Document public
Titre : | Décision 2018-265 du 16 octobre 2018 relative à la réalisation du geste technique du menottage lors de la maîtrise d’un détenu |
Auteurs : | Défenseur des droits, Auteur ; Déontologie de la sécurité, Auteur |
Type de document : | Décisions |
Année de publication : | 16/10/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 2018-265 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Documents internes] Demande de poursuites disciplinaires [Mots-clés] Administration pénitentiaire [Mots-clés] Violence [Mots-clés] Déontologie de la sécurité [Mots-clés] Menottage [Mots-clés] Relation des usagers avec les services publics [Mots-clés] Droit des détenus [Mots-clés] Violence physique [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Intervention |
Mots-clés: | Manquement individuel ; Réalisation d'un geste technique ; Préservation de l'intégrité physique ; transmission d'informations |
Résumé : |
Le Défenseur des droits a été saisi par M. A, détenu au centre pénitentiaire de X, qui se plaint de violences qu’il aurait subies, le 24 avril 2015, alors qu’il se dirigeait vers sa cellule, en possession d’une bouteille d’alcool, et qui lui auraient occasionné une fracture du bras gauche.
Il ressort de la procédure et des auditions réalisées qu’une tentative de menottage a été réalisée par le lieutenant B entraînant une fracture spiroïde de l’humérus gauche avec trois fragments. Dans un premier temps, il convient de rappeler le principe de l'indépendance de l'action pénale et de l'action disciplinaire selon lequel une action disciplinaire et une action pénale peuvent se dérouler sur la base des mêmes faits répréhensibles, sans interférence du pénal sur le disciplinaire. Les jurisprudences administrative et judiciaire ont, à maintes reprises, considéré qu'un classement sans suite ou un non-lieu n’étaient pas des obstacles à une procédure pouvant aboutir à une sanction disciplinaire. Dans un second temps, l’élément intentionnel permettant de démontrer que le lieutenant B a volontairement commis des violences à l’encontre de M. A est vraisemblablement exclu au regard des éléments réunis au cours des investigations. En dépit de l’absence d’élément intentionnel et du classement de la procédure judiciaire, le Défenseur des droits peut constater l’existence d’un manquement déontologique lié à une mise en œuvre défaillante d’un geste professionnel ayant occasionné un grave préjudice à M. A. En l’espèce, au regard du trouble avéré par la tentative de fuite de M. A, des risques encourus par la possession d’une bouteille en verre et du but à atteindre, à savoir stopper M. A, pour mettre fin au trouble et récupérer la bouteille, les conditions légales autorisant le recours à la force étaient réunies et l’action d’amener le détenu au sol apparaît nécessaire et proportionnée. Cependant, une fois ces conditions remplies, en l’absence de résistance de la part de M. A, de situation d’urgence caractérisée ou de danger avéré et en l’absence de participation d’autres surveillants au menottage du détenu, seule la réalisation du geste technique effectué par le lieutenant B peut avoir entraîné la fracture du bras de M. A. Le lieutenant B reconnaît qu’il est l’auteur de cette fracture tout en affirmant ne pas comprendre comment cela a pu arriver. Il apparaît que la torsion du bras du détenu, lors de la réalisation de ce geste technique professionnel d’intervention par le lieutenant B, a été réalisée soit dans une position inadéquate, soit en effectuant une torsion du bras trop rapide, soit en réalisant une torsion trop importante, c’est-à-dire dépassant le degré de pliure supportable par le bras, soit en réunissant plusieurs de ces éléments. Le Défenseur des droits considère donc que le lieutenant B a mal réalisé le geste technique du menottage et constate un manquement aux articles 12 et 44 de la loi pénitentiaire de 2009 à l’encontre de ce dernier. Enfin, bien qu’étant en état de choc, en ne transmettant pas les informations nécessaires au suivi de l’intervention, en se mettant en retrait, le lieutenant B n’a pas permis à son suppléant d’appréhender la situation avec toute l’objectivité nécessaire. En conséquence, le Défenseur des droits constate à l’encontre du lieutenant pénitentiaire B un manquement aux dispositions des articles 12 et 44 de la loi pénitentiaire et aux article 9, 11, 15 et 17 du code de déontologie de l’administration pénitentiaire, en ne s’étant pas comporté de manière à préserver l’intégrité physique du détenu A et en n’ayant pas transmis les informations nécessaires à la reprise de l’intervention de manière sécurisante par le major C. Le Défenseur des droits constate que, conformément à l’article 25 du code de déontologie de l’administration pénitentiaire, le lieutenant B s’est rendu de lui-même auprès de son chef d’établissement afin de l’avertir qu’il pensait avoir occasionné un dommage physique au détenu A. Le Défenseur des droits salue cette démarche, permettant d’établir avec plus de clarté et de célérité le déroulement des évènements. Au regard de ce cumul de manquement, le Défenseur des droits demande la mise en œuvre de poursuites disciplinaires à l’encontre du lieutenant B. |
Note de contenu : |
Cite :
CE 29 avr. 1960, Lepron, Rec. CE, p. 284 ; CA Amiens, 20 juin 1985, Cah. Prud'h. 1986.83. CE 10 nov. 1944, Langneur, D. 1945.87 ; 20 nov. 1955, Dupuis, Rec. CE, p. 55 ; Cass. soc. 8 oct. 1986, Cah. prud'h. 1987.27 ; 10 mai 1979, Gaz. Pal. 1979.2. panor. 195. |
NOR : | DFDM1800265S |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
Documents numériques (1)
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