Document public
Titre : | Décision 2019-077 du 9 mai 2019 relative au refus d’accorder une autorisation d’absence pour fêter l’Aïd-El-Fitr à un détaché syndical suivi d’une retenue sur salaire caractérisant une double discrimination à raison des convictions religieuses et des activités syndicales du salarié, ce refus s’inscrivant dans un contexte de harcèlement discriminatoire |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Emploi, biens et services privés (2016-2023), Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 09/05/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2019-077 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Recommandation [Documents internes] Recommandation individuelle et générale [Documents internes] Position partiellement suivie d’effet [Documents internes] Règlement en droit [Documents internes] Rappel des textes [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Activité syndicale ou mutualiste [Mots-clés] Religion - Croyances [Mots-clés] Islam [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Congé [Mots-clés] Préjudice |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi d’une réclamation d’un délégué syndical au sujet du refus de sa demande d’autorisation d’absence le jour de l’Aïd-El-Fitr qu’il estime discriminatoire en raison de ses activités syndicales et/ou de sa religion qui semble, par ailleurs, s’inscrire dans un contexte de harcèlement. Le réclamant, membre du CHSCT et détaché à titre permanent, demande à pouvoir bénéficier d’un jour d’autorisation d’absence pour fêter l’Aïd-El-Fitr. Sa demande est refusée mais il lui est proposé de poser une journée de congé s’il le souhaite. Renonçant à cette possibilité, le réclamant exerce finalement son mandat syndical ce jour-là. Toutefois, une journée d’absence lui est décomptée de son salaire. A la suite de l’enquête du Défenseur des droits, l’employeur reconnaît que cette retenue sur salaire a été opérée à tort et qu’il a corrigé cette erreur matérielle. Il rétorque toutefois que les jours de présence de ce délégué syndical à titre permanent ne relevaient plus de sa hiérarchie mais exclusivement de son syndicat et qu’il lui a semblé « incohérent » d’accorder à la fois une journée d’absence syndicale et une journée d’absence pour des motifs religieux. Selon lui, il n’est pas établi qu’il a été demandé au réclamant de poser une journée de congé. Or, le réclamant produit un courriel du responsable RH en ce sens. Le Défenseur des droits relève que ces faits sont survenus dans un contexte de travail dégradé. En effet, dès le lendemain de sa désignation, le réclamant est convoqué puis mis à pied à la suite de témoignages à son encontre pour des faits survenus deux mois plus tôt. Bénéficiant du soutien de 45 de ses collègues dans une pétition, il n’est finalement pas licencié. Par la suite, le salarié est mis à disposition dans une autre direction départementale, plus proche de son domicile. Toutefois, au cours de l’enquête du Défenseur des droits, l’employeur décide de le renvoyer dans son ancienne direction sans explication.
Grâce à l’intervention du Défenseur des droits, le salarié est finalement affecté à un poste qui lui convient et qu’il accepte. Le Défenseur en prend acte. Toutefois, s’agissant du refus d’autorisation d’absence, il conclut que le refus d’autorisation d’absence suivi d’une retenue sur salaire caractérise une discrimination syndicale et religieuse au sens des articles L.1132-1 et L.2141-5 du code du travail. Ces faits s’inscrivent dans un contexte qui, pris dans sa globalité, ont eu pour objet ou pour effet de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant en lien avec les activités syndicales du réclamant au sens de l’article L.1132-1 du code du travail et de l’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 auquel il renvoie. En conséquence, le Défenseur des droits recommande à l’employeur de sensibiliser ses services et le personnel d’encadrement aux règles applicables à la non-discrimination syndicale et religieuse et de modifier ses pratiques relatives aux congés pour motifs religieux à l’égard des délégués syndicaux. Il lui recommande également d’indemniser intégralement le réclamant de son préjudice moral pour les faits de discrimination et de harcèlement qu’il a subis en lien avec ses activités syndicales et ses convictions religieuses, d’autre part. |
NOR : | DFDO1900077S |
Nombre de mesures : | 3 |
Suivi de la décision : |
Par courrier du 31 juillet 2019, la directrice de la diversité et de l’égalité des chances de l’entreprise mise en cause explique qu’une intervention sur le fait religieux auprès des directeurs RH et notamment celui de la direction de rattachement du réclamant a eu lieu en décembre 2018 et qu’un guide sur le fait religieux a été diffusé à cette occasion. Un focus particulier a été réalisé concernant les règles d’attribution des journées d’absence pour fêtes religieuses. Ces informations ont été diffusées en parallèle par mail à tous les DRH le 24 janvier 2019. Un rappel a été fait sur la discrimination et l’ensemble des critères de discrimination lors de trois réunions les 24 mai, 28 mai et 3 juin 2019 en présence des DRH d’une direction à laquelle était rattaché le réclamant. Afin de compléter ces actions, une formation spécifique sur les droits afférents au statut de représentant du personnel sera réalisée par la direction des relations sociales de la branche d’appartenance du réclamant avant fin 2019. Un support de communication sur la diversité sera diffusé à la rentrée à l’ensemble du personnel des directions. Il sera déployé à l’ensemble de l’encadrement avant fin 2019. L’employeur a évalué le préjudice moral du réclamant à 50 euros brut équivalent à une journée de travail. L’employeur a évalué le préjudice moral du réclamant à 50 euros brut équivalent à une journée de travail. Ce montant apparaissant négligeable par rapport aux faits de discrimination et de harcèlement discriminatoire subis par le réclamant, un courrier d’injonction a été adressé à l’employeur afin qu’il réexamine le montant de la réparation qui doit être effective, proportionnée et dissuasive. Un entretien téléphonique avec les services du Défenseur des droits a eu lieu le 3 octobre 2019 où il apparaît que l’entreprise mise en cause n’est pas disposée à revoir à la hausse de manière significative le montant d’indemnisation. Elle serait prête, tout au plus, à lui accorder 100 ou 150 euros brut de dommages et intérêts. D’une part, elle estime que le réclamant n’a pas subi de discrimination et d’autre part, elle craint « un appel d’air » des autres délégués syndicaux avec des recours massifs auprès du Défenseur des droits si le réclamant communique, notamment par voie de tract, sur un montant d’indemnisation s’élevant à plusieurs milliers d’euros. L’entreprise a également évoqué l’éventualité de porter cette affaire en justice devant les juridictions administratives car la décision du Défenseur des droits pourrait lui fait grief surtout en cas de rapport spécial impliquant la levée de l’anonymat. Elle a toutefois demandé un délai supplémentaire de réflexion de 15 jours. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
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