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Titre : | Décision 2019-016 du 22 janvier 2019 portant observations devant la CEDH dans le cadre d’une demande d’avis consultatif de la Cour de cassation portant sur la reconnaissance dans l’ordre juridique interne du lien de filiation, légalement établi à l’étranger, entre les enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA) et leurs parents |
est cité par : | |
Accompagne : | |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 22/01/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2019-016 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Rapport annuel 2019 [Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Tierce intervention [Documents internes] Visa de la CIDE [Documents internes] Visa CEDH [Documents internes] Position partiellement suivie d’effet [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Gestation pour autrui (GPA) [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Bioéthique [Mots-clés] Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) |
Mots-clés: | Transcription état civil |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été autorisé à intervenir dans le cadre de la première demande d’avis consultatif adressée à la Cour sur le fondement du Protocole n°16 à la Convention européenne des droits de l’homme (« la Convention »). La demande porte sur la reconnaissance dans l’ordre juridique interne du lien de filiation, légalement établi à l’étranger, entre les enfants nés d’une gestation pour autrui (« GPA ») et leurs parents.
Dans ses observations, le Défenseur des droits a, dans un premier temps, rappelé que le droit pour un enfant de faire établir sa filiation est consacré par la Convention et la Convention internationale des droits de l’enfant. Le Défenseur a ensuite rappelé l’état du droit français depuis les arrêts Mennesson et Labassee c. France du 26 juin 2014. Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, une convention de GPA ne constitue plus un obstacle à la reconnaissance de la filiation légalement établie à l’étranger, dès lors qu’au regard de l’article 47 du code civil, l’acte de naissance n’est pas irrégulier, falsifié et que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité. Cette jurisprudence permet la transcription de l’acte en ce qu’il désigne le père. Quant à la filiation à l’égard de la mère d’intention, la Cour de cassation rappelle qu’elle ne peut être transcrite dans les registres de l’état civil français, en application de l’article précité et du principe mater semper certa est. Elle précise néanmoins que la voie de l’adoption est possible si les conditions sont réunies et si elle conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant. Ainsi, la notion de « réalité » de l’article 47 précité est au cœur de la problématique de la transcription des actes de naissance étrangers au sein des registres de l’état civil français. Le Défenseur des droits a également rappelé la position constante du TGI de Nantes qui ordonne – quant à lui - la transcription complète des actes de naissances, faisant prévaloir la réalité juridique sur la réalité biologique au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Défenseur a indiqué souscrire au raisonnement du tribunal. Sur la question de la conformité du droit français à la Convention, le Défenseur des droits a mis en évidence la nécessité pour la CEDH de clarifier sa jurisprudence quant à la portée des arrêts Mennesson et Labassee et de ceux qui ont suivi. Il a souligné que la mise en conformité du droit français avec la Convention semble insuffisante, en revenant sur la grille de lecture de l’article 47 du code civil et sur les conséquences du refus de reconnaissance de la filiation maternelle d’intention sur la vie privée et la protection de l’enfant. Enfin, le Défenseur des droits a souligné que les autres voies de droit existantes en l’état actuel du droit (adoption, reconnaissance et possession d’état) ne permettent pas de répondre aux exigences de l’article 8 de la Convention. |
NOR : | DFDI1900016S |
Suivi de la décision : |
Le 10 avril 2019, la CEDH a rendu son 1er avis consultatif en réponse à une demande de la Cour de cassation française. Il porte sur la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui (GPA) pratiquée à l’étranger et la mère d’intention. Le 22 janvier 2019, le Défenseur des droits est intervenu dans la procédure en qualité de tiers-intervenant (décision 2019-016). A titre préalable, la Cour précise que l’avis porte sur la situation portée devant la Cour de cassation : la reconnaissance d’un lien de filiation entre l’enfant né d’une GPA, conçu avec les gamètes d’une tierce donneuse, et la mère d’intention, et dont le lien de filiation avec le père biologique est établi. Par cet avis, la Cour clarifie la jurisprudence Mennesson et Labassee c. France. Au regard des exigences de l’intérêt supérieur de l’enfant et de la marge d’appréciation réduite des États, l’article 8 relatif au droit au respect de la vie privée d’un enfant requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant « la mère légale ». Pour parvenir à cette conclusion, la Cour relève que l’absence de reconnaissance d’un tel lien de filiation a des conséquences négatives sur plusieurs aspects du droit de l’enfant au respect de la vie privée (§§40, 42, 45) : incertitude juridique quant à son identité dans la société et à l’accès à la nationalité de la mère d’intention, risques d’amoindrissement des droits successoraux, fragilisation de la situation de l’enfant en cas de séparation des parents, de décès du père, de refus/renonciation de prise en charge par la mère. La Cour ajoute que cette situation a un impact sur l’identification en droit des personnes qui ont la responsabilité d’élever l’enfant, de satisfaire à ses besoins, d’assurer son bien-être, ainsi que la possibilité de vivre et d’évoluer dans un milieu stable : « [c]e qui est en jeu (…) dépasse en réalité la question de l’identité de ces enfants (…) [d]’autres aspects essentiels de leur vie privée sont concernés dès lors que sont en question l’environnement dans lequel ils vivent et se développent et les personnes qui ont la responsabilité de satisfaire à leurs besoins et d’assurer leur bien-être ». La Cour poursuit en précisant que les modalités de reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention relèvent de la marge d’appréciation des États (absence de consensus européen à cet égard), admettant que celle-ci puisse être l’adoption de l’enfant par la mère d’intention. Selon la Cour, l’adoption sert convenablement l’intérêt supérieur de l’enfant, elle produit des effets de même nature que la transcription. Dès lors, l’article 8 n’impose pas aux États d’opter pour la transcription de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger. La Cour demande à ce que le lien de filiation, légalement établi à l’étranger, puisse être reconnu « au plus tard lorsqu’il s’est concrétisé ». Elle précise à cet égard qu’il revient aux autorités nationales d’évaluer in concreto - à la lumière des circonstances particulières de l’espèce - « si et quand ce lien s’est concrétisé ». Cependant, faisant référence à l’intérêt supérieur de l’enfant, la Cour pose certaines exigences quant aux modalités de reconnaissance du lien de filiation : -L’effectivité du mécanisme : il doit permettre la reconnaissance du lien de filiation ; -La célérité de la procédure : elle doit permettre à l’enfant d’obtenir une décision rapide, afin d’éviter qu’il soit maintenu longtemps dans une incertitude juridique quant à son lien de filiation ; -La prise en compte et l’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant par le juge à la lumière des circonstances de la cause ; En outre, la Cour appelle l’attention des autorités, en particulier du juge, sur deux éléments qui pourraient entraver l’accès à l’adoption et la reconnaissance du lien de filiation : -La procédure n’est ouverte qu’aux parents d’intention mariés ; -Les incertitudes persistantes quant aux modalités d’adoption de l’enfant du conjoint. A cet égard, la Cour indique que c’est au juge national d’apprécier l’adéquation du droit français de l’adoption avec les critères d’effectivité et de célérité fixés par la Cour, en tenant compte de « la situation fragilisée dans laquelle se trouvent les enfants tant que la procédure d’adoption est pendante ». |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Bioéthique |
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