Document public
Titre : | Décision relative à l'irrecevabilité d'une requête portant sur le droit à l'éducation d'un enfant autiste : Dupin c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 18/12/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2282/17 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Handicap [Mots-clés] Handicap cognitif [Mots-clés] Prise en charge [Mots-clés] Autisme [Mots-clés] Droit à l'éducation [Mots-clés] Éducation [Mots-clés] Établissement médico-social [Mots-clés] Établissement d'enseignement [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination non caractérisée [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Responsabilité de l'Etat |
Résumé : |
L’affaire concerne le droit à l’éducation d’un enfant autiste, né en 2002, scolarisé en milieu spécialisé plutôt qu’en milieu ordinaire.
La requérante, mère de l’enfant, se plaignait du refus opposé par les juridictions françaises de scolariser son enfant en milieu ordinaire. Elle soutenait que l’État avait méconnu l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires pour les enfants handicapés, l’absence de l’enseignement constituant en elle-même une discrimination. Enfin, elle se plaignait de l’absence de moyens spécifiques attribués par l’État pour les enfants autistes. Par une décision adoptée le 18 décembre 2018 et communiquée le 24 janvier 2019, la Cour européenne des droits de l’homme déclare, à l’unanimité, la requête irrecevable. Rappelant les principes généraux applicables en la matière, la Cour souligne, d’une part, l’importance du droit à l’instruction, directement protégé par la Convention. Elle reconnait qu’il s’agit d’un « service complexe » à organiser et onéreux à gérer alors même que les ressources que les autorités peuvent y consacrer sont nécessairement limitées. S’agissant en particulier des besoins éducatifs des enfants en situation de handicap, elle rappelle qu’il ne lui appartient pas de définir les moyens à mettre en œuvre. Cette tâche incombe aux autorités nationales qui doivent être particulièrement attentives à l’impact des choix opérés sur des groupes dont la vulnérabilité est la plus grande, au nombre desquels figurent les enfants autistes. La Cour rappelle, d’autre part, l’importance de l’éducation inclusive aux fins d’intégration de tous les enfants de la société. Faisant application de ces principes, la Cour observe à titre liminaire que le droit français garantit le droit à l’éducation des enfants en situation de handicap. La législation prévoit, en priorité, la scolarisation des enfants et adolescents autistes dans des établissements de droit commun. En outre, elle prévoit la mise en place de structures et de mécanismes permettant d’assurer un enseignement spécialisé. Examinant les circonstances particulières de l’espèce, la Cour observe que les juridictions nationales ont opté, s’agissant du fils de la requérante, pour une scolarisation en milieu spécialisé au sein d’un institut médico-éducatif (IME) avec des méthodes adaptées à son handicap. Elle constate que l’orientation ainsi retenue permet à cet adolescent de bénéficier d’une prise en charge adaptée à ses troubles autistiques, comprenant un temps de scolarité. La Cour note que pendant la période au cours de laquelle l’enfant a été scolarisé à l’école ordinaire, il avait peu de contacts avec les autres élèves, ne parlait pas, n’écrivait pas, ne lisait pas. Ces constatations donnent à penser qu’il n’était pas capable d’assumer les contraintes et les exigences minimales de comportement qu’implique la vie dans une école normale. La Cour relève également que le conseiller rapporteur devant la Cour de cassation a confirmé que le projet d’orientation préconisée par la requérante pour son fils pouvait difficilement être réalisé en milieu ordinaire. La CEDH déduit de ces éléments que les autorités nationales ont considéré l’état de l’enfant comme un obstacle à son éducation dans le cadre du droit commun. Après avoir mis en balance le niveau de son handicap et le bénéfice qu’il pourrait tirer de l’accès à l’enseignement inclusif, elles ont opté pour une éducation appropriée à ses besoins, en milieu spécialisé. La Cour note que cette orientation satisfait le père de l’enfant qui en a la garde. Au regard de l’ensemble des éléments qui lui ont été soumis, elle ne saurait considérer que le choix opéré par les autorités nationales a été fait par défaut, en raison d’une déficience de moyens et de l’assistance scolaire au sein de l’école ordinaire. La Cour relève enfin que depuis octobre 2013, le fils de la requérante bénéficie d’un accompagnement éducatif effectif au sein d’un IME, et que cette prise en charge scolaire convient à son épanouissement. La Cour estime donc que le refus d’admettre le fils de la requérante en milieu scolaire ordinaire ne saurait constituer un manquement de l’État à ses obligations au titre de l’article 2 du Protocole n° 1 ni une négation systémique de son droit à l’instruction en raison de son handicap. Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé. En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 14 combiné avec l’article 2 du Protocole n° 1, la Cour constate que la requérante se contente d’affirmer que les autorités françaises n’avaient pas pris les mesures nécessaires à l’égard des enfants en situation de handicap et que la défaillance dans l’apprentissage en résultant constituait en elle-même une discrimination, sans étayer davantage son grief. Dans ces conditions, la Cour considère que le grief est manifestement mal fondé. Enfin, en ce qui concerne la violation alléguée de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole no 1. La Cour constate que le mémoire ampliatif déposé par la requérante devant la Cour de cassation ne contient pas de moyen tiré de la Convention correspondant à ce grief. En conséquence, elle estime que ce dernier est irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes. |
ECLI : | CE:ECHR:2018:1218DEC000228217 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Handicap - Autonomie |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-189671 |