Document public
Titre : | Constatations relatives au refus de visa humanitaire opposé à une enfant prise en charge par un couple belgo-marocain dans le cadre d'une kafala : Y.B. et N.S. c. Belgique |
Titre original: | Constations concernant la communication n° 12/2017 |
Auteurs : | Comité des droits de l'enfant (CRC), ONU, Auteur ; Organisation des Nations unies (ONU), Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/09/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | CRC/C/79/D/12/2017 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Belgique [Géographie] Maroc [Mots-clés] Kafala [Mots-clés] Kafala d'un enfant à l'étranger [Mots-clés] Adoption [Mots-clés] Droit des étrangers [Mots-clés] Regroupement familial [Mots-clés] Visa [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Audition [Mots-clés] Participation, citoyenneté [Mots-clés] Enfant [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Liens familiaux [Mots-clés] Abandon d'enfant [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Situation de famille [Mots-clés] Titre de séjour [Mots-clés] Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) |
Résumé : |
L'affaire concerne le refus de visa humanitaire opposé par les autorités belges à une enfant née en 2011 au Maroc et pris en charge dans le cadre d'une kafala par un couple belgo-marocain.
Les requérants se plaignaient de la violation des articles 2, 3, 10, et 12 de la Convention internationale des droits de l'enfant. Le Comité observe qu'en l'espèce les décisions des autorités migratoires belges ont basé leur refus de visa principalement sur le fait que la kafala ne donne pas de droit au séjour, ainsi que sur le fait que les requérants n'avaient pas démontré que : l'enfant ne pouvait pas être prise en charge par sa famille biologique au Maroc; ils ne pouvaient pas veiller à son éducation en la laissant au Maroc et qu'ils avaient les conditions financières nécessaires pour subvenir aux besoins de l'enfant. Or, le Comité observe que ces raisonnements sont de nature générale et dénotent une absence d'examen de la situation concrète de l'enfant et, en particulier, du fait qu’elle est une enfant née de père inconnu et abandonnée à la naissance par la mère biologique et que, de ce fait, la possibilité d'être prise en charge par la famille biologique semble irréaliste et, en tout cas, non-corroborée. Le Comité estime que les autorités belges ne semblent pas avoir considéré ni le fait que la requérante a vécu avec l'enfant depuis sa naissance, ni les liens familiaux qui se seraient naturellement tissés de facto par cette vie en commun au long des années. Ensuite, le Comité rappelle que l'article 12 de la Convention n'impose aucune limite d'âge en ce qui concerne le droit de l'enfant d'exprimer son opinion et décourage les États parties d'adopter, que ce soit en droit ou en pratique, des limites d'âge de nature à restreindre le droit de l'enfant d'être entendu sur toutes les questions l'intéressant. En l'espèce, l'enfant était âgée de cinq ans lorsque la décision de la deuxième procédure d'examen de la demande de visa a été rendue. Selon le Comité, elle aurait été capable de se forger une opinion sur la possibilité d'habiter de manière permanente en Belgique avec les requérants. Le Comité ne partage pas la position de la Belgique qu'il ne serait nécessaire de prendre en considération les opinions de l'enfant dans une procédure concernant son autorisation de séjour, bien au contraire. Les implications de cette procédure sont d'une importance primordiale pour la vie et l'avenir de l'enfant en ce qu'elles ont un lien direct avec la possibilité pour elle de vivre avec le couple en tant que famille. Le Comité conclut que la Belgique n'a pas concrètement considéré l'intérêt supérieur de l'enfant lorsqu'elle a évalué la demande de visa pour l'enfant, et n'a pas respecté son droit à être entendue, en violation des articles 3 et 12 de la Convention. Concernant l'article 10 de la Convention, le Comité considère que cet article n'oblige pas un Etat partie à reconnaître de manière générale le droit de réunification familiale aux enfants pris en charge dans le cadre d'une kafala. Cependant, le Comité considère que, dans l'évaluation et la détermination de l'intérêt supérieur de l'enfant aux effets d'accepter ou refuser la demande de séjour concernant l'enfant, l’État partie est tenu de prendre en considération les liens de facto existants entre l'enfant et les requérants, qui se sont développés sur la base de la kafala. Le Comité rappelle que le terme "famille" doit s'interpréter au sens large. Tenant compte du fait que les liens familiaux établis de facto en l'espèce n'ont pas été pris en considération, et du fait que le laps de temps écoulé dès la présentation de la demande de visa a dépassé les sept ans, le Comité conclut que la Belgique n'a pas respecté l'obligation qui lui incombe de traiter la demande des requérants, qui équivaut à une demande de réunification familiale, dans un esprit positif, avec humanité et diligence, en veillant à ce que la présentation d'une telle demande n'entraîne pas de conséquences fâcheuses pour les requérants et les membres de leur famille en violation de l'article 10 de la Convention. Compte tenu de la violation des articles 3, 10 et 12, le Comité ne juge pas nécessaire d'étudier si les mêmes faits constituent une violation de l'article 2 (interdiction de discrimination) de la Convention internationale des droits de l'enfant. La Belgique est tenue de réexaminer la demande de visa pour l'enfant de manière urgente et dans un esprit positif, en assurant que l'intérêt supérieur de l'enfant soit une considération primordiale et qu'elle soit entendue. Dans la considération de l'intérêt supérieur de l'enfant, la Belgique devrait tenir compte des liens familiaux forgés de facto entre l'enfant et le couple. La Belgique a aussi l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des violations analogues ne se reproduisent pas. Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communication, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet aux constatations du Comité. L’État partie est aussi invité à inclure des renseignements sur les mesures ainsi prises dans les rapports qu’il soumettra au Comité au titre de l’article 44 de la Convention. Enfin, l’État partie est invité à rendre publique les présentes constatations et à les diffuser largement dans la langue officielle du pays. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Famille - Enfant - Jeunesse |
En ligne : | https://tbinternet.ohchr.org/Treaties/CRC/Shared%20Documents/BEL/CRC_C_79_D_12_2017_27768_F.docx |
Documents numériques (1)
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