administration ne produit aucun élément ou document de nature à corroborer ses affirmations selon lesquelles la diminution du taux de prime s’explique par la qualité moindre du travail de l’intéressée. Les deux fiches d’évaluation, produites par la requérante, établies au titre de années 2006 à 2011, soulignent la compétence de l’intéressée dont « les connaissance juridiques étendues », les « grandes qualités de synthèse et de rédaction », ainsi que l’engagement et le professionnalisme, sont loués. Par ailleurs, sont également mises en avant les bonnes relations que l’intéressée entretient avec ses collègues et avec le greffe. Le juge considère que dans ces conditions, et faute, en particulier, de toute pièce produite par la ministre pour étayer ses arguments, il résulte de l’instruction que la requérante contribuait de manière satisfaisante au service public de la justice. En conséquence, la circonstance que son taux de prime a soudainement diminué lorsqu’elle a été reconnue travailleur handicapé doit être regardée comme constituant une discrimination de la requérante, à raison de son handicap, constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’État. Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction que le travail de l’intéressée, apprécié compte tenu de son handicap et des aménagements de poste en découlant, aurait subi une baisse au niveau qualitatif ou quantitatif, elle est fondée à réclamer l’indemnisation du différentiel entre le traitement perçu et celui qu’elle aurait dû percevoir avec le taux moyen de prime. L’État est condamné à verser à la requérante la somme de 2 800 € pour l’indemnisation du préjudice subi pour la période de 2009 à 2016 ainsi que la somme de 4 000 € pour l’indemnisation du préjudice moral, compte tenu notamment de la répétition, sur plusieurs années, du comportement discriminatoire de l’administration à son égard. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Handicap - Autonomie |
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