Document public
Titre : | Jugement relatif au caractère discriminatoire du refus d'embauche opposé à une candidate, pour un poste d'assistante au sein d'un cabinet d'expertise, au motif qu'elle envisageait une grossesse |
Titre suivant : | |
Auteurs : | Conseil de prud'hommes de Rouen, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 08/11/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 17/00942 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi privé [Mots-clés] Discrimination [Mots-clés] Grossesse [Mots-clés] Embauche [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Sexe |
Résumé : |
Reçue à l’entretien pour un poste d’assistante au sein d’un cabinet d’expertise, la requérante s’est vu opposer un refus d’embauche au motif qu’elle avait invoqué une grossesse possible dans l’année à venir.
Ce motif lui a été donné par l’intermédiaire d’un message vocal laissé par l’employeur puis par courrier. L’employeur avait expliqué, lors de l’entretien, qu’il souhaitait procéder à un « recrutement pérenne » sans avoir à remplacer la personne embauchée pendant son éventuel congé de maternité. Ensuite, l’employeur faisait valoir qu’il cherchait à recruter une personne en contrat de travail temporaire à courte durée et non en contrat à durée déterminée, comme le soutenait la requérante. Réfutant toute discrimination, le cabinet d’expertise soutenait qu’il n’avait pas abordé les aspects de la vie privée de l’intéressée et que sa candidature n’avait pas été retenue en raison de tests non concluants et d’une absence d’expérience de la candidate. L’intéressée a saisi le Défenseur des droits qui a décidé de présenter ses observations devant le juge prud’homal. Le conseil de prud’hommes écarte l’argument de l’employeur qui soutenait qu’il s’agissait d’un recrutement en contrat temporaire de courte durée car plusieurs éléments pris dans leur ensemble démontrent qu’il ne peut pas être fait de lien entre la mission d’intérim invoquée par l’employeur et l’entretien d’embauche de la requérante. En effet, comme le fait remarquer le Défenseur des droits dans ses observations, en vertu du cadre légal propre au travail temporaire, l’entretien de recrutement et les tests préalables relèvent de l’entreprise d'intérim et non de l’entreprise utilisatrice, à savoir le cabinet d’expertise. En outre, il résulte du premier message téléphonique laissé sur le répondeur de la requérante que le cabinet était alors en recherche d’un candidat pour un « poste fixe ». S’agissant de l’affirmation du cabinet selon laquelle les projets de vie privée n’ont pas été abordés lors de l’entretien d’embauche, le conseil souligne que pour être convaincu du contraire, il suffit de se référer au message laissé sur le répondeur de la requérante et de l’attestation établit par le cabinet. Enfin, le conseil écarte l’argument selon lequel la candidate n’avait aucune expérience professionnelle dans le domaine et que ses compétences paraissaient insuffisantes au regard d’un test professionnel pour lequel le cabinet ne fournit aucun élément sur son contenu ou mode d’évaluation. Or, l’intéressée démontre une expérience et une formation de base en concordance avec le poste de secrétaire ou d’assistante. De plus, l’impossibilité de pouvoir comparer le résultat avec celui des autres candidats ne permet pas de démontrer par la société que sa décision aurait été prise sur la base d’éléments objectifs, étrangers à toute discrimination. Le conseil conclut qu’en l'absence d’autres éléments, il est donc clair que la requérante a été écartée d’un emploi au seul motif d’avoir indiqué un projet de grossesse à venir dans l’année lors de son entretien d’embauche. Cela constitue une discrimination a minima à raison de son sexe. Le conseil estime que les préjudices subis par l’intéressée sont indéniables, à savoir, un préjudice matériel de ne pas obtenir un emploi permanent, et un préjudice moral à raison du fait d’avoir utilisé contre elle sa franchise et le loyal esprit de transparence dont elle avait fait preuve dès l’entretien. Le cabinet d’expertise doit verser à la requérante la somme de 10 000 € de dommages et intérêts pour les préjudices subis. |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Emploi |
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