Document public
Titre : | Arrêt relatif à l’absence de réparation financière pour recours abusif de l’employeur public aux contrats de travail à durée déterminée lorsque l'agent contractuel a bénéficié de la transformation de sa relation de travail en relation de travail à durée indéterminée : Rossato (Italie) |
Auteurs : | Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/05/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | C-494/17 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Italie [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Contrat de travail [Mots-clés] Contrat à durée déterminée (CDD) [Mots-clés] Contrat à durée indéterminée (CDI) [Mots-clés] Titularisation [Mots-clés] Indemnisation [Mots-clés] Dommages-intérêts [Mots-clés] Abus [Mots-clés] Administration centrale [Mots-clés] Agent contractuel [Mots-clés] Agent non titulaire [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination à rebours [Mots-clés] Agent public [Mots-clés] Égalité de traitement |
Résumé : |
L’affaire concerne le recours d’un employeur public, un conservatoire de musique, pendant douze ans aux contrats de travail à durée déterminée (CDD) conclus, sans interruption, avec un professeur de musique. L’enseignant a saisi le juge italien d’une demande tendant à faire constater l’illicéité des clauses assortissant d’un terme les différents CDD et à obtenir la transformation de sa relation de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée avec effet rétroactif à la date de la conclusion du premier contrat. Il demandait également, à titre subsidiaire, la réparation du dommage causé par l’utilisation abusive de ces contrats de travail à durée déterminée ainsi que la prise en compte, en application de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, pour le calcul de sa rémunération, de l’ancienneté qu’il a acquise dans le cadre de cette relation de travail. Le juge de première instance a fait droit à la seule demande relative à la reconnaissance de l’ancienneté acquise aux fins de la rémunération. Il a rejeté les prétentions fondées sur le recours abusif à des contrats de travail à durée déterminée successifs. Au cours de la procédure devant la cour d’appel, l’employeur a titularisé l’enseignant avec prise d’effet rétroactif (d’une année), conférant ainsi une durée indéterminée à leur relation de travail.
La cour d’appel décide de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Elle fait observer que la Cour de cassation italienne, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, a considéré, notamment, que la transformation de la relation de travail en relation de travail à durée indéterminée, prévue par la législation nationale en vertu du plan extraordinaire de recrutement, tout comme, et avec le même effet, les autres transformations éventuelles en relation de travail à durée indéterminée, telle la titularisation en raison de la progression de classement sur la liste d’aptitude, constituaient, en ce qui concerne les cas d’abus antérieurs à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, des mesures proportionnées, suffisamment efficaces et dissuasives permettant de sanctionner ces abus, de telle sorte qu’un travailleur ayant bénéficié d’une transformation de sa relation de travail, quelle qu’en soit la raison, ne pouvait prétendre à aucune indemnisation financière à ce titre. La Cour de justice de l’Union européenne répond à la juridiction italienne que, d’une part, la circonstance que la mesure adoptée par le législateur national dans le secteur privé constitue la protection la plus étendue qui puisse être reconnue à un travailleur ne saurait, en elle-même, avoir pour conséquence d’atténuer le caractère effectif des mesures nationales applicables aux travailleurs relevant du secteur public et, d’autre part, il y a lieu de constater que la prise en compte de l’intégralité des années travaillées en vertu de contrats de travail à durée déterminée lors de la titularisation du travailleur concerné reviendrait à effectuer une reconstitution intégrale de carrière telle que celle qui est réservée aux fonctionnaires ayant réussi un concours. Dans ce contexte, il convient de rappeler que le droit de l’Union n’impose pas aux États membres de traiter de manière identique les fonctionnaires statutaires recrutés à l’issue d’un concours général et ceux qui sont recrutés sur titre, sur la base de leur expérience professionnelle acquise en vertu de contrats de travail à durée déterminée, dès lors que cette différence de traitement résulte de la nécessité, d’une part, de tenir compte des qualifications requises et de la nature des tâches dont les fonctionnaires statutaires doivent assumer la responsabilité et, d’autre part, d’éviter l’émergence de discriminations à rebours à l’encontre de ces derniers. Partant, il ne saurait être exclu que la limitation de l’effet rétroactif de la transformation de la relation de travail dont a bénéficié l'intéressé puisse être justifiée, au moins en partie, en raison des particularités du secteur public. Toutefois, en l’occurrence, il convient de souligner que la prise en compte de l’ancienneté qui a été accordée à l'enseignant reste nettement inférieure à la période travaillée en vertu de contrats de travail à durée déterminée. Si certes, un État membre est en droit, lors de la mise en œuvre de la clause 5, point 1, de l’accord-cadre, de tenir compte des besoins d’un secteur spécifique tel que celui de l’enseignement, ce droit ne saurait être entendu comme lui permettant de se dispenser de respecter l’obligation de prévoir une mesure adéquate pour sanctionner dûment le recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée successifs. Une telle mesure doit revêtir, notamment, un caractère proportionné. La CJUE juge donc que l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui, telle qu’appliquée par les juridictions suprêmes nationales, exclut, pour des enseignants relevant du secteur public qui ont bénéficié de la transformation de leur relation de travail à durée déterminée en relation de travail à durée indéterminée avec un effet rétroactif limité, tout droit à indemnisation financière en raison de l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs, lorsqu’une telle transformation n’est ni incertaine, ni imprévisible, ni aléatoire et que la limitation de la prise en compte de l’ancienneté acquise en vertu desdits contrats de travail à durée déterminée successifs constitue une mesure proportionnée pour sanctionner cet abus, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier. |
ECLI : | EU:C:2019:387 |
En ligne : | http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=213857&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2489351 |