
Document public
Titre : | Jugement de départage relatif à la résiliation judiciaire du contrat de travail d’un réceptionniste hôtelier, victime de harcèlement moral de la part de ses collègues ayant tenus de propos racistes et dégradants et à l’absence de discrimination |
Auteurs : | Conseil de prud'hommes de Valenciennes, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 28/02/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 16/00079 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Hôtellerie - restauration [Mots-clés] Race, Ethnie [Mots-clés] Propos déplacés [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Harcèlement moral [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Arrêt maladie [Mots-clés] Dommages-intérêts [Mots-clés] Indemnisation [Mots-clés] Calcul [Mots-clés] Cessation d'activité [Mots-clés] Licenciement [Mots-clés] Inaptitude |
Mots-clés: | Résiliation judiciaire du contrat de travail |
Résumé : |
Employé depuis juin 2014 au sein d’un hôtel en qualité de réceptionniste de nuit, le requérant s’est plaint, en août 2015, auprès de sa direction de propos à caractère raciste tenus par ses collègues à son égard. Ces propos visaient également d’autres réceptionnistes de nuit. Les collègues mis en cause ont admis avoir tenu les propos dénoncés mais soutenaient qu’il s’agissait de plaisanteries. Après avoir fait un malaise à son poste de travail, le requérant a été placé en arrêt de travail en raison d’un état d’anxiété jusqu’à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, intervenu en octobre 2017.
Entretemps, en février 2016, l’intéressé a saisi le conseil de prud’hommes notamment d’une demande de dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral, d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et de diverses demandes en paiement en lien avec des manquements de l’employeur à ses obligations. Le Défenseur des droits a présenté ses observations devant la juridiction prud’homale. Statuant en formation de départage, le conseil de prud’hommes rejette, tout d’abord, l’argument de l’employeur qui soutenait que les observations du Défenseur des droits ont méconnu le respect du contradictoire. Le conseil constate que les observations soutenues par le Défenseur des droits ont été soumises au débat contradictoire et que l’employeur a été en mesure de répondre par écrit et oralement à ces observations. Ensuite, le conseil considère que les éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral. Il écarte l’argument de l’employeur qui faisait valoir que les agissements dénoncés par le requérant ne présentent pas le caractère répété et ne peuvent donc constituer un harcèlement moral, dès lors que les salariés mis en cause ont commis chacun un fait isolé de harcèlement moral. Le conseil souligne que si la loi exige, pour caractériser le harcèlement moral, des agissements répétés dans le temps de nature identique ou non, elle ne suppose pas, contrairement à ce que soutient l’employeur, une réitération de plusieurs faits de harcèlement moral provenant du même auteur. Le conseil ajoute que l’intention malveillante n’est pas un critère pour caractériser le harcèlement moral de sorte qu’il importe peu que les collègues mis en cause n’avaient pas l’intention de blesser le requérant à l’occasion de leur comportement inapproprié et qu’ils aient pu exprimer des regrets ou présenter leurs excuses à la victime visée par les propos racistes. L’employeur ne prouve pas que les agissements des mis en cause soient motivés par des éléments objectifs. Le conseil de prud’hommes considère que ces agissements, qui ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail du requérant susceptible de porter atteinte à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mental ou de compromettre son avenir professionnel, caractérisent un harcèlement moral. Par ailleurs, le conseil considère que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale du requérant en matière de harcèlement moral. L’employeur doit indemniser le préjudice lié à l’atteinte portée à la dignité et à la santé du salarié du fait du harcèlement moral et verser à l’intéressé la somme de 4 000 € à titre de dommages et intérêts. De même, il doit payer à l’intéressé la somme de 1 000 € pour manquement à son obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral. En revanche, le conseil de prud’hommes ne retient pas l’existence d’une discrimination. Il considère que les faits de discrimination (propos à caractère raciste et inaction de l’employeur) invoqués par le salarié sont identiques à ceux invoqués pour caractériser la situation de harcèlement moral. Le conseil considère que l’indemnité sollicitée à ce titre a la même cause et le même objet que l’indemnité allouée pour harcèlement moral. En outre, faute pour le requérant de prouver la réalité d’un préjudice moral ou financier distinct du préjudice réparé au titre de harcèlement moral, sa demande d’indemnisation doit être rejetée. Le conseil prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur laquelle produit les effets d’un licenciement nul. Ayant au moins de huit mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, le salarié a droit à une indemnité de licenciement prévue par l’article L. 1234-9 du code du travail issu de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. Le conseil de prud’hommes considère que, dès lors que l’origine professionnelle des arrêts de travail du salarié n’est pas établie, la période de suspension de son contrat de travail (entre le début d’arrêt maladie jusqu’à son licenciement) ne peut être considérée comme étant assimilée à un travail effectif et ne peut être prise en compte dans le calcul de son ancienneté. Celle-ci est donc limitée à 1 ans et trois mois. Prenant en compte cette ancienneté, l’âge du requérant (38 ans) au moment de la rupture, de son salaire moyen brut, des difficultés à retrouver un emploi stable, le conseil lui alloue la somme de 10 000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul. |
Est accompagné de : |
Documents numériques (1)
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