Document public
Titre : | Arrêt relatif à la violation des droits d’un délinquant sexuel, souffrant de troubles mentaux, détenu pendant 13 ans sans encadrement médical approprié : Rooman c. Belgique |
Titre précédent : | |
Auteurs : | Grande Chambre, Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), Auteur ; Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 31/01/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 18052/11 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Belgique [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Accès aux soins [Mots-clés] Handicap psychique [Mots-clés] Santé mentale [Mots-clés] Maladie [Mots-clés] Violence sexuelle [Mots-clés] Sécurité publique [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Droit à la liberté et à la sûreté [Mots-clés] Capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français |
Résumé : |
L’affaire concerne un ressortissant belge germanophone condamné en Belgique en 1997, pour divers faits dont viol et attentat à la pudeur sur mineur.
Après avoir récidivé au cours de sa détention, il a été interné en 2004 au sein d’un établissement de défense sociale (EDS) situé en région wallonne. Entre 2005 et 2015, l’intéressé a formulé trois demandes de libération qui ont été rejetées au motif que les conditions de libération n’étaient pas réunies (l’amélioration de l’état mental et les garanties d’une réadaptation sociale). Dans ces décisions, la commission de défense sociale (CPS) a constaté, entre outre, que l’intéressé n’a pas pu bénéficier de soins psychiatriques dans la seule langue parlée et comprise par lui, qu’il convenait de rechercher une institution pouvant lui assurer une thérapie en allemand et qu’il avait très peu de contacts avec les autres patients et les membres du personnel car il ne maîtrisait pas le français. Entretemps, en 2014, le requérant a engagé une procédure en référé contre l’Etat belge demandant sa mise en liberté ou, subsidiairement, l’imposition de la prise de mesures requises par son état de santé. Après avoir constaté une violation du droit d’accès ç des soins de santé et une situation inhumaine et dégradante, le juge a ordonné à l’Etat belge de désigner un psychiatre et un assistant médical germanophones, et de mettre en place des soins usuellement prévus pour les internés francophones. En outre, le juge a reconnu la responsabilité de l’Etat pour faute et a l’a condamné à verser au requérant la somme de 75 000 €. La procédure indemnitaire est actuellement pendante devant la cour d’appel. Par la suite, en 2017, dans le cadre d’une nouvelle demande de libération, les autorités se sont prononcées contre la libération de l’intéressé au motif qu’il demeurait dangereux et risquait de récidiver. En outre, la CPS a constaté que l’intéressé pouvait désormais bénéficier d’un suivi psychologique, psychiatrique et social par des intervenants en langue allemande, ainsi qu’une sortie par mois accompagné d’un infirmier germanophone, et qu’un interprète était également présent chaque fois que cela était nécessaire. Le pourvoi en cassation du requérant a été rejeté en février 2018. En 2011, le requérant a introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. Dans son arrêt de chambre du 18 juillet 2017, la Cour a dit, à l’unanimité, qu’il avait eu violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme. En revanche, elle a conclu, par six voix contre une, à la non-violation de l’article 5 §1 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention. A la demande du requérant, la Cour a accepté de renvoyer l’affaire devant la Grande chambre. Dans son arrêt de Grande chambre, la CEDH juge, par seize voix contre une, que depuis début 2004 jusqu’au mois d’août 2017, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention et, par quatorze voix contre trois, que depuis le mois d’août 2017 jusqu’à présent, il n’y a pas eu violation de cet article. Par ailleurs, elle conclut, à l’unanimité, que depuis 2004 et jusqu’au mois d’août 2017, il y a eu violation de l’article 5 de la Convention et, par dix voix contre sept, qu’il y a eu non-violation de cet article pour la période postérieure. En ce qui concerne l’article 3, la Cour juge en particulier que les autorités nationales n’ont pas assuré une prise en charge de l’état de santé du requérant de début 2004 au mois d’août 2017, et que son maintien en internement sans espoir réaliste de changement et sans encadrement médical approprié pendant une période d’environ 13 ans a constitué une épreuve particulièrement pénible l’ayant soumis à une détresse d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention. En revanche, la Cour juge qu’à partir du mois d’août 2017, les autorités ont manifesté une volonté réelle de remédier à la situation de l’intéressé, en engageant des mesures concrètes, et que le seuil de gravité requis pour le déclenchement de l’article 3 n’a pas été atteint. Quant à l’article 5, la Cour décide d’affiner ses principes jurisprudentiels et de préciser le sens de l’obligation de soins incombant aux autorités concernant les personnes internées. Elle précise qu’il existe un lien étroit entre la « régularité » de la détention des personnes atteintes de troubles psychiques et le caractère approprié du traitement de leur état de santé mentale. Ensuite, la Cour juge que la privation de liberté de l’intéressé au cours de la période du début 2004 au mois d’août 2017 ne s’est pas déroulée selon les exigences de l’article 5 § 1 dans un établissement approprié capable de lui assurer des soins adaptés à son état de santé. En revanche, elle estime que les autorités compétentes ont tiré les conclusions de l’arrêt de chambre du 18 juillet 2017 et ont mis en place un ensemble de soins permettant de conclure à une non-violation de cette disposition pour la période après le mois d’août 2017. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:0131JUD001805211 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Privation de liberté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-189847 |