
Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'absence de traitement inhumain ou dégradant qu'aurait subi un migrant guinéen qui se présentait comme mineur isolé : M.D. c. France |
est cité par : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 10/10/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 50376/13 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Guinée [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Aide sociale à l'enfance (ASE) [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Accès à la prise en charge [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté |
Résumé : |
L'affaire concerne un ressortissant guinéen se présentant comme mineur isolé et qui se plaint d'avoir été abandonné dans une situation matérielle précaire par les autorités françaises.
Arrivé en France en septembre 2012, le requérant s’est présenté aussitôt à la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile et se déclara être né le 15 octobre 1996, donc mineur. Les tests osseux qu’il subit ont toutefois conclu à un âge de dix-neuf ans. Le 28 septembre 2012, sur la foi des actes d’état civil qu’il avait produits, le juge des tutelles a considéré que le requérant était mineur et a ouvert à son bénéfice une tutelle d’État. Le 4 juin 2013, la cour d’appel a infirmé l’ordonnance, jugeant qu’en l’absence de document fiable permettant de déterminer l’âge du requérant, aucun élément n’empêchait de retenir le résultat des tests osseux et conclut donc que le requérant était majeur. Les mesures de protection et de prise en charge ont donc pris fin. En novembre 2013, les autorités guinéennes ont délivré au requérant un passeport mentionnant pour date de naissance le 15 octobre 1996. Le 31 juillet 2014, le juge des enfants a donc décidé, au regard de ce passeport, que le jeune était mineur et a pris à son égard une mesure d’assistance éducative jusqu’à sa majorité. Une première carte de séjour lui a été remise en novembre 2014, puis une carte de séjour pluriannuelle l’autorisant à travailler. Depuis le 14 mai 2018, le requérant travaille dans une entreprise sous contrat à durée indéterminée. Invoquant en particulier l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) Convention européenne des droits de l'homme, le requérant allègue avoir été abandonné par les autorités françaises dans une situation matérielle précaire, alors que mineur isolé étranger, aucun recours ne lui était ouvert. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dit, à l'unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention. La Cour rappelle que dans les affaires relatives à l’accueil d’étrangers mineurs, accompagnés ou non, la situation d’extrême vulnérabilité de l’enfant est déterminante et prédomine sur la qualité d’étranger en séjour illégal. La Cour admet que les autorités nationales se trouvent devant une tâche délicate lorsqu’elles doivent évaluer l’authenticité d’actes d’état civil, en raison de difficulté procédant parfois de dysfonctionnements des services de l’état civil de certains pays d’origine des migrants ou bien de risques de fraude. Elle note qu’en l’espèce, dans un premier temps, le juge des tutelles a ouvert au bénéfice du requérant une tutelle d’Etat avec effet immédiat sur la seule foi de l’extrait d’acte de naissance guinéen présenté par l’intéressé lui-même, aucun élément ne permettant alors en l’état d’établir qu’il s’agissait d’un document falsifié. Huit mois plus tard, la cour d’appel a infirmé cette ordonnance, en retenant que le requérant était majeur au motif que le ministère public et le Conseil général étaient fondés à contester l’authenticité des pièces présentées par le requérant pour attester de sa minorité. Par la suite, l’examen technique des documents présentés par le requérant, puis de son passeport, a été confié à la police par les magistrats judiciaires pour qu’elle les authentifie avant qu’ils ne rendent une décision définitive. La CEDH ne voit donc aucune raison de mettre en cause l’appréciation des juridictions internes ou de conclure différemment d’elles. La Cour considère que dès l’instant où les juridictions françaises ont considéré le requérant comme mineur, il a bénéficié d’une prise en charge complète qui s’est traduite par la désignation d’un représentant légal, la mise à disposition d’un hébergement et sa scolarisation dans une filière de formation professionnelle. Par conséquent, la Cour note que les autorités qui ont exécuté la décision du 28 septembre 2012, ont fait tout ce qu’il était raisonnable d’attendre d’elles pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection du requérant qui pesait sur l’Etat, s’agissant d’un mineur isolé étranger en situation irrégulière, individu relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société. La Cour considère que la situation du requérant pendant cette période ne constituait pas un traitement contraire à l’article 3. Dans un deuxième temps, lorsque le requérant a été jugé majeur par l'arrêt de la cour d'appel, la CEDH considère que cette période d'environ 14 mois a été certes difficile, mais n'a pas constitué pour l'intéressé un traitement contraire à l'article 3 de la Convention. La Cour considère qu’il ne saurait être reproché aux autorités françaises d’être restées indifférentes à la situation du requérant, même si celui-ci est resté sans solution d’hébergement pendant 40 nuits alors qu’il avait la qualité de demandeur d’asile majeur. Par ailleurs, le requérant n’a pas donné à la Cour d’élément précis quant à ses conditions effectives de vie. Dans un troisième temps enfin, le requérant, considéré comme mineur sur la foi de son passeport guinéen, a bénéficié d'une mesure de placement par un conseil général jusqu'à sa majorité. Pour cette période, le requérant ne fait état d’aucun grief. La Cour conclut que sa situation ne constituait pas un traitement contraire à l’article 3. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:1010JUD005037613 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-196378 |