
Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère injustifié de la différence de traitement entre les enfants légitimes et un enfant adultérin en matière des droits successoraux : Quilichini c. France |
Voir aussi : |
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Titre précédent : | |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 14/03/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 38299/15 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Succession [Mots-clés] Application dans le temps des réglementations [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Égalité de traitement |
Résumé : |
Née en 1964 hors mariage, la requérante a été reconnue par son père en 1972. La loi n° 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral a abrogé les dispositions discriminatoires touchant les enfants « adultérins ».
Invoquant l’article 14 de la Convention, combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1, la requérante se plaint de ne pas s’être vu attribuée les mêmes droits successoraux que ses frère et sœur à l’occasion d’un acte de partage intervenu le 22 août 2005 portant sur un bien situé en Corse. Les juridictions nationales ont considéré que les droits successoraux de la requérante étaient déjà fixés dans un acte de partage du 13 mai 1992 et qu’ils s’appliquaient à l’acte de 2005. La Cour européenne des droits de l'homme juge, à l'unanimité, qu'il y a eu violation de l'article 14 combiné avec l'article 1 du Protocole n° 1. Elle considère que si le partage de la succession décidé en 1992 pouvait, à cette date, ne pas apparaître comme étant en flagrante contradiction avec l’interdiction de discrimination énoncée à l’article 14 de la Convention, tel n’était pas le cas en revanche du recours à cette répartition discriminatoire des droits, en 2005, pour attribuer à la requérante une part du bien en cause très inférieure à celle allouée à ses demi-frère et sœur. Elle ajoute qu'elle n'est pas convaincue au regard des circonstances de l’espèce que la requérante a librement consenti à un partage inégalitaire ou renoncé à des droits équivalents à ceux des héritiers légitimes sur le terrain litigieux. La Cour observe que les héritiers légitimes connaissaient parfaitement l’existence de la requérante, qui avait été reconnue par leur père en 1972 et qui avait été partie à l’acte de partage de la succession de celui-ci, en 1992. Ils ne pouvaient exclure qu’elle saisisse l’occasion d’un nouvel acte nécessaire pour concrétiser celui de 1992, plusieurs années après la loi de 2001 et alors que la jurisprudence européenne avait montré une tendance claire vers la suppression de toute discrimination des enfants nés hors mariage s’agissant de leurs droits héréditaires, pour remettre en cause la quotité des droits de chacun. La Cour estime que le recours en rectification de l’acte de 2005 exercé par la requérante sept ans après la loi de 2001 et rejeté, en 2015, deux ans après l’arrêt Fabris qui déclarait incompatible avec la Convention la vocation successorale d’un enfant « adultérin » déterminée par l’application des dispositions transitoires de cette loi, pèse lourd dans l’examen de la proportionnalité de la différence de traitement. Contrairement au Gouvernement, la Cour estime que les héritiers légitimes savaient ou se doutaient que leur vocation successorale, telle qu’elle avait été préalablement définie et acceptée sur le terrain litigieux en 1992, pourrait être partiellement remise en cause du fait des éléments précités. La Cour estime que le but de la protection des droits successoraux des demi-frère et sœur de la requérante n’était pas d’un poids tel qu’il dût l’emporter sur la prétention de la requérante d’obtenir une part égale dans le partage du terrain. Enfin, la Cour observe, comme dans l'affaire Fabris, que la Cour de cassation n’a pas répondu, à tout le moins explicitement, au moyen tiré de la Convention et a exclu, de ce fait, la possibilité qu’elle avait de prévenir, le cas échéant, une violation semblable à celles qu’elle avait déjà constatées. Une motivation plus développée aurait permis à la Cour de mieux prendre en considération le raisonnement de la Cour de cassation. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut qu’il n’existait pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but légitime poursuivi. La différence de traitement dont la requérante a fait l’objet n’avait donc pas de justification objective et raisonnable. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:0314JUD003829915 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-191549 |