Document public
Titre : | Décision relative à la conformité de la pénalisation des clients de personnes se livrant à la prostitution |
est cité par : | |
Auteurs : | Conseil constitutionnel, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 01/02/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2018-761 QPC |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Justice [Mots-clés] Justice pénale [Mots-clés] Répression [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Violence sexuelle [Mots-clés] Respect de la personne [Mots-clés] Traite des êtres humains [Mots-clés] QPC |
Mots-clés: | Prostitution |
Résumé : |
La question prioritaire de constitutionnalité porte sur les dispositions de la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.
En particulier, le premier alinéa de l'article 611-1 du code pénal institue une contravention réprimant le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage. Le premier alinéa de l'article 225-12-1 du même code érige en délit ces mêmes faits lorsqu'ils sont commis en situation de récidive légale. Les requérants reprochaient à ces dispositions de réprimer tout achat d'actes sexuels, « même lorsqu'ils sont accomplis librement entre adultes consentants et même lorsque ces actes se déroulent uniquement dans un espace privé ». Selon eux, cette interdiction générale et absolue était contraire au droit au respect de la vie privée, duquel découlaient un droit à l'autonomie personnelle ainsi que la liberté sexuelle. Ils estimaient qu'elle méconnaissait également la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle et les principes de nécessité et de proportionnalité des peines. Certaines parties intervenantes ajoutaient que les dispositions contestées avaient pour conséquence d'aggraver l'isolement et la clandestinité des personnes prostituées, les exposant ainsi à des risques accrus de violences de la part de leurs clients et les contraignant, pour continuer à exercer leur activité, à accepter des conditions d'hygiène portant atteinte à leur droit à la protection de la santé. Le Conseil constitutionnel juge les dispositions contestées conformes à la Constitution. Il rappelle qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figure la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. S'appuyant sur les travaux préparatoires des dispositions contestées, le Conseil constate qu'en faisant le choix de pénaliser les acheteurs de services sexuels, le législateur a entendu, en privant le proxénétisme de sources de profits, lutter contre cette activité et contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, activités criminelles fondées sur la contrainte et l'asservissement de l'être humain. Il a ainsi entendu assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre ces formes d'asservissement et poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions. En outre, le Conseil relève que la Constitution ne lui confère pas un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen. Si le législateur a réprimé tout recours à la prostitution, y compris lorsque les actes sexuels se présentent comme accomplis librement entre adultes consentants dans un espace privé, il a considéré que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite et que ces infractions sont rendues possibles par l'existence d'une demande de relations sexuelles tarifées. En prohibant cette demande par l'incrimination contestée, le législateur a retenu un moyen qui n'est pas manifestement inapproprié à l'objectif de politique publique poursuivi. Par ces motifs, le Conseil constitutionnel juge que le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre, d'une part, l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et, d'autre part, la liberté personnelle. Enfin, les dispositions contestées ne méconnaissent pas le principe de nécessité des peines, la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle. Au regard du droit à la protection de la santé, le Conseil constitutionnel juge qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences sanitaires pour les personnes prostituées des dispositions contestées, dès lors que cette appréciation n'est pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate. |
ECLI : | FR:CC:2019:2018.761.QPC |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Droits - Libertés |
En ligne : | https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/2018761QPC.htm |