Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation du droit au respect de la vie familiale d'un père qui s'est vu retirer son droit de visite à l'égard de ses enfants au motif qu'ils ne voulaient plus le voir : A.V. c. Slovénie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 09/04/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 878/13 |
Langues: | Anglais |
Mots-clés : |
[Géographie] Slovénie [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Parent [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice familiale [Mots-clés] Liens familiaux [Mots-clés] Droit de visite [Mots-clés] Droit de visite médiatisé [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Refus [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Maintien des liens [Mots-clés] Travailleur social [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Passivité des services publics |
Résumé : |
L'affaire concerne les décisions d'une juridiction slovène de retirer au requérant son droit de visite à l'égard de ses trois enfants, triplets nés en 1996, ainsi que le travail des services sociaux.
A la suite de la séparation des parents, ceux-ci ont conclu, en 2002, un accord sur les modalités d'un droit de visite. Cependant, quatre ans plus tard, des problèmes de mise en œuvre de cet accord ont surgit et le requérant n'a plus eu de contacts avec ses enfants entre 2006 et 2008. Lors d'une procédure judiciaire engagée par le requérant en 2006, un psychiatre désigné par le tribunal a estimé que les enfants n’appréciaient pas les contacts avec leur père et qu'ils refusaient d'en avoir. Le requérant a obtenu un droit de visite médiatisé régulier. Cependant, à chaque fois, les visites ont duré à peine quelques minutes, avant que les enfants ne quittent la pièce en déclarant qu'ils ne voulaient pas voir leur père. Après quatre rencontres tenues sur sa supervision, le centre d'action sociale a entamé une procédure judiciaire en vue de faire cesser les rencontres ou d'en faire modifier les modalités. En juin 2011, alors que les enfants étaient âgés de 15 ans, le tribunal a décidé de mettre fin aux rencontres entre le père et les enfants en considérant qu'elles ne répondaient plus à l'intérêt supérieur des enfants parce qu'elles étaient traumatisantes. Par ailleurs, le tribunal a jugé inapproprié d'ordonner une thérapie familiale mêlant les enfants. Le requérant a déposé une plainte auprès de l'inspection chargée des questions sociales. Dans un rapport d'audit publié en août 2011, l'inspection a relevé un certain nombre de défaillances dans la gestion du dossier par le centre d'action sociale. L'inspection a demandé au centre d'action sociale de mettre en œuvre diverses mesures pour avril 2012, ce qui a été fait. Invoquant en particulier l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention, le requérant alléguait la violation de ses droits en raison des décisions des juridictions nationales de supprimer son droit de visite, de refuser d'ordonner une thérapie familiale et du caractère selon lui inadéquat du travail effectué par les services sociaux. La Cour considère que face au refus persistant des enfants et à l'absence d'engagement actif de l'autre parent, le centre d’action social n'a pas veillé à ce qu'un soutien professionnel et ciblé soit effectivement apporté aux enfants, ce qui était essentiel pour les habituer à l'idée de revoir leur père, et aux parents, qui avaient besoin d'aide pour reconnaître l'intérêt supérieur des enfants. L'assistance du centre, telle qu'elle a été déterminée dans une décision de justice, faisait donc partie, dans les circonstances spécifiques de cette affaire, des mesures nécessaires que les autorités étaient raisonnablement tenues de prendre conformément aux obligations positives que leur impose l'article 8. Toutefois, en l'espèce, au lieu de prendre ces mesures, les autorités de protection sociale ont demandé au tribunal de mettre fin aux contacts entre le requérant et ses enfants après seulement quatre entretiens infructueux. Les juridictions nationales ont suivi la demande du centre et ont interrompu les contacts du demandeur avec ses enfants au motif que les contacts surveillés forcés avaient causé aux enfants des troubles mentaux et pouvaient nuire à leur développement. Les juridictions se sont basées sur la parole des agents chargés du dossier selon laquelle ils avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour appliquer la décision de 2008 mais n'avaient rien fait pour examiner dans quelle mesure ils avaient bien mené leurs activités ou évaluer les effets de leur inaction sur la procédure en cours. L'intervention de l'inspection, qui a révélé de graves lacunes dans le travail du centre, n'est intervenue qu'après que les tribunaux nationaux ont déjà mis fin au droit de visite et qu'il n'a donc plus été possible de remédier à ces lacunes. Enfin, la Cour attire l'attention sur l'avis de l'expert psychiatre selon lequel la possibilité d'établir un contact entre les enfants et le demandeur n'était possible que dans le cadre d'une thérapie familiale - mesure précédemment demandée par le requérant et suggérée par le centre et les juridictions nationales. Toutefois, elle note que les tribunaux nationaux n'ont jamais ordonné une telle thérapie, bien qu'ils l'aient acceptée comme la seule alternative viable à la cessation des relations personnelles et en tant que telle dans l'intérêt des enfants. En ce qui concerne les doutes des juridictions nationales quant à la possibilité de contraindre la mère à participer légalement à une thérapie familiale, la Cour rappelle qu'il appartient à chaque Etat contractant de se doter de moyens adéquats et efficaces pour assurer le respect de ses obligations positives en vertu de l'article 8 de la Convention. En ce qui concerne sa référence aux caractéristiques personnelles du requérant en tant qu'obstacle à la réussite de la thérapie, la Cour note que cette conclusion ne semble se fonder sur aucun élément de preuve. Le psychiatre expert a évalué le succès possible de la thérapie à 80%, sans mentionner aucun changement dans le comportement du père comme condition préalable à sa mise en place. Au vu des considérations qui précèdent, la Cour constate qu'en l'espèce, les autorités nationales n'ont pas trouvé un juste équilibre entre le droit du requérant au respect de sa vie familiale, d'une part, et les objectifs visés par le gouvernement défendeur, à savoir la protection des droits des enfants du requérant, d'autre part, et n'ont pas rempli leurs obligations positives en vertu de l'article 8 de la Convention. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:0409JUD000087813 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-192205 |