Document public
Titre : | Décision relative à l’impossibilité pour une personne en fauteuil roulant d’accéder à un cinéma et à l'absence de droit d'avoir accès à un cinéma particulier : Glaisen c. Suisse |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 25/06/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 40477/13 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Suisse [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Handicap moteur [Mots-clés] Accessibilité [Mots-clés] Biens et services [Mots-clés] Sports et loisirs [Mots-clés] Cinéma [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté |
Mots-clés: | Autonomie |
Résumé : |
L’affaire concerne l’impossibilité pour une personne paraplégique se déplaçant en fauteuil d’accéder à un cinéma particulier pour y voir un film qui ne figurait à l’affiche d’aucune autre salle de la ville.
Le bâtiment abritant le cinéma n’étant pas adapté aux personnes en fauteuil roulant, le requérant s’est vu refuser l’accès à celui-ci. La société exploitante a invoqué des directives de sécurité interne avant même qu’il n’ait pu acheter un billet. S’estimant avoir subi une discrimination, le requérant a intenté une action contre la société mais ses recours ont été rejetés par les juridictions suisses. Devant la Cour européenne des droits de l’homme, il se plaignait que le refus d’accès au cinéma lui ayant été opposé en raison de son handicap n’ait pas été qualifié par les juridictions suisses de discrimination. La Cour déclare, à la majorité, sa requête irrecevable. Concernant les droits des personnes handicapées et s’agissant de la présente affaire, la Cour rappelle que l’un des principes de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées de 2006 est « la participation et l’intégration pleines et effectives à la société » (article 3 lettre c). Néanmoins, selon elle, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne s’applique, en pareilles circonstances, que dans des cas exceptionnels où le manque d’accès aux établissements publics et ouverts au public empêcherait la personne de mener sa vie de façon telle que son droit à un développement personnel et celui d’établir et d’entretenir des rapports avec d’autres êtres humains et le monde extérieur seraient mis en cause. Rappelant qu’il y a lieu de prendre en compte les spécificités du cas concret, notamment les réalités sociales et familiales de l’intéressé, la Cour n’exclut pas que pour le requérant, paraplégique, l’importance de se rendre au cinéma ne se réduit pas à la consommation d’un film, qu’il pourrait éventuellement voir à la maison, mais implique également des échanges avec les autres. Par ailleurs, l’intéressé, qui doit renoncer à de nombreux autres loisirs à cause de son handicap physique, se considère cinéphile, ce qui n’a pas été mis en doute par le Gouvernement. La Cour estime toutefois qu’il ne découle pas de l’article 8 un droit d’avoir accès à un cinéma particulier pour y voir un film spécifique dès lors qu’est assuré un accès aux cinémas se situant dans les environs proches. Or, la Cour observe que d’autres cinémas, dans les environs proches, étaient adaptés aux besoins de l’intéressé, et que par conséquent, celui-ci avait donc généralement accès aux cinémas de sa région. La Cour estime donc que le refus d’accès au cinéma en question pour voir le film souhaité n’a pas empêché le requérant de mener sa vie de façon telle que son droit au développement personnel et son droit d’établir et d’entretenir des rapports avec d’autres êtres humains et le monde extérieur aient pu être remis en cause. La Cour rappelle que les États jouissent d’une marge d’appréciation étendue lorsqu’ils doivent ménager un équilibre entre des intérêts privés et des intérêts publics concurrents ou différents droits protégés par la Convention. De même, les tribunaux internes doivent motiver leurs décisions de manière circonstanciée afin notamment de permettre à la Cour d’assurer le contrôle européen qui lui est confié. S’agissant de la législation interne mise en place, la Cour observe que l’un des buts de la loi fédérale suisse sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées est de créer les conditions propres à faciliter aux personnes handicapées la participation à la vie en société, en les aidant notamment à être autonomes dans l’établissement de contacts sociaux. L’article 6 de la loi a pour but de prévenir les comportements ségrégationnistes graves qui tendraient à exclure les personnes handicapées de certaines activités de peur que leur seule présence ne trouble la quiétude ou les habitudes sociales de la clientèle. Par ailleurs, l’ordonnance suisse sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées, définit comme discrimination toute différence de traitement « particulièrement marquée et gravement inégalitaire qui a pour intention ou pour conséquence de déprécier une personne handicapée ou de la marginaliser ». En l’espèce, la Cour estime que la juridiction suisse a donné suffisamment de motifs expliquant pourquoi la situation subie par le requérant n’est pas assez grave pour tomber sous le coup de la notion de discrimination. Dès lors, la Cour ne voit aucun motif de se départir des conclusions de la juridiction suisse qui a conclu que la Convention n’oblige pas la Suisse à adopter, dans sa législation interne, une notion de la discrimination telle que demandée par le requérant. Il s’ensuit que celui-ci ne peut se prévaloir de l’article 8 de la Convention. Adoptée par la Cour le 25 juin 2019, la présente décision d'irrecevabilité a été rendue publique le 18 juillet 2019. Cette décision est définitive. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:0625DEC004047713 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Handicap - Autonomie |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-194652 |