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Titre : | Arrêt relatif à la demande d'avis consultatif adressée à la Cour européenne des droits de l'homme concernant la transcription en France de filiation maternelle d'intention des enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger |
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est cité par : | |
Auteurs : | Cour de cassation, Auteur ; Cour de cassation, Cass. Ass. plén., Auteur |
Type de document : | Jurisprudences |
Année de publication : | 05/10/2018 |
Numéro de décision ou d'affaire : | 10-19053 |
Langues: | Français |
Mots-clés : |
[Géographie] France [Géographie] Etats-Unis [Mots-clés] Bioéthique [Mots-clés] Gestation pour autrui (GPA) [Mots-clés] État civil [Mots-clés] Papiers d'identité [Mots-clés] Maternité [Mots-clés] Respect de la vie privée et familiale [Mots-clés] Intérêt supérieur de l'enfant [Mots-clés] Filiation [Mots-clés] Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) |
Résumé : |
L’affaire porte sur le refus des autorités françaises de transcrire les actes de naissances des jumelles nées d’une mère porteuse aux États-Unis sur les registres de l’état civil français au motif qu’en France, il est contraire au principe de l’indisponibilité de l’état des personnes - principe essentiel du droit français - de faire produire effet, au regard de la filiation, à une convention portant sur la gestation pour le compte d’autrui, qui, fût-elle licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public.
Les requérants sont des parents d’intention, ressortissants français, et leurs enfants, conçues grâce aux ovules d’une amie du couple. Le contrat avec la mère porteuse a été conclu conformément au droit américain et homologué par le juge californien. Le père biologique a été désigné comme « père génétique » et la mère d’intention comme « mère légale » des enfants à naître. En avril 2011, la Cour de cassation avait estimé que l’absence de transcription ne privait pas les enfants de leur filiation paternelle et maternelle établies à l’étranger et ne les empêchait pas de vivre avec leurs parents en France. Elle avait conclu que cette situation ne porte pas atteinte au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni au respect du droit à la vie privée et familiale. En juin 2014, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France pour violation du droit au respect de la vie privée des enfants consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH a considéré que le refus de transcription de l’acte de naissance des jumelles nées d’une mère porteuse affectait significativement le droit au respect de leur vie privée et posait une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur de l’enfant. La Cour a estimé que cette analyse prenait un relief particulier lorsque l’un des parents d’intention était également le géniteur de l’enfant. Elle en a déduit qu’en faisant obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’Etat était allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation. En revanche, la CEDH ne s’est pas prononcé sur la reconnaissance de la filiation de la mère d’intention. Sur le fondement de cette analyse, la Cour de cassation a modifié en 2015 sa jurisprudence en considérant que l’existence d’une convention de gestation pour autrui ne faisait pas en soi obstacle à la transcription d’un acte de naissance établi à l’étranger. Elle a également jugé, en 2017, que le refus de transcrire un acte de naissance étranger en ce qu’il désigne le père génétique comme étant le père méconnaissait l’article 47 du code civil et l’article 8 de la Convention. En revanche, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la « réalité » au sens de l’article 47 du code civil elle celle de réalité de l’accouchement. En conséquence, le refus de transcrire la filiation maternelle d’intention ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l’enfant. Par le présent arrêt, la Cour de cassation, statuant en assemblée plénière, décide d’adresser une demande d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme concernant la transcription de la filiation maternelle d’intention. En effet, si la question de la transcription de la paternité biologique est aujourd’hui résolue, il n’en est pas de même de celle de la maternité d’intention, pour laquelle la Cour de cassation s’interroge sur l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les États signataires de la Convention. La question qui se pose est, d’abord, de savoir si, en refusant de transcrire l’acte de naissance sur les registres de l’état civil français s’agissant de la mère d’intention, alors que la transcription a été admise pour le père biologique de l’enfant, un Etat-partie méconnaît l’article 8 de la Convention à l’égard tant de la mère d’intention que des enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger. A cet égard, la Cour de cassation s’interroge sur le point de savoir s’il y a lieu de distinguer selon que l’enfant a été conçu ou non avec les gamètes de la mère d’intention. Enfin, se pose la question de savoir si la possibilité pour la mère d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, père biologique, qui constitue une voie permettant d’établir la filiation à son égard, suffit à répondre aux exigences de l’article 8 de la Convention. |
ECLI : | FR:CCASS:2018:AP00638 |
En ligne : | https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/assemblee_pleniere_22/638_05_40365.html |
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