Document public
Titre : | Requête relative à l'exécution par la France d'un mandat d'arrêt européen émis par la Roumanie à l'égard d'un leader d’un mouvement spirituel ayant obtenu le statut de réfugié en Suède : Bivolaru c. France |
Voir aussi : |
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Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 12/08/2016 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 40324/16 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Roumanie [Géographie] Union européenne (UE) [Géographie] Suède [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Conditions matérielles indignes [Mots-clés] Reconduite à la frontière [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Surpopulation carcérale [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Droit à la vie [Mots-clés] Violence sexuelle [Mots-clés] Secte |
Mots-clés: | Mandat d'arrêt européen ; Réfugié |
Résumé : |
L’affaire concerne un ressortissant roumain, leader d’un mouvement spirituel, qui a fait l’objet, au cours de l’année 2004, de poursuites pénales en Roumanie engagées contre lui concernant des faits de rapports sexuels avec un mineur, de perversion sexuelle et de corruption de mineur ainsi que des chefs de traite des personnes et de passage illégal de la frontière. La création et le fonctionnement de ce mouvement ainsi que les actes d’enquête réalisé par les autorités nationales à l’égard de certains des membres du mouvement sont décrits dans plusieurs affaires jugées par la Cour européenne des droits de l’homme.
A une date non précisée et dans des circonstances inconnues, le requérant est parti pour la Suède, où il a déposé, en mars 2005, une demande d’asile politique. La Cour suprême suédoise a rejeté les demandes des autorités roumaines visant l’extradition du requérant au motif que, du fait de ses convictions découlant de ses activités dans le cadre du mouvement spirituel, l’intéressé risquait d’être persécuté, en raison de ses opinions religieuses, en cas d’extradition. En janvier 2006, le requérant a obtenu un titre de séjour permanent en Suède en tant que réfugié ainsi qu’une nouvelle identité. Il a reçu des documents officiels lui permettant de voyager en tant que réfugié, en vertu de la Convention de Genève de 1951, et son passeport portait mention « valable dans tous les États, sauf la Roumanie ». En juin 2013, la Haute Cour de Roumanie a condamné par défaut le requérant à une peine de six ans d’emprisonnement du chef de rapports sexuels avec un mineur et, s’agissant des autres chefs d’inculpation, l’a acquitté ou clôturé pour prescription. Un mandat d’arrêt européen (MAE) au nom du requérant a été émis en vue de l’exécution de la peine de prison. En février 2016, il a été incarcéré en France, après avoir été appréhendé alors qu’il circulait sous une fausse identité, muni de faux papiers bulgares. L’intéressé s’est opposé à sa remise aux autorités roumaines dans le cadre de l’exécution du MAE en faisant valoir que son statut de réfugié accordé par la Suède ainsi que les motifs politiques et religieux de sa condamnation en Roumanie constituaient un obstacle absolu à sa remise. Il a ajouté que cette remise méconnaîtrait également les articles 3 et 6 de la Convention. Dans le cadre du pouvoir en cassation contre l’arrêt ayant ordonné sa remise, le requérant demandait à la Cour de cassation de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle portant sur l’éventuel recours au principe de non refoulement en tant que motif de non-exécution d’un MAE. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du requérant en juillet 2016. Le 12 août 2016, l’intéressé a saisi la Cour européenne des droits de l’homme qui a refusé d’indiquer aux autorités françaises de suspendre l’exécution de la mesure de remise aux autorités roumaines. Dix jours plus tard, l’intéressé a été conduit en Roumanie où il a été incarcéré dans une prison pendant un an, avant d’être remis en liberté conditionnelle. La requête a été communiquée par la CEDH le 19 décembre 2018. Griefs : À titre liminaire, le requérant souligne le caractère inédit de sa requête contestant la conventionalité de la décision d’un État membre de l’Union – la France – de mettre à exécution un MAE émis par un autre État membre – la Roumanie –, alors même que ce MAE concerne un ressortissant de l’Union qui a auparavant obtenu d’un État membre d’accueil – la Suède – le statut de réfugié en raison des menaces issues de l’État d’émission. Le requérant fait valoir qu’en l’espèce la présomption de protection équivalente du droit de l’Union ne s’applique pas dès lors que la Cour de cassation a refusé de transmettre à la CJUE une question préjudicielle, cette juridiction ayant statué « sans que le mécanisme international pertinent de contrôle du respect des droits fondamentaux, en principe équivalent à celui de la Convention, ait pu déployer l’intégralité de ses potentialités » (Michaud c. France, n° 12323/11, § 115, CEDH 2012). Invoquant les articles 2 et 3 de la Convention, le requérant soutient que la décision de remise l’a exposé à un risque grave pour sa vie et son intégrité physique et morale. Selon le requérant, le refus de tenir compte de son statut de réfugié a emporté en soi une violation de ces dispositions. En outre, il fait valoir qu’un État partie à la Convention doit s’abstenir d’éloigner une personne qui risque d’être exposée à des conditions de détention indignes. Or un tel risque était raisonnablement caractérisé au jour de la remise compte tenu de la situation carcérale en Roumanie, qualifiée de « dantesque » par le requérant. Il appartenait aux autorités françaises, selon lui, d’obtenir des garanties des autorités roumaines qu’il serait détenu dans des conditions conformes à l’article 3 de la Convention et qu’il ne ferait pas l’objet de mauvais traitements de la part de codétenus vindicatifs ou violents à son égard. Questions aux parties : Eu égard à l’arrêt Avotiņš c. Lettonie ([GC], n° 17502/07, 23 mai 2016), la présomption de protection équivalente dans l’ordre juridique de l’Union européenne (« présomption Bosphorus ») s’applique-t elle en l’espèce ? S’il y a lieu d’appliquer la présomption Bosphorus, la mise en œuvre du MAE a-t-elle été entachée d’une « insuffisance manifeste » de protection des droits protégés par la Convention ? Si la présomption Bosphorus ne s’applique pas, la mise en œuvre du MAE a-t-elle violé les articles 2 et 3 de la Convention, compte tenu a) du statut de réfugié du requérant b) des conditions de détention en Roumanie ? Le Gouvernement est invité à produire la demande de renseignements complémentaire adressée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris aux autorités suédoises sur la situation du requérant et la réponse de ces dernières. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Privation de liberté |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-189553 |