Document public
Titre : | Arrêt relatif à la décision des juridictions roumaines d'ordonner le retour d'enfants auprès de leur père, résidant en Italie, sans tenir compte du risque grave que les enfants se voient infliger à nouveau des châtiments corporels : O.C.I. c. Roumanie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 21/05/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 49450/17 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Roumanie [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Décision de justice [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice familiale [Mots-clés] Garde de l'enfant [Mots-clés] Enlèvement parental [Mots-clés] Enlèvement d'enfant étranger à l'étranger [Mots-clés] Respect de la législation et des décisions de justice [Mots-clés] Ressortissant UE [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Maltraitance [Mots-clés] Preuve [Mots-clés] Protection de l'enfance [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Droit européen |
Résumé : |
Après avoir passé les vacances de l'été 2015 en Roumanie, la requérante, mère de deux enfants de nationalité italienne et roumaine, âgés respectivement de 5 et 7 ans, a décidé ne pas retourner avec eux auprès de son époux, en Italie.
Le père, un ressortissant italien, a engagé une procédure visant le retour des enfants en Italie, leur lieu de résidence habituelle, en application de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. La requérante s'y est opposée en faisant valoir que son époux était violent envers les enfants. Elle a remis plusieurs enregistrements vidéo des comportements qu'elle dénonçait. Toutefois, les juridictions roumaines ont ordonné le retour des enfants en 2016 en considérant que le père avait certes eu recours à la force physique sur ses enfants, mais que ces actes de violence avaient été occasionnels et ne se reproduiraient pas "suffisamment souvent pour représenter un risque grave". Les juges ont considéré qu'en tout état de cause, les autorités italiennes seraient en mesure de protéger les enfants si le risque d'abus était porté à leur attention. A l'heure actuelle, les autorités roumaines ne sont pas parvenues à exécuter l'ordonnance de retour car les enfants refusent de retourner en Italie et il apparaît que la mère et les enfants résident toujours en Roumanie. Invoquant l'article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention, la mère et les enfants se plaignaient de la décision de retour, les juridictions roumaines n'ayant pas pris en compte le risque grave que les enfants subissent des mauvais traitements aux mains de leur père alors que ce risque constitue, au regard de la Convention de La Haye, l'une des exceptions au retour des enfants dans leur lieu de résidence habituelle. Dans son arrêt de comité (arrêt définitif), la Cour européenne des droits de l'homme juge, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 8 de la Convention. Elle rappelle que les châtiments corporels ne sauraient être tolérés et que les États doivent œuvrer en faveur de leur interdiction dans la loi comme dans la pratique. Elle note que le droit roumain établit une interdiction absolue des châtiments corporels au sein de la famille. Toutefois, les déclarations faites par la juridiction interne, en l'espèce, à savoir que les violences avaient été occasionnelles et qu'elles ne se reproduiraient pas "suffisamment souvent pour représenter un risque grave", vont à l'encontre de cette interdiction. En effet, alors même qu'elles avaient conclu que les enfants avaient subi des violences de la part de leur père, ainsi qu'en attestaient plusieurs enregistrements vidéo, les juridictions roumaines n'ont pas tenu compte de cet élément lorsqu'elles ont eu à considérer l'intérêt supérieur des enfants. Par ailleurs, les juridictions roumaines n'ont pas cherché à déterminer si les enfants ne couraient plus le risque de subir les châtiments corporels de leur père en cas de retour auprès de lui. Elles ont laissé aux autorités italiennes le soin de réagir et de protéger les enfants si les violences se reproduisaient. La CEDH note que l'existence, en vertu du droit de l'Union européenne, d'un lien de confiance mutuelle entre les autorités de protection de l'enfance des deux États, tel celui qui existe entre la Roumanie et l'Italie (règlement Bruxelles II bis), ne signifie pas que l’État vers lequel un enfant a été déplacé illicitement doit ordonner son retour dans un environnement dans lequel il sera exposé à des risques graves de violences domestiques au seul motif qu'il s'agit de son lieu habituel de résidence et que les autorités du pays sont en mesure de s'occuper de cas d'abus. Les juridictions internes auraient dû tenir davantage compte du risque de mauvais traitements auquel les enfants seraient exposés en cas de retour en Italie. La CEDH conclut que les juridictions internes n'ont pas examiné les allégations de "risque grave" d'une manière compatible avec l'intérêt supérieur des enfants. Elle constate donc la violation du droit au respect de la vie privée et familiale des requérants. Enfin, estimant que les allégations de traitements inhumains et dégradants soulevées par les requérants ont déjà été examinées sous l'angle de l'article 8, la Cour considère qu'aucune question distincte ne se pose sous l'angle de l'article 3. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:0521JUD004945017 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-193069 |