Document public
Titre : | Décision 2019-076 du 3 avril 2019 relative à un refus d’accéder à une demande de modification du sexe à l’état civil par une juridiction civile en première instance |
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est cité par : | |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Justice et libertés, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 03/04/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2019-076 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Transidentité [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Identité de genre [Mots-clés] Discrimination indirecte [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Absence de prise en considération des arguments |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation relative à un refus d’accéder à une demande de modification du sexe à l’état civil par une juridiction civile en première instance au motif notamment que « si les textes de loi n’exigent pas de traitement ou d’opération chirurgicale, la preuve d’un suivi régulier par un psychiatre et la décision de subir des opérations définitives empêchant toute grossesse pourrait permettre de s’assurer de la réalité de la volonté récente de changement de sexe de la part de l’intéressée, de façon stable, sans idée de retour en arrière ».
A l’aune de la jurisprudence européenne en la matière, et de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, le Défenseur des droits a décidé de présenter des observations devant la cour d’appel. A titre liminaire, le Défenseur des droits a rappelé que la Cour européenne des droits de l’homme considère que la liberté des personnes de définir leur identité de genre est reconnue comme « l’un des éléments les plus essentiels du droit à l’autodétermination » , qu’il s’agit de « l’un des aspects les plus intimes de la vie privée » et « l’aspect fondamental du droit au respect de sa vie privée » (CEDH, 12 juin 2003, Van Kück c. Allemagne, req.n° 35968/97 et CEDH, 10 mars 2015, YY c. Turquie, req. n° 14793/08), tel que prévu à l’article 8 de la Convention. Le Défenseur des droits a précisé par ailleurs que jusqu’à la loi du 18 novembre 2016, le changement de la mention de sexe à l’état civil reposait sur une construction prétorienne de la Cour de cassation, laquelle subordonnait le changement de sexe à une double condition : celle de la réalité du syndrome transsexuel ainsi que celle du caractère irréversible de la transformation de son apparence physique (Cass. Civ. 1ère, 7 juin 2012, n° 11-22490). Les personnes transgenres devaient ainsi produire des pièces médicales attestant du « syndrome de dysphorie de genre » et de l’irréversibilité de leur apparence physique. Cette dernière condition leur imposait d’attester de traitements hormonaux ou d’opérations chirurgicales, impliquant la perte de fertilité. Dans un souci de simplification, et à l’aune de la jurisprudence européenne « hostile à toute obligation de stérilisation » (CEDH, YY c. Turquie, 10 mars 2015), la loi du 18 novembre 2016 a instauré ainsi un cadre légal au changement de la mention du sexe à l’état civil par l’introduction des articles 61-5 et 61-6 du code civil. De la lecture combinée de ces deux articles, la personne demanderesse doit apporter la preuve par tous moyens d’un changement de l’identité sexuée au jour de la demande « par une réunion suffisante de faits » pour fonder la conviction du juge, en écartant toute condition médicale. Le Défenseur des droits a rappelé à ce titre avoir déjà alerté dans sa décision cadre MLD-MSP-2016-164 du 24 juin 2016 relative à la modification de la mention du sexe à l’état civil, en relevant que la production de pièces médicales pouvant attester du diagnostic de « transsexualisme » s’inscrivait dans une démarche de pathologisation préjudiciable de la transsexualité, et constituait « pour les personne trans une source de mal-être qui renforce le risque d’exclusion sociale (et) de discriminations ». Dans le dossier soumis au Défenseur des droits, il apparaissait que le juge de première instance avait sollicité du demandeur des pièces médicales afin d’apprécier sa requête et qu’il avait fondé sa décision de rejet par l’insuffisance de tels éléments à son dossier, pourtant non exigibles par les textes, et ce sans prendre en considération les autres éléments versés. Le Défenseur des droits a dès lors estimé que l’obligation faite notamment au requérant par la juridiction de première instance de verser des éléments attestant de sa volonté de subir une opération définitive, et par là même de rapporter la preuve de l’irréversibilité future de son apparence contrevient tant à la jurisprudence européenne à l’aune de l’article 8 de la Convention, qu’aux dispositions législatives en vigueur et prévues aux articles 61-5 et 61-6 du code civil. |
NOR : | DFDL1900076S |
Suivi de la décision : |
Par une décision du 12 novembre 2019, la cour d'appel saisie a considéré que l'ensemble des conditions légales sont réunies, Monsieur X étant notamment connu sous le sexe revendiqué. Infirmant le jugement rendu en première instance, la cour d'appel a ordonné que l'acte de naissance du requérant soit rectifié de sorte que la mention "sexe féminin" soit remplacée par celle de "sexe masculin", et que soit retranscrit le dispositif du présent arrêt en marge de l'acte de naissance sur les registres de l'état civil de l’intéressé. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Justice |
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