
Document public
Titre : | Arrêt relatif au caractère discriminatoire de la législation carcérale ayant empêché un détenu masculin d'assister aux funérailles d'un proche : Ecis c. Lettonie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 10/01/2019 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 12879/09 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Lettonie [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Législation [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Discrimination indirecte [Mots-clés] Sexe [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Autorisation [Mots-clés] Parent |
Résumé : |
En 2001, le requérant a été condamné à une peine de vingt ans d'emprisonnement pour enlèvement, meurtre aggravé et extorsion et soumis, en application de la législation en vigueur, au régime sécuritaire le plus strict puis au régime sécuritaire de niveau intermédiaire dans un établissement fermé. En 2008, il se plaignait auprès des autorités de ce que, bien que condamnés pour des crimes identiques et soumis à des peines d'emprisonnement de même durée, les hommes et les femmes étaient traités différemment s'agissant de l'exécution de leur peine. Il faisait valoir que les femmes étaient d'emblée placées dans des établissements partiellement fermés plutôt que dans des prisons fermées, ce qui leur permettait selon lui d'obtenir plus rapidement certains privilèges, comme des autorisations de sortie. Il aurait été ainsi privé de la possibilité de bénéficier d'autorisation de sortie pour assister aux funérailles de son père.
La CEDH note qu'en application du code de l'exécution des peines, le requérant n'a pas été autorisé à assister aux funérailles parce qu'il était détenu dans le cadre d'un régime sécuritaire de niveau intermédiaire dans un établissement fermé. Or, une femme condamnée pour des crimes identiques est automatiquement affectée à une prison partiellement fermée et, si elle avait déjà purgé la même durée sur sa peine et qu'elle avait progressé pour atteindre le même niveau de sécurité, elle aurait été en droit de se voir accorder une autorisation de sortie. La Cour considère que si certaines différences de traitement peuvent se justifier, une interdiction générale de sortie imposée aux détenus masculins, y compris ceux qui souhaitent assister à des funérailles, ne permet pas de répondre plus facilement aux besoins particuliers des femmes détenues. La Cour estime que le refus automatique d'examiner la demande du requérant sur le fondement d'un régime carcéral déterminé par le sexe de celui-ci ne répondait à aucune justification objective et raisonnable. Or, il appartient aux autorités nationales d'apprécier, au cas par cas, les demandes des personnes incarcérées, quel que soit leur sexe, sur la base du bien-fondé de ces demandes. La Cour souligne que la politique pénitentiaire européenne met de plus en plus l'accent sur la réinsertion, et les liens familiaux constituent un facteur important qui facilite la réinsertion dans la société pour les hommes comme pour les femmes. La Cour dit, à la majorité (cinq voix contre deux), qu'il y a eu violation de l'article 14 (interdiction de discrimination) combiné avec l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l'homme. |
ECLI : | CE:ECHR:2019:0110JUD001287909 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-188991 |