Document public
Titre : | Décision 2019-006 du 8 février 2019 relative à des faits de harcèlement sexuel et à des faits de rétorsion en raison de la dénonciation de ces faits concernant plusieurs salariés |
Voir aussi : |
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Titre précédent : | |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi, biens et services privés (2016-2023), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 08/02/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2019-006 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Carrière [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement sexuel [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Mesures de rétorsion [Mots-clés] Licenciement |
Résumé : |
L’association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) a saisi le Défenseur des droits de réclamations concernant 4 femmes et un homme, tous agents d’entretien d’une société de nettoyage.
Les réclamants font état d’agissements répétés pouvant être constitutifs de harcèlement sexuel de la part de collègues de travail, ayant lieu depuis plusieurs mois sur leur lieu de travail. Ces agissements se traduisent par des gestes et propos déplacés à connotation sexuelle, dans un climat généralisé de précarité, de dépendance économique et de conflit syndical. Ils décident alors de dénoncer ces faits à la direction de la société, en octobre 2012 et estiment être victimes, à compter de cette date, de sanctions et autres mesures de rétorsion. Le Défenseur des droits décide alors de diligenter une enquête approfondie en procédant à une vérification sur place, à de multiples auditions, à une rencontre avec l’inspection du travail et à plusieurs demandes de communication d’éléments d’observations et de pièces. Il ressort des éléments recueillis au cours de cette enquête, qu’il semble exister au sein de la société de nettoyage mise en cause un climat de travail dégradé constitué par des propos à connotation sexuelle et des gestes déplacés dans un contexte de hiérarchisation des fonctions, de division sexuée du travail au profit des hommes pouvant être constitutifs de harcèlement sexuel, au sens de l’article L.1153-1 du code du travail et de l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 auquel renvoie l’article L.1132-1 du code du travail. Le Défenseur des droits constate également qu’en dépit de certaines mesures prises suite à la dénonciation des faits (enquête interne, mise en place d’une ligne téléphonique, cellule psychologique, etc.), la société mise en cause n’a pas pris suffisamment de mesures préventives pour éviter la survenance de tels faits, et ce en contradiction avec son obligation de sécurité issue des articles L.4121-1 et L.1153-5 du code du travail. Il ressort enfin des éléments de l’enquête diligentée par le Défenseur des droits que les réclamants se sont vus notifier plusieurs sanctions, alors qu’ils avaient tous un dossier disciplinaire quasiment vierge et ce à compter de la dénonciation des faits. Les sanctions ainsi prononcées interviennent dans un contexte de dénonciation qui conduit à s’interroger sur leur objectivité. Ces sanctions semblent disproportionnées au regard des faits reprochés et démontrent une volonté de la société de faire partir les réclamants, et ce suite à la dénonciation du harcèlement sexuel. Le Défenseur des droits considère donc qu’il semble exister au sein de la société un contexte de travail pouvant s’apparenter à du harcèlement sexuel et que les sanctions multiples et disproportionnées notifiées aux réclamants peuvent s’apparenter à des mesures de rétorsion au sens des articles L.1132-3, L.1153-2 et L.1153-3 du code du travail. Par décision n° MLD-2015-247 du 12 octobre 2015, le Défenseur des droits a décidé de présenter ses observations devant le conseil de prud’hommes saisi du litige. Par décision n°2015-248 du 12 octobre 2015, il a également décidé de formuler à la société mise en cause un certain nombre de recommandations visant à améliorer son dispositif de lutte en matière de discrimination et plus particulièrement en matière de harcèlement sexuel en lui demandant d’en rendre compte dans un délai de 6 mois. Par cinq jugements en date du 10 novembre 2017, la section départage du conseil de prud’hommes de Z a reconnu le harcèlement sexuel et l’ambiance délétère au sein de la société mise en cause, propices à la survenance de tels agissements (conflits communautaires et syndicaux, dépendance économique, sexisme, précarité, vulnérabilité). Il a condamné la société à verser des dommages et intérêts à l’ensemble des salariés au titre du harcèlement sexuel et moral, de la discrimination et a annulé les sanctions prises à leur encontre. Le conseil de prud’hommes a notamment considéré que les licenciements intervenus à l’encontre de deux réclamants étaient nuls et leur a octroyé des dommages et intérêts à ce titre, sans toutefois prononcer leur réintégration. Par courrier du 12 avril 2018, le Défenseur des droits a sollicité de la société mise en cause des explications sur le suivi de ses recommandations et plus largement sur l’évolution de la situation et du contexte de travail au sein de l’entreprise. Par courrier du 15 mai 2018, la société y a répondu en apportant certains éléments de réponse et en indiquant avoir mis en place un certain nombre d’actions et de mesures concrètes suite aux décisions du Défenseur des droits. La société ayant interjeté appel des jugements rendus, le Défenseur des droits décide de présenter ses observations devant la cour d’appel de Z saisie du litige. |
NOR : | DFDO1900006S |
Suivi de la décision : |
Par 5 arrêts du 29 octobre 2020, la cour d’appel a partiellement confirmé le jugement rendu en première instance en reconnaissant l’existence de faits de harcèlement sexuel et de discrimination. Toutefois, la cour a considéré que les sanctions et licenciements intervenus reposaient sur des motifs légitimes et a donc infirmé le jugement qui les avait annulés et avait ordonné la réintégration pour un réclamant. La cour considère ainsi que les réclamantes établissent l’existence matérielle de faits laissant supposer le harcèlement sexuel et que les mesures prises par la société de nettoyage pour empêcher leur survenance ont été insuffisantes. Elle précise également que les éléments d’explication de la société ne sont pas de nature à remettre en cause la commission de faits de harcèlement sexuel au sein de la société. Concernant les faits de harcèlement sexuel, la cour a condamné la société à réparer le préjudice des réclamantes, préjudices estimés entre 5.000 et 7.000 euros. La cour a également reconnu la discrimination, entendue comme résultant d’une différence de traitement défavorable en représailles à la dénonciation des faits de harcèlement et a condamné la société, à ce titre, à réparer le préjudice des réclamantes à hauteur de 1.000 euros. Concernant le délégué syndical à l’initiative des dénonciations de harcèlement sexuel, la cour a reconnu la discrimination syndicale et a condamné à ce titre la société à lui verser 10.000 euros. Cet arrêt est satisfaisant en ce qu’il reconnait l’existence des faits de harcèlement sexuel et de discrimination subis par les réclamantes, conformément aux conclusions l’enquête menée par le Défenseur des droits. Toutefois, la cour a décidé de baisser sensiblement les dommages et intérêts des victimes, en estimant que leur préjudice était bien inférieur à celui évalué en première instance. Cet arrêt démontre ainsi la nécessité d’insister dans les décisions du Défenseur des droits et auprès des juridictions sur la notion de réparation effective, proportionnée et dissuasive en matière de discrimination. Même si l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris est en demi-teinte, ce dossier revêt toutefois une importance particulière pour le Défenseur des droits, car il démontre ce qu’il est possible de réaliser en termes d’enquête (utilisation de multiples pouvoirs – auditions, vérification sur place, observations en justice, recommandations) et d’approche contextuelle d’un dossier. L’analyse réalisée par le Défenseur des droits s’est fondée sur une approche à la fois juridique et sociologique. Les agissements de harcèlement sexuel survenus ont été appréhendés, à la lumière de la situation de ces femmes plongées dans une profonde vulnérabilité économique, mais également au regard du secteur d’activité des métiers du nettoyage. Il était en effet intéressant de constater, au regard des études sur le sujet, que ce métier, considéré comme un métier invisible en contact permanent avec la saleté, pouvait induire des comportements de domination sur ces femmes, agents d’entretien, qui étaient-elles mêmes perçues comme invisibles. De plus, dans cette entreprise, les femmes étaient les seules à nettoyer les toilettes et très peu étaient en position d’encadrement, ce qui laissait apparaitre une hiérarchie sexuée des fonctions et des postes facilitant également la survenance de ces agissements. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
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