Document public
Titre : | Décision d'irrecevabilité d'une requête portant sur la révocation de l'Ordre des médecins d'un urgentiste à la suite de plusieurs décès subits de patients en fin de vie : Bonnemaison c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 19/03/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 32216/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Santé - soins [Mots-clés] Professionnel de la santé [Mots-clés] Profession médicale [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Discipline [Mots-clés] Procédure disciplinaire [Mots-clés] Sanction [Mots-clés] Radiation [Mots-clés] Décès [Mots-clés] Droit du patient [Mots-clés] Fin de vie [Mots-clés] Droit à un procès équitable [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice pénale [Mots-clés] Ordre des médecins [Mots-clés] Droit de propriété [Mots-clés] Rémunération [Mots-clés] Conseil d'Etat [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Soins sans consentement |
Résumé : |
L'affaire porte sur la révocation du requérant, médecin généraliste, de l'Ordre des médecins, à la suite de plusieurs décès subits de patients au sein de l'unité de courte durée (UHCD) d'un centre hospitalier où il exerçait comme urgentiste.
En 2011, un cadre de santé a adressé un rapport de signalement d'évènements graves au directeur du centre hospitalier. Il suspectait le requérant d'avoir provoqué à l'insu des familles et de ses collègues le décès de quatre patients en fin de vie, les décès étant intervenus de manière brutale peu après qu'il ait quitté leurs chambres. Dans un article publié la même année, le conseil du requérant a déclaré que celui-ci avait reconnu les faits, pratiqués pour abréger les souffrances des patients. Après avoir été mis en examen par un juge d'instruction, le requérant a été finalement acquitté par une cour d'assises en 2014. La cour a considéré que si le requérant avait procédé aux injections mortelles sans en avoir informé l'équipe soignante et les familles et sans avoir renseigné le dossier médical des patients, l'intention d'homicide n'avait pas été établie compte tenu des effets possibles et non recherchés, des produits utilisés. En 2015, statuant en appel, la cour d’assise a acquitté le requérant pour six décès mais l'a déclaré coupable du décès d'une patiente et l'a condamné deux ans d'emprisonnement avec sursis. Parallèlement à la procédure criminelle, le conseil national de l'Ordre des médecins a saisi, dès 2011, la juridiction disciplinaire. Le requérant s'est vu infliger une sanction disciplinaire de radiation du tableau de l'Ordre en raison de la gravité et du caractère répété des manquements déontologiques commis. En décembre 2014, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi du requérant par une décision longuement motivée. Saisie d'un recours en révision par le requérant, la Chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins, a maintenu la sanction de radiation. Invoquant l'article 6§1 (droit au procès équitable) de la Convention européenne des droits de l'homme, le requérant se plaignait du manque d'indépendance des chambre disciplinaires et de la partialité du Conseil d’État. Par ailleurs, sur le fondement de l'article 6§2 (présomption d’innocence) de la Convention, il alléguait que le Conseil d’État ne pouvait rejeter ses demandes et que l'acquittement prononcé en première instance justifiait qu'il ne soit pas sanctionné disciplinairement. Enfin, le requérant estimait, compte tenu des conséquences patrimoniales de l'interdiction d'exercer, que la sanction de radiation violait l'article 1 du Protocole n° 1 (protection de la propriété). La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) déclare, à l'unanimité, la requête irrecevable. Adoptée le 19 mars 2019, la décision d'irrecevabilité de la requête a été communiquée par la CEDH le 11 avril 2019. Concernant l'article 6§1, la Cour constate que le requérant n'a pas soulevé le grief tiré du manque d'indépendance des chambres disciplinaires devant le Conseil d’État, et n'a donc pas épuisé les voies de recours internes. Ensuite, la Cour considère que l'article 6§2 n'est pas applicable en l'espèce. Elle observe que les juges se sont tenus à la constatation de faits matériels et se sont abstenus d'en tirer quelque qualification pénale que ce soit. De plus, l'issue de la procédure criminelle n'était pas décisive pour la procédure disciplinaire qui, parfaitement autonome, n'était pas le corollaire direct de la procédure pénale. Enfin, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle un revenu professionnel futur ne peut être considéré comme un " bien " que s'il a déjà été gagné ou s'il a fait l'objet d'une créance certaine. La Cour a ainsi jugé que l'arrêt d'une activité professionnelle, notamment à la suite d'une sanction disciplinaire de révocation, et la perte de gains futurs qu'elle entraîne, ne porte pas atteinte aux " biens " de l'intéressé. Par ailleurs, le requérant n'a pas expressément soulevé la violation de cet article devant le Conseil d’État. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:0319DEC003221615 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Santé - Soins |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-192648 |