
Document public
Titre : | Requête relative à la différence de traitement opérée entre des enfants légitimes et un enfant adultérin en matière des droits successoraux : Boissenot c. France |
Voir aussi : |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 07/06/2017 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 41298/17 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Succession [Mots-clés] Respect de la législation et des décisions de justice [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Règlementation des services publics [Mots-clés] Application dans le temps des réglementations [Mots-clés] Effets pervers de la réglementation [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Égalité de traitement [Mots-clés] Filiation |
Résumé : |
Née hors mariage en 1943, la requérante a été reconnue deux ans plus tard par sa mère qui lui a légué en 1981, par un testament authentique, la quotité disponible de sa succession. La mère de la requérante est décédée en 1985 laissant pour lui succéder deux enfants légitimes et la requérante. L’une des deux demi-sœurs de la requérante a cédé à l’autre l’ensemble ses droits successoraux. En 1992, cette dernière a assigné la requérante devant le tribunal de grande instance pour faire cesser l’indivision entre elles et voir ordonner le partage et la liquidation de la succession. La demi-sœur a demandé à ce que les droits de la requérante soient réduits en application des règles posées par l’article 760 du code civil alors en vigueur selon lequel l’enfant « adultérin » ne recevra que « la moitié de la part à laquelle il aurait eu droit si tous les enfants du défunt, y compris lui-même, eussent été légitimes ». Sans s’opposer à la cessation de l’indivision, la requérante a invoqué devant le tribunal l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (interdiction de discrimination) pour obtenir une répartition égalitaire de la succession.
En 1993, le juge a ordonné la cessation de l’indivision et l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession. Il dit que l’actif et le passif successoral seraient répartis à concurrence de 5/6e pour la demi-sœur et de 1/6e pour la requérante. Dix ans plus tard, ce partage n’étant jamais intervenu, la requérante a assigné le fils de sa demi-sœur (décédée en 2011) aux fins d’ordonner la licitation des biens immobiliers dépendant de l’indivision successorale maintenue depuis 1993 et se voir reconnaître des droits à concurrence de la moitié de l’actif successoral conformément aux nouvelles dispositions égalitaires de la loi de 2001 intervenue à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour discriminations successorales applicables aux enfants « adultérins ». En 2014, le juge a rejeté la demande de la requérante en considérant que le but de la sécurisation des droits définitivement reconnus en 1993 était d’un tel poids qu’il devait l’emporter sur la prétention de la requérante. La cour d’appel a confirmé ce jugement. Elle a estimé que la remise en cause, sans limitation dans le temps, d’une répartition définitivement arrêtée en justice des biens de l’actif successoral entre des héritiers, constituerait un moyen disproportionné d’assurer l’effectivité du principe de la règle d’égalité prohibant toute discrimination fondée sur la naissance. La cour a indiqué dès lors que les dispositions transitoires de la loi de 2001, en ce qu’elles faisaient réserve de la règle d’égalité en cas de décisions judiciaires irrévocables, n’étaient pas contraires aux dispositions conventionnelles, même en cas d’absence de partage effectif dès lors que « le maintien de l’indivision résultant seulement du défaut d’accord entre les parties sur la valeur des biens, est resté sans influence sur la connaissance qu’elles avaient définitivement acquise depuis 1993 de la répartition entre elles de l’actif de la succession ». La cour d’appel a indiqué qu’à défaut d’accord amiable entre les parties sur la cession des biens dans un délai de cinq mois, il serait procédé à leur licitation en un lot unique sur une mise à prix de 70 000 €. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la requérante. En application de l’arrêt de la cour d’appel, les biens immobiliers dépendant de la succession ont fait l’objet d’une vente aux enchères au prix de 85 000 €. Le prix de vente n’a pas été partagé entre les héritiers. Invoquant l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1er du Protocole n° 1 et l’article 8 de la Convention, la requérante soutient que la différence de traitement entre elle et l’autre héritier est disproportionnée. Introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 7 juin 2017, la requête a été communiquée le 3 avril 2019. Question aux parties : A la lumière de l’arrêt Fabris c. France (arrêt de grande chambre de la CEDH, n° 16574/08), la requérante a-t-elle été victime, dans l’exercice de ses droits garantis par la Convention, d’une discrimination fondée sur la naissance contraire à l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1er du Protocole n° 1 et l’article 8 de la Convention ? |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-192844 |