Document public
Titre : | Arrêt relatif à l'usage disproportionnée de la force à l'égard d'un manifestant blessé par balle en caoutchouc : Kilici c. Turquie |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 27/11/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 32738/11 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] Turquie [Mots-clés] Relation avec les professionnels de la sécurité [Mots-clés] Manifestation [Mots-clés] Maintien de l'ordre public [Mots-clés] Usage de la force [Mots-clés] Lanceur de balle de défense [Mots-clés] Arme [Mots-clés] Arme non létale [Mots-clés] Traitement inhumain et dégradant [Mots-clés] Police nationale |
Résumé : |
L'affaire concerne une manifestation en 2009 pendant laquelle le requérant a été blessé à la suite d'un tir de balles en caoutchouc par la police lors de la dispersion des manifestants.
La CEDH estime que bien qu’en l’espèce, par chance, la blessure occasionnée par la balle en caoutchouc ait été relativement légère, il n’en reste pas moins que, dans la mesure où la dangerosité de pareilles munitions ne fait pas de doute, le requérant a quand même été exposé à un risque de blessure plus importante. En effet, à l’instar du tir d’une grenade lacrymogène au moyen d’un lanceur, le tir d’une balle en caoutchouc risque de causer de graves blessures lorsque ce type de munitions est utilisé de manière inadéquate. Pour ces raisons, elle considère que la lésion que présentait le requérant suffit pour faire entrer en jeu l’article 3 de la Convention. Par conséquent, selon la jurisprudence pertinente de la Cour, pour qu’une telle action policière soit compatible avec les exigences de l’article 3 de la Convention, les opérations de police – y compris l’utilisation de balles en caoutchouc – doivent non seulement être autorisées par le droit national mais aussi être suffisamment délimitées par ce droit, dans le cadre d’un système de garanties adéquates et effectives contre l’arbitraire, l’abus de la force et les accidents évitables. Compte tenu de l’absence de cadre réglementaire adéquat sur l’usage des balles en caoutchouc pendant les manifestations ainsi que de l’absence de mention quant à l’utilisation de ce type de munitions dans les procès-verbaux établis par la police le jour des faits dénoncés, la Cour conclut que les forces de l’ordre ont agi sans instruction précise, avec une grande autonomie. Elle estime que les seules dispositions législatives qui décrivent les lignes directrices des compétences attribuées à la police dans l’usage de la force ne suffisent pas en elles-mêmes à faire du tir de balles en caoutchouc une action policière régulière et adéquate en l’absence d’une réglementation spécifique régissant l’usage de ce type de munitions. Pour la Cour, une telle situation ne permet pas d’offrir le niveau de protection de l’intégrité physique des personnes qui est requis dans les sociétés démocratiques contemporaines en Europe. Par ailleurs, la Cour note que, à la suite du dépôt de sa plainte par le requérant, le procureur de la République saisi de l’affaire a rendu une décision de non-lieu sans avoir répondu à la doléance principale du requérant concernant sa blessure par balle en caoutchouc et sans avoir procédé à un quelconque acte d’investigation. En particulier, il n'a pas cherché à savoir si l’utilisation de la force contre le requérant correspondait à un usage, par les policiers, de la force qui était rendue strictement nécessaire par le comportement de l’intéressé. À cet égard, il convient de noter que, même si un certain nombre de manifestants semblent avoir été arrêtés pour violences ou résistance aux policiers, le requérant n’a été ni arrêté ni poursuivi au titre d’une quelconque infraction qu’il aurait commise lors de la manifestation litigieuse. La Cour conclut qu’il n’est pas établi que l’usage de la force dont le requérant a été victime dans les conditions décrites ci-dessus était une réponse adéquate à la situation, au regard des exigences de l’article 3 de la Convention, et proportionnée au but recherché, à savoir réguler la dispersion d’un rassemblement. De même, elle considère que, en méconnaissance de la même disposition, les actes d’enquête entrepris n’ont pas revêtu un caractère approfondi et effectif. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention. Eu égard à ces conclusions, la Cour n'estime pas nécessaire de statuer séparément sur le grief tiré de la violation de l'article 11 (liberté de réunion) de la Convention. |
ECLI : | CE:ECHR:2018:1127JUD003273811 |
Thématique Bulletin documentaire PDF : | Relation avec les professionnels de la sécurité |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-187829 |