Document public
Titre : | Décision 2018-263 du 12 novembre 2018 portant observations devant le Comité des droits de l’enfant de l’ONU dans le cadre de plusieurs communications individuelles |
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Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Expertise, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 12/11/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2018-263 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Observations devant une juridiction [Documents internes] Observations devant une juridiction avec décision rendue [Documents internes] Tierce intervention [Documents internes] Position suivie d’effet [Mots-clés] Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) [Mots-clés] Mineur étranger [Mots-clés] Mineur non accompagné [Mots-clés] Asile [Mots-clés] Détermination de l'âge osseux [Mots-clés] Rétention administrative [Mots-clés] Justice des mineurs [Mots-clés] Justice [Mots-clés] Droits de l'enfant [Mots-clés] Questions internationales [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Établissement pénitentiaire [Géographie] Europe |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été autorisé par le Comité des droits de l’enfant à intervenir en qualité de tiers-intervenant dans le cadre de communications individuelles (n°17/2017, 21/2017 et 27/2017) portant sur la situation de mineurs non accompagnés (MNA) migrants, en particulier les difficultés d’accès à la procédure d’asile, le recours aux tests de détermination de l’âge (test Greulish & Pyle) et la détention dans des centres pour adultes dans l’attente de leur expulsion, ainsi que sur la conformité de ces mesures à la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE).
Après avoir appelé l’attention du Comité sur les problématiques communes aux Etats liées au traitement des MNA migrants en Europe, le Défenseur des droits a souligné la nécessité de rappeler aux Etats leurs obligations en matière de protection. Ces obligations, inscrites dans la CIDE, impliquent de prendre une série de mesures et ce, dès l’accueil de l’enfant sur le territoire de l’Etat. Sur la question de détermination de l’âge du mineur qui ne fait l’objet d’aucune règle commune ou d’accord en Europe, le Défenseur des droits rappelle que c’est une procédure lourde de conséquences pour ce dernier qui doit être respectueuse de ses droits et entourée de plusieurs garanties. Il constate que le recours au test osseux est courant. Pourtant, de nombreuses études et rapports ont démontré que cette méthode est inadaptée, peu fiable et qu’elle porte atteinte à la dignité et l’intégrité physique de l’enfant. C’est la raison pour laquelle le Défenseur des droits recommande de proscrire son utilisation. Le Comité des droits de l’enfant s’est également prononcé contre cette méthode : dans ses observations générales du 16 novembre 2017, il a rappelé que les Etats doivent s’abstenir d’utiliser des méthodes médicales fondées notamment sur les analyses osseuses et dentaires, qui peuvent être imprécises, comporter de grandes marges d’erreur, être traumatisantes et entraîner des procédures juridiques inutiles. Enfin, en s’appuyant notamment sur l’observation générale du Comité datée du même jour, le Défenseur des droits rappelle que la détention des mineurs migrants, qu’ils soient accompagnés ou non, est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et constitue une violation de la CIDE. |
Suivi de la décision : |
En premier lieu, le Comité a rappelé l’importance fondamentale du processus d’évaluation de l’âge qui détermine si la jeune personne bénéficiera de la protection nationale accordée aux mineurs. Dès lors, le Comité a rappelé les garanties qui doivent entourer un tel processus, telles que la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, le bénéfice du doute à accorder à la jeune personne, les conditions dans lesquelles la détermination de l’âge doit avoir lieu, la désignation d’un représentant, le caractère équitable de la procédure, la mise à disposition d’un recours afin de contester le résultat de l’évaluation. Il a également précisé que les documents disponibles doivent être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire, et les déclarations des enfants prises en compte. Sur le recours au « test osseux » auquel ont été soumis les auteurs, le Comité a affirmé que « les États devraient s’abstenir d’utiliser des méthodes médicales fondées sur les analyses osseuses et dentaires, qui peuvent être imprécises, comporter de grandes marges d’erreur, et aussi être traumatisantes et entraîner des procédures juridiques inutiles ». Il a ajouté que cet examen ne convient pas comme unique méthode pour déterminer l'âge chronologique d’une jeune personne qui déclare être mineure et qui fournit des documents attestant cette déclaration. Les Etats devraient procéder à une évaluation complète du développement physique et psychologique de l’enfant. Eu égard à l’ensemble de ces critères, le Comité a conclu à la violation des articles 3 et 12, après avoir relevé que les procédures n’avaient pas été entourées des garanties nécessaires (absence de représentant, rejet quasi automatique de la valeur probante des actes d’état civil produits par les auteurs sans évaluation préalable). En deuxième lieu, le Comité a affirmé que « la date de naissance d’un enfant fait partie intégrante de son identité » et que les Etats ont l’obligation de ne le priver d’aucun élément de son identité. En l’espèce, l’Espagne n’a pas procédé à une évaluation de la valeur probante des documents fournis par les auteurs. Ce faisant, l’Etat partie n’a pas respecté leur identité, en violation de l’article 8 de la Convention. En troisième lieu, le Comité considère que les auteurs ont été privés de la protection spéciale qui doit être accordée aux mineurs non accompagnés dès lors que, placés en situation d’abandon et de grande vulnérabilité, l’Etat ne leur a pas assigné de tuteur afin qu’ils puissent demander l’asile en tant que mineurs. Il les a ainsi exposés à un risque de dommage irréparable en cas de renvoi vers leur pays d’origine. Cela constitue une violation des articles 20§1 et 22 de la Convention. Enfin, le Comité a constaté une violation de l’article 6 du Protocole facultatif dans la mesure où les auteurs n’ont pas été transférés dans des centres de protection de l’enfance pendant l’examen de leurs communications, en dépit des mesures provisoires qu’il avait prononcées. Bien que l’Etat ait affirmé que transférer les auteurs dans des centres de protection pour mineurs pouvait mettre gravement en danger les enfants accueillis dans ces centres, le Comité a considéré qu’il était plus risqué d’envoyer des personnes potentiellement mineures dans des centres qui n’accueillent que des adultes. Le Comité conclut en formulant à l’Etat espagnol, outre un rappel de son obligation de réparation effective, plusieurs recommandations pour que celui-ci veille à ce que de telles violations ne se reproduisent pas. Plus précisément, le Comité recommande aux autorités espagnoles : a) De garantir que toute procédure visant à déterminer l’âge de jeunes gens qui affirment être mineurs soit conforme à la Convention (que les documents présentés par les intéressés soient pris en considération et qu’ils se voient assigner un représentant légal qualifié et autorisé à les assister au cours de la procédure) ; b) De faire en sorte que les jeunes gens non accompagnés qui affirment avoir moins de 18 ans se voient assigner un tuteur compétent le plus rapidement possible, y compris lorsque la procédure de détermination de l’âge est encore en cours ; c) De mettre en place un mécanisme de réparation efficace et accessible pour les jeunes migrants non accompagnés qui affirment être âgés de moins de 18 ans, afin qu’ils puissent demander le réexamen des décisions des autorités par laquelle ils ont été déclarés majeurs dans les cas où la procédure de détermination de leur âge a été menée sans les garanties nécessaires pour protéger leur intérêt supérieur et leur droit d’être entendu ; d) de dispenser aux agents des services de l’immigration, aux policiers, aux fonctionnaires du parquet, aux juges et aux autres professionnels concernés des formations sur les droits des enfants migrants, et en particulier sur les observations générales conjointes nos 6, 22 et 23 du Comité. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Mineurs étrangers |
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