
Document public
Titre : | Décision relative à l'irrecevabilité de la requête portant sur l'interpellation et la privation de liberté d'une fonctionnaire de police : M.D. c. France |
Auteurs : | Cour européenne des droits de l'homme, Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 28/08/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 61401/12 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Mots-clés] Emploi [Mots-clés] Emploi public [Mots-clés] Fonction publique d'État [Mots-clés] Police municipale [Mots-clés] Police nationale [Mots-clés] Harcèlement [Mots-clés] Violence [Mots-clés] État de santé [Mots-clés] Retraite d'office [Mots-clés] Hospitalisation d'office [Mots-clés] Absence d'atteinte à un droit/liberté |
Résumé : |
L'affaire concerne la situation d'une fonctionnaire de police, mutée après qu'elle aurait été victime d'un harcèlement moral et de violences physiques de la part de l'un de ses supérieurs hiérarchiques, et qui a été hospitalisée d'office.
Invoquant l’article 5 § 1 de la Convention, la requérante se plaint d’avoir fait l’objet d’une atteinte arbitraire à sa liberté. Elle vise, d’une part, (sous l’angle de l’article 3 de la Convention) l’interpellation dont elle aurait fait l’objet de la part de ses collègues et, d’autre part, son hospitalisation d’office qu’elle estime arbitraire, aux motifs que le commissaire de police l’aurait préméditée sans justifier de l’urgence d’une telle mesure et alors qu’elle ne présentait pas de troubles mentaux. Invoquant l’article 13 de la Convention, elle se plaint de ne pas avoir été informée de ses droits lors de son hospitalisation d’office et d’avoir ainsi été privée de la possibilité de saisir rapidement la justice. Elle allègue avoir été soumise, dans un contexte professionnel, à un harcèlement moral, des coups, des pressions morales et avoir par la suite été privée de son travail et de revenus. Elle cite l’article 3 de la Convention. Elle considère que la durée de la procédure pénale a dépassé le délai raisonnable prévu par l’article 6 § 1 de la Convention. La Cour déclare, à l'unanimité, la requête irrecevable. Pour autant que la requérante se plaint d’avoir fait l’objet d’une interpellation arbitraire, la Cour relève que le juge d’instruction et la chambre de l’instruction ont conclu à l’issue des investigations, après avoir examiné et pris en compte tous les éléments factuels et juridiques, que la requérante n’avait pas été interpellée, mais qu’elle avait accepté de suivre librement ses collègues au commissariat de police . Cela ressort également du formulaire de requête où la requérante elle-même a indiqué : « stupéfaite (...) je suis mes collègues au commissariat ». La requérante se plaint d’avoir été privée de sa liberté de manière arbitraire, aux motifs qu’elle ne présentait pas de troubles mentaux et que la mesure d’hospitalisation n’était pas justifiée par l’urgence. La Cour retient que l’état mental de la requérante a été établi de façon probante. La Cour relève que les juridictions pénales ont jugé que les dispositions du code de la santé publique en matière d’hospitalisation d’office avaient été respectées et que le délit d’atteinte arbitraire à la liberté n’était pas constitué, compte tenu des menaces proférées par la requérante et des craintes de passage à l’acte que pouvaient avoir ses supérieurs et qui légitimaient la mise en œuvre d’urgence de la mesure. En outre, la Cour relève que la requérante n’a pas saisi les juridictions judiciaires d’une action en responsabilité de l’État qui aurait permis de juger du bien-fondé de son hospitalisation d’office et d’obtenir éventuellement réparation de tout préjudice. Elle observe enfin que, si le tribunal administratif, appelé à apprécier dans sa sphère de compétence la légalité externe de l’arrêté d’hospitalisation d’office pris par le maire, l’a annulé au motif qu’il était insuffisamment motivé, la requérante peut demander réparation de l’illégalité constatée et du préjudice éventuellement causé en saisissant le juge judiciaire. Dans ces conditions, pour autant que la requérante puisse se prétendre victime et ait épuisé les voies de recours internes, la Cour ne décèle aucune apparence de violation de l’article 5 § 1 de la Convention. La requérante se plaint d’avoir subi dans un contexte professionnel harcèlement moral, coups et pressions morales et d’avoir ensuite été privée de son travail et de revenus. Or, la Cour relève que la requérante n’a pas déposé de plainte pénale pour les faits de harcèlement et de coups qu’elle dénonce. Par ailleurs, à supposer que la mise à la retraite d’office dont se plaint la requérante rentre dans le champ d’application de l’article 3 précité, la Cour constate que la décision du préfet a été annulée au motif que l’administration ne démontrait pas avoir satisfait à ses obligations en termes de recherches sérieuses d’adaptation du poste de la requérante ou de reclassement et que la requérante a la possibilité de demander réparation de l’illégalité constatée. Par ailleurs, à supposer que la mise à la retraite d’office dont se plaint la requérante rentre dans le champ d’application de l’article 3 précité, la Cour constate que la décision du préfet a été annulée au motif que l’administration ne démontrait pas avoir satisfait à ses obligations en termes de recherches sérieuses d’adaptation du poste de la requérante ou de reclassement et que la requérante a la possibilité de demander réparation de l’illégalité constatée. Or, la Cour constate que la requérante n’a pas exercé le recours fondé sur l’article L. 141-1 (ancien article L 781-1) du code de l’organisation judiciaire, qui permet au justiciable d’obtenir un constat de manquement à son droit de voir sa cause examinée dans un délai raisonnable, ainsi que la réparation du préjudice en résultant. Adoptée par la Cour le 28 août 2018, la décision d'irrecevabilité a été communiquée le 20 septembre 2018. |
ECLI : | CE:ECHR:2018:0828DEC006140112 |
En ligne : | http://hudoc.echr.coe.int/eng/?i=001-186470 |